Des chercheurs de Concordia s’immergent dans l’ambiance des « soirées Vegas » du Casino de Montréal
Les sons, l’éclairage, l’aménagement et même les odeurs du Casino de Montréal ont été soigneusement orchestrés pour attirer les joueurs à l’intérieur, et pour qu’ils y restent le plus longtemps possible.
Bien entendu, ce scénario ne se déroule pas seulement à Montréal. Les casinos du monde entier ont recours à ces pratiques. Toutefois, c’est dans ce casino qu’une équipe de trois chercheurs du Centre d’études sensorielles de Condordia a récemment réalisé une étude sur les techniques précises utilisées pour créer une expérience « qui stimule les sens » et leurs effets sur la clientèle.
Les auteurs soutiennent que leur étude ethnographique est parmi les premières à examiner comment ces techniques de design sensoriel agissent de concert pour façonner l’atmosphère du casino.
L’article, publié dans la revue The Senses and Society, présente une ethnographie du Casino de Montréal : une étude sur le terrain qui porte sur les sens, menée avec les sens. Les chercheurs y tracent un portrait saisissant de l’expérience vécue au Casino dans le cadre des « soirées Vegas », événements promotionnels tenus en septembre et en octobre 2019. Ils décrivent une expérience pensée dans les moindres détails, comme le petit surplus de confort que procurent les tapis ultra moelleux aux visiteurs, ou encore l’aménagement labyrinthique de la section des machines à sous et les sorties difficiles à trouver.
« Depuis quelques années, le design expérientiel est en pleine explosion dans les casinos, qui ne proposent pas seulement une activité, mais une expérience qui éveille les sens », explique Erin Lynch, chercheuse interdisciplinaire, agrégée supérieure de recherches au Centre d’études sensorielles et auteure principale de l’article.
« Nous voulions utiliser cette approche relationnelle et contextuelle pour étudier comment les sens se mêlent dans l’environnement du casino. Nous avons aussi examiné la manière dont divers intervenants, comme les clients et les employés, coproduisent cette atmosphère. »
David Howes, professeur d’anthropologie et codirecteur du centre, et Martin French, professeur agrégé de sociologie, sont coauteurs de l’étude.
S’immerger dans l’expérience
En réalisant leur étude pendant les soirées Vegas, les auteurs étaient directement plongés dans l’ambiance ludique surchargée et kitsch qui naît quand les drag queens, les magiciens, les cocktails sucrés style Las Vegas, la friture et tant d’autres choses s’invitent dans l’univers habituel d’un casino. C’était un « buffet de visions et de sensations extravagantes », écrivent-ils.
« Le thème des soirées Vegas évoque l’esthétique épicurienne associée à la vraie ville de Las Vegas, où “plus, c’est mieux”. Il est également intéressant dans le cadre d’un exercice de thématisation, explique Erin Lynch. Vegas se prend constamment pour d’autres lieux, comme Paris, Venise ou l’Égypte. Alors quand on est à Vegas, on est dans un lieu qui fait semblant d’être un autre lieu. Les soirées Vegas du Casino de Montréal vont encore plus loin, puisqu’il s’agit d’une copie d’une copie. »
Jeu de hasard
Les chercheurs ont également passé du temps au Centre du hasard du Casino, une installation axée sur le jeu responsable. Ce kiosque d’information qui répond à une obligation du gouvernement est censé lever le rideau sur certains aspects du jeu, afin de démystifier l’expérience et de sensibiliser les gens aux dangers des comportements associés aux jeux de hasard. Même si certains éléments du Centre du hasard sont en apparence similaires à ce que l’on retrouve dans les aires de jeu, comme les écrans tactiles et les roulettes, « il en ressort une impression clinique », affirment les auteurs.
« Pour une source d’information qui doit faire concurrence à un océan de divertissements tape-à-l’œil pour attirer l’attention des visiteurs, le Centre du hasard présente une esthétique conventionnelle qui détonne particulièrement. »
Si leur article pose un regard critique sur certains des dangers des jeux de hasard, les chercheurs soutiennent aussi que le côté divertissant de l’expérience en casino doit être mieux compris.
En effet, les études sur le jeu ont tendance à se concentrer sur les pathologies qui y sont liées, tandis que les « expériences agréables associées aux jeux de hasard sont sous-étudiées, selon Martin French. L’industrie a monopolisé les discours sur le plaisir, tandis que le milieu scientifique a quitté cette sphère. Notre étude, sous la direction d’Erin Lynch, nous ramène sur ce terrain. Cela démontre que les sciences sociales peuvent parler du plaisir dans le contexte des jeux de hasard, tout en conservant un point de vue critique. »
Cette étude a été rendue possible par des subventions du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et du Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC).
Lisez l’article cité : « A touch of luck and a ‘real taste of Vegas’: a sensory ethnography of the Montreal Casino ». [Accès gratuit jusqu’au 15 octobre 2020 offert par l’éditeur.]
Le 15 octobre, assistez à la conférence (virtuelle) d’Erin Lynch, cinquième de la série de neuf conférences « Virtual Happenings », ayant pour thème ATMOSPHÈRES, du Centre d’études interdisciplinaires sur la société et la culture.
Pour découvrir les travaux du Centre d’études sensorielles de Concordia.