Des étudiantes et des étudiants de Concordia filment des portraits poignants de membres de leur cercle familial ou amical touchés par la pandémie
À l’automne 2020, alors que la population montréalaise était soumise à un confinement général, 25 étudiantes et étudiants en deuxième année du programme de communication ont braqué leurs caméras sur des proches dont l’existence a été perturbée par la pandémie de COVID-19.
Normalement, aux fins du projet de classe du cours Moving Images II (« images en mouvement II »; COMS 384), les étudiants forment de petits groupes et filment des portraits de personnes exerçant une profession. Mais, comme l’explique Elizabeth Miller, professeure au Département de communication de l’Université Concordia, il a fallu adapter ce projet pour tenir compte des mesures de santé publique et assurer la sécurité des étudiants.
« Nous avons revu les consignes du projet et demandé aux étudiantes et étudiants de dresser le portrait d’un membre de leur cercle familial ou amical, présent dans leur bulle, dont la vie professionnelle avait été bouleversée par la pandémie, précise la Pre Miller. Par la suite, nous avons constaté que ce travail leur avait fourni une belle occasion d’expérimenter de nouvelles formes de collaboration. Surtout, nous avons découvert la grande intimité qui s’était établie entre la réalisatrice ou le réalisateur et son “sujet”. »
Improviser pour mieux s’adapter
Anthony-James Armstrong a interviewé sa tante. Conductrice d’autobus à Montréal, cette dernière a dû composer avec des préoccupations en matière de sécurité – notamment routière, une armée de cyclistes ayant soudain pris d’assaut les rues rendues désertes par la pandémie. Pour sa part, Claudia Juárez Achata a tracé le profil de sa sœur qui, au Pérou, conçoit de nouvelles technologies à l’intention de personnes en situation de handicap. Quant à Jeanne Goulet-Hardy, elle a filmé son père. En transition de carrière, celui-ci prévoyait passer du domaine de la communication à l’industrie aéronautique, mais, coronavirus oblige, il a dû revoir son plan.
Peter Morgan, lui, a articulé son projet autour de sa mère, Nancy Morgan, propriétaire d’un studio de danse à Ottawa. Avec le soutien technique virtuel de Peter, elle a transformé en cours en ligne les formations pratiques qu’elle offrait.
Avant la pandémie, Mme Morgan donnait, en présentiel, des cours qui réunissaient de 20 à 30 élèves chacun. Lorsque la crise s’est déclarée, elle a patienté deux semaines et pris le pouls de la situation. Elle s’est ensuite procuré une webcaméra et un microphone afin d’enseigner uniquement en ligne. Dans l’interview réalisée par son fils, elle souligne les défis que pose l’exécution à distance d’un travail axé avant tout sur la performance physique.
« La relation qui existe en studio entre ma mère et ses élèves se transpose mal en mode numérique, indique Peter Morgan. En présentiel, elle distingue nettement les erreurs qu’ils commettent et travaille étroitement avec eux à les corriger. »
« Par chance, ma mère enseigne depuis plusieurs années à bon nombre de ses élèves, poursuit-il. De plus, comme elle a déjà dansé professionnellement à Montréal, elle connaît les erreurs que font fréquemment danseuses et danseurs. Elle les repère donc facilement. »
Vivant à Montréal, Peter a collaboré à distance avec sa mère dans la recherche d’une plateforme convenant à ses cours. Par ailleurs, il lui a expliqué comment la musique de danse parvenait aux oreilles de ses élèves. « Sans mon soutien, elle se serait vue dans l’obligation, il y a plusieurs mois, de fermer son studio pour de bon. »
Bien que sa mère et lui n’habitent pas la même ville, Peter Morgan l’a interviewée – par l’intermédiaire d’un canal Discord – sur ce que lui avait appris cette expérience. En outre, il a dirigé son père dans le tournage, via cellulaire, de séquences montrant Nancy Morgan à l’œuvre dans son studio.
« Nos étudiantes et étudiants se sont tous montrés à la hauteur »
La Pre Miller l’admet : au départ, l’accès aléatoire des étudiantes et étudiants à des logiciels de montage et à des caméras performantes la préoccupait. Aussi a-t-elle adapté les consignes du projet de cours afin de mettre l’accent sur « tout ce qui ne relevait pas de la technologie », notamment l’intérêt de l’entretien, le choix du sujet et la qualité de la narration et du son.
Malgré d’importantes contraintes, les cinéastes en devenir se sont surpassés. « Ils ont dû se familiariser rapidement avec le journalisme mobile et en gérer tous les aspects, signale la Pre Miller. À mon avis, bien qu’ils aient dû composer avec une courbe d’apprentissage prononcée, nos étudiantes et étudiants se sont tous montrés à la hauteur ».
Pour réaliser leur projet, ces derniers ont recouru aux technologies dont ils disposaient – bien souvent la caméra intégrée à leur cellulaire – et à l’aide des personnes présentes dans leur bulle. Par exemple, le père de Jeanne Goulet-Hardy, qui joue de la guitare, a composé pour elle une bande musicale originale. De plus, il l’a emmenée filmer en avion.
« Exploitant des méthodes incroyablement innovantes pour réaliser des films dans le contexte actuel, les étudiantes et étudiants ont aussi fait appel à l’amour et à l’engagement de leur famille, souligne la Pre Miller. J’en ai été très touchée. Un très grand nombre de personnes apparentées ont fait équipe et se sont impliquées concrètement pour s’assurer que le trimestre d’automne soit aussi significatif que possible. »
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