Des chercheuses de Concordia ont découvert qu’un traitement hormonal peut être efficace contre la polykystose rénale.
Des chercheuses de Concordia ont découvert qu’une hormone communément associée à la régulation du cycle veille-sommeil résorbe les kystes présents chez les drosophiles. Cette découverte est susceptible d’influer sur le traitement des maladies rénales et d’atténuer la nécessité de procéder à des greffes de rein.
Dans un nouvel article paru dans la revue Molecules, Cassandra Millet-Boureima, diplômée (M. Sc. 19), et Chiara Gamberi, professeure adjointe associée de biologie, révèlent avoir découvert que la mélatonine résorbe les kystes présents dans les tubules rénaux des drosophiles. De tels tubules existent aussi chez les mammifères plus complexes, y compris chez les humains où ils sont appelés néphrons. L’article précité, qui s’appuie sur les résultats d’études précédemment menées par Millet-Boureima et Gamberi, est cosigné par Roman Rozencwaig et Felix Polyak de BH Bioscience, à Montréal.
Les chercheuses espèrent que le fruit de leurs travaux pourra contribuer au traitement des personnes atteintes de polykystose rénale autosomique dominante. Cette maladie génétique chronique à évolution progressive se caractérise par l’apparition de dizaines de kystes dans les néphrons. Incurable, elle touche environ 12 millions et demi de personnes dans le monde.
Petites et grandes similarités
Puisque, chez les vertébrés, les néphrons sont intégrés à d’autres tissus, les chercheuses ont utilisé pour leurs travaux des drosophiles, autrement dit des mouches à fruits.
« La drosophile possède nombre de composantes du circuit rénal des vertébrés ainsi que des tubules rénaux isolés sur le plan anatomique, explique Mme Gamberi. La microdissection permet d’extraire ces tubules et de mener des analyses biochimiques et moléculaires. »
Les chercheuses ont d’abord élevé des drosophiles porteuses d’une mutation de la protéine bicaudale C. On sait que cette mutation provoque des kystes rénaux chez les êtres vivants, des drosophiles aux humains en passant par les grenouilles et les souris.
Pendant 18 jours, Mme Millet-Boureima a administré de la mélatonine à 50 drosophiles, et de l’éthanol à un groupe témoin. Elle a ensuite disséqué les drosophiles, étudié leurs kystes et ainsi pu dresser un « index kystique ». Elle a découvert que les mouches traitées à la mélatonine présentaient des kystes beaucoup moins nombreux et beaucoup plus petits que les mouches du groupe témoin. L’expérience de Mme Millet-Boureima en matière de dissection d’insectes et d’étude des tubules rénaux extraits lui a permis de dénombrer correctement les kystes présents chez les drosophiles.
La chercheuse a aussi été en mesure de constater l’existence dans ces tubules de trois sections distinctes possédant chacune une fonction unique, et d’associer les kystes à telle ou telle de ces sections. Après avoir testé plusieurs composantes de la même famille de cellules, Mme Millet-Boureima a observé différentes activités le long des tubules. Les chercheuses se sont rendu compte qu’elles pourraient mettre au point un traitement ciblé, en fonction de l’emplacement des kystes dans les néphrons des patients.
« Sur le plan biologique, cette découverte est porteuse d’un immense potentiel que nous allons évidemment exploiter », précise Mme Gamberi.
Soigner sans toxicité
Tout en précisant que la mélatonine n’a encore jamais été utilisée pour traiter la polykystose rénale, Mme Gamberi juge cette piste prometteuse. La polykystose rénale étant une maladie chronique, son traitement ne doit comporter aucun aspect toxique. Cela exclut donc tout recours à la chimiothérapie et aux anticancéreux destructeurs de tumeurs utilisés en oncologie, par exemple. La mélatonine est absolument non toxique, mais partage certaines propriétés avec les agents anticancéreux et anti-inflammatoires.
« L’oncologie nous enseigne que la mélatonine a deux effets lorsqu’elle est administrée dans le cadre d’une chimiothérapie, explique Mme Gamberi. Premièrement, elle agit comme un adjuvant médicamenteux qui rend la chimiothérapie plus efficace contre les cellules cancéreuses. Deuxièmement, il semble qu’elle protège les cellules saines des effets toxiques de la chimiothérapie. En somme, la mélatonine permet une chimiothérapie plus ciblée. Nous espérons qu’elle puisse avoir un effet positif similaire en cas d’utilisation avec un médicament contre la polykystose rénale autosomique dominante, comme le tolvaptan qui peut endommager le foie. »
Les chercheuses entendent bien partager le fruit de leurs travaux dès que possible.
« J’espère qu’il y aura d’autres d’études sur les médicaments que nous avons testés et que l’on disposera de nouvelles données utiles à la lutte contre la polykystose rénale. »
Lisez l’article précité : « Cyst Reduction by Melatonin in a Novel Drosophila Model of Polycystic Kidney Disease ».