Des chercheurs de Concordia mettent au point un outil de neutralisation des armes chimiques à l’aide de terres rares.
Des chercheurs de Concordia étudient les applications potentielles d’un type de composé appelé réseau organométallique. Ils ont conçu un nouveau type de structure microscopique capable d’atténuer rapidement les effets des armes chimiques lorsqu’elle est exposée à la lumière ultraviolette.
Les réseaux organométalliques sont des réseaux hybrides créés artificiellement à partir de grappes métalliques liées entre elles par des coupleurs organiques appelés ligands. Ils sont généralement ouverts et poreux, parfois décrits comme ressemblant à une éponge. Ils sont extrêmement polyvalents, en fonction des types de matériaux utilisés et peuvent servir dans une grande variété d’applications, de l’assainissement de l’eau à l’administration de médicaments.
L’un de ces réseaux organométalliques fait l’objet d’un nouvel article rédigé par Victor Quezada-Novoa, doctorant, et Ashlee Howarth, professeure adjointe de chimie et de biochimie et titulaire de la chaire de recherche de l’Université Concordia sur les réseaux organométalliques à la Faculté des arts et des sciences. Ils y présentent la conception et la synthèse d’un nouveau réseau organométallique composé de métaux de terres rares, l’yttrium et le terbium, liés à un coupleur organique. Ils ont nommé la structure RE-CU-10 (RE pour terre rare; CU pour Université Concordia)
Les chercheurs ont publié leurs découvertes dans la revue Chemistry of Materials. Hatem Titi, de l’Université McGill, et Amy Sarjeant, de Bristol-Myers Squibb, sont les coauteurs de l’article.
Espèces d’oxygène à action rapide
L’auteur principal, M. Quezada-Novoa, explique que le coupleur, un ligand rectangulaire à base de pyrène tétratopique, possède un noyau particulier qui interagit avec la lumière ultraviolette, produisant ainsi une espèce d’oxygène exceptionnellement réactive, bien que de courte durée, qui provoque une modification de l’agent chimique de guerre, la moutarde au soufre. Il est plus connu sous le nom de gaz moutarde, le tristement célèbre agent vésicant de la Première Guerre mondiale, et est encore stocké et utilisé aujourd’hui.
Travaillant au laboratoire Howarth de l’Université Concordia, M. Quezada-Novoa a placé son réseau organométallique dans un petit flacon de verre contenant un millilitre de méthanol. Après avoir ajouté 23 microlitres de simulant de la moutarde au soufre et exposé le flacon à un photoréacteur à DEL aux UV, les chercheurs ont constaté que le réseau organométallique oxydait efficacement – et donc détoxifiait – le simulant d’agent chimique de guerre. Le processus a duré environ 15 minutes, et la conversion en produit moins toxique a été réalisée à 50 % en seulement trois minutes et demie.
« Nous avons démontré que le matériau que nous avons synthétisé fonctionne très rapidement et qu’il s’agit en fait de l’un des matériaux catalytiques les plus rapides à avoir été signalés à l’aide de cette configuration de réaction », explique M. Quezada-Novoa.
« Il a le potentiel de s’adapter à l’environnement et nous espérons un jour tester ce réseau organométallique dans un laboratoire militaire. C’est notre objectif, étant donné qu’il reste des milliers de litres de moutarde au soufre stockés dans le monde. »
La professeure Howarth souligne que les travaux de M. Quezada-Novoa se distinguent des autres recherches sur les réseaux organométalliques parce qu’ils reposent sur des métaux de terres rares, des éléments que l’on trouve dans le monde entier, y compris au nord du Canada, qui ont des usages industriels essentiels, des téléphones intelligents aux systèmes de guidage des missiles.
« Les chercheurs ont déjà envisagé d’utiliser des réseaux organométalliques pour neutraliser des armes chimiques, mais ils n’ont jamais utilisé de réseaux organométalliques à base de terres rares avec des grappes de nœuds multinucléaires, explique la professeure Howarth. Victor a développé un tout nouveau matériau avec des caractéristiques particulières qui diffèrent de tous les réseaux organométalliques utilisés auparavant. »
Capacité d’adaptation à de nombreux besoins
Les réseaux organométalliques et leurs diverses applications constituent le thème de recherche général du laboratoire Howarth.
« Chaque étudiante ou étudiant du groupe a un objectif final différent, précise-t-elle. Tout en explorant différentes directions dans leurs recherches, ils travaillent tous sur ces structures moléculaires que nous pouvons régler et concevoir dans presque tous les types de chimie que nous voulons en fonction de l’application finale. »
Cette recherche a été financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.
Lire l’article cité (en anglais) : « Building a shp: A Rare-Earth Metal–Organic Framework and its Application in a Catalytic Photo-oxidation Reaction. »