Les ligues sportives peuvent lutter contre les changements climatiques en adoptant leurs calendriers de l’époque du confinement, selon une étude de Concordia
Les deux dernières saisons des ligues sportives professionnelles nord-américaines se sont révélées exceptionnelles à bien des égards : moins de matchs disputés, plus de déplacements à l’échelle régionale et davantage de séries locales calquées sur le modèle du baseball où s’affrontent plusieurs fois de suite une même équipe locale et un même club visiteur. Si ce fut une expérience assez particulière pour toutes les parties concernées, ce contexte exceptionnel s’est traduit par d’immenses bienfaits pour l’environnement, selon Seth Wynes, chercheur à l’Université Concordia.
Dans un article récemment publié dans la revue Environmental Science & Technology, M. Wynes, chercheur postdoctoral Département de géographie, urbanisme et environnement, révèle que la réduction des déplacements dans quatre ligues sportives majeures nord-américaines — la Ligue majeure de baseball, la Ligue nationale de football, l’Association nationale de basketball et la Ligue nationale de hockey — a eu un effet notable sur l’empreinte carbone de ces organisations.
Le chercheur estime qu’en 2018, les déplacements aériens effectués par ces quatre ligues ont totalisé quelque 7,5 millions de kilomètres répartis sur 5 655 vols, ce qui a généré près de 122 000 tonnes d’émissions de dioxyde de carbone. Or, si les habitudes de voyage attribuables à la pandémie de COVID-19 étaient adoptées de façon permanente, les émissions causées par les voyages d’équipes sportives diminueraient de 22 %, soit l’équivalent de plus de 25 000 tonnes.
Bien que ces chiffres ne représentent qu’une infime partie des émissions totales enregistrées annuellement à l’échelle mondiale, le fait de réduire les déplacements en avion peut aussi servir à lancer un message important au public, étant donné la grande visibilité et le vaste réseau d’admirateurs dont jouissent les clubs sportifs.
« Les athlètes sont des modèles, affirme Seth Wynes. S’ils arrivent à montrer que la lutte contre les changements climatiques leur tient réellement à cœur, leurs admirateurs vont le remarquer, et cela pourrait inciter d’autres milieux d’affaires à passer à l’action, pour ainsi dire, et à faire avancer les choses. »
Des villes plus proches, moins de déplacements
Beaucoup de changements bénéfiques qui ont été mis en place étaient somme toute assez minimes. Par exemple, en 2020, la LNH a opté pour des séries dont la formule était calquée sur celle du baseball : une équipe arrivait dans une ville et y jouait plusieurs matchs d’affilée, au lieu de repartir aussitôt pour revenir plus tard dans la saison.
La Ligue majeure de baseball fonctionne de cette façon depuis plusieurs années, et c’est ce qui explique que son niveau d’émissions soit considérablement plus faible que celui des autres ligues. Les équipes peuvent également affronter plus fréquemment leurs adversaires des villes proches, plutôt que de multiplier les voyages en avion pour traverser le continent. Ces petits changements peuvent rapidement avoir un effet cumulatif.
Pour calculer le taux de réduction des émissions, M. Wynes s’est servi des chiffres associés à une saison sportive régulière comme point de référence.
Seth Wynes s’est notamment servi de données provenant de l’Organisation de l'aviation civile internationale pour analyser diverses variables, comme la façon dont la distance de vol varie en fonction du trafic et des conditions météorologiques, ainsi que les taux de combustion de carburant. Lorsque les données sur le type d’aéronef utilisé n’étaient pas disponibles, le chercheur a supposé qu’il s’agissait d’un Boeing 737, modèle dont le volume d’émissions est relativement faible.
Comme chaque kilogramme de carburant brûlé génère 3,16 kg de CO2, M. Wynes a été en mesure de calculer approximativement le volume de dioxyde de carbone émis pour chaque vol en équipe selon l’estimation de la consommation de carburant.
La même formule a été utilisée pour comparer les saisons sportives s’étant déroulées avant la pandémie de COVID-19 et les celles ayant été écourtées et réorganisées sur le plan géographique en raison de la pandémie. Le chercheur a pu constater une réduction marquée des émissions totales par match et par déplacement.
Une formule gagnante pour les joueurs, les ligues et l’environnement
La mise en œuvre de tous ces changements, y compris le raccourcissement des saisons pour réduire le nombre total de voyages, demeure un défi.
« La propension à maintenir le statu quo représente un véritable obstacle : nombre d’entreprises semblent penser qu’il est inutile de chercher des solutions lorsque tout semble bien fonctionner, observe M. Wynes. En outre, selon la ligue concernée, l’adoption de tels changements peut nécessiter l’approbation des propriétaires et de l’association des joueurs. Les parties concernées sont en concurrence et leurs intérêts sont différents – sans compter que les incitatifs à court terme qui visaient à favoriser ces changements durant la pandémie n’existent plus. »
Faire valoir le fait que la réduction des déplacements et un calendrier écourté présentent des avantages pour tout le monde pourrait aider à convaincre les divers intervenants que ces changements en valent la peine, selon M. Wynes.
« Plus de repos entre les matchs diminuerait le nombre de blessures, note le chercheur. Quelques blessures importantes touchant des joueurs vedettes pourraient nuire au classement durant les séries éliminatoires, et cela pourrait inciter une ligue à s’occuper des enjeux liés au repos. »
Les ligues sportives pourraient résister davantage à la pression afin de lutter contre les changements climatiques, ajoute Seth Wynes, mais peut-être qu'un puissant mouvement social pourrait les inciter à agir afin de prouver à leurs admirateurs qu’elles participent à la résolution de cette crise. »
Lisez l’article cité : COVID-19 disruption demonstrates win-win climate solutions for major league sports (article en anglais seulement)
Écoutez le balado de Seth Wynes discutant de ses recherches