La consommation d’alcool est conditionnée par une protéine liée au rythme circadien, selon une nouvelle étude de Concordia
C’est une question que l’on se pose souvent au lendemain du Nouvel An : « Pourquoi buvons-nous comme nous le faisons? » Un groupe de chercheurs a découvert que ce comportement s’explique en partie par la présence d’une protéine particulière dans une partie du cerveau antérieur qui régule, entre autres, la prise de décision et la perception des récompenses.
Voilà le sujet d’un article récemment paru dans la revue Communications Biology, publiée par Nature. Les auteurs de l’étude révèlent que la présence du gène Bmal1 dans le striatum influe sur la consommation d’alcool tant chez les souris mâles que chez les femelles, mais selon un schéma de dimorphisme sexuel. En effet, les souris mâles dépourvues de la protéine consomment davantage d’alcool que celles qui en sont pourvues, tandis que les souris femelles dépourvues de la protéine consomment moins d’alcool que les femelles qui en sont pourvues.
Le gène Bmal1 constitue également une composante essentielle du noyau suprachiasmatique, l’horloge circadienne principale présente chez tous les mammifères qui régule le cycle veille-sommeil. Des analyses antérieures portant sur la combinaison des gènes de l’horloge circadienne avaient révélé que le gène Bmal1 était susceptible d’influer sur les comportements liés à la consommation d’alcool. S’appuyant sur ces observations – et compte tenu de l’existence de différences entre les sexes dans la consommation d’alcool et dans certaines fonctions liées aux gènes présents dans l’horloge circadienne – les chercheurs ont avancé l’hypothèse selon laquelle le gène Bmal1 pourrait avoir une incidence sur la consommation d’alcool en fonction du sexe.
L’étude a été menée par Nuria de Zavalia, adjointe de recherche et directrice de laboratoire du Groupe de recherche en neurobiologie comportementale, sous la supervision de Shimon Amir, professeur de psychologie et professeur-chercheur distingué de l’Université. Les coauteurs de l’étude sont Konrad Schoettner, adjoint de recherche, Jory Goldsmith, étudiant de premier cycle, Pavel Solis, adjoint de recherche, Sarah Ferraro, diplômée de Concordia (Ph. D. 2021) et Gabrielle Parent, adjointe de recherche.
Facteur de risque chez les femelles, fonction de protection chez les mâles
Les chercheurs ont créé deux lignées de souris et ont utilisé des méthodes de biologie moléculaire pour supprimer ou « neutraliser » le gène Bmal1 dans les neurones à épines moyennes du striatum de l’une d’entre elles. Le gène est resté présent dans d’autres parties de l’organisme, car il joue un rôle essentiel dans l’horloge circadienne. L’autre lignée a été utilisée comme groupe témoin.
On a constaté que les mâles dont le gène Bmal1 avait été supprimé dans le striatum consommaient plus d’alcool que les autres, tandis que chez les femelles, on a observé le phénomène inverse : celles qui ne possédaient pas le gène Bmal1 consommaient moins d’alcool que celles qui en étaient porteuses. (En règle générale, les rongeurs femelles ont tendance à consommer une plus grande quantité d’alcool par rapport à leur poids corporel que les mâles.)
« La principale conclusion que nous pouvons en tirer est que chez les femelles, la présence du gène Bmal1 dans le striatum entraîne un risque, car elles consomment davantage d’alcool lorsque le gène est présent, explique Shimon Amir. Chez les mâles, ce gène a un effet protecteur, car ils consomment moins d’alcool. Les différences entre les sexes que l’on observe chez les souris ordinaires disparaissent lorsque le gène est retiré du striatum. »
Le professeur Amir précise que ni la consommation de sucre ni les rythmes circadiens ne sont affectés par la suppression du gène.
« Il semble que le gène Bmal1 dans le striatum soit responsable du contrôle de la consommation d’alcool et qu’il contribue de façon importante aux différences entre les sexes en matière de consommation d’alcool », explique le chercheur.
La base d’un traitement différencié selon le sexe?
Les auteurs de l’étude pensent que cette découverte pourrait aider à traiter les problèmes de dépendance chez l’humain. Par exemple, s’il s’avère que l’alcoolisme est moins répandu chez les femmes que chez les hommes et que leur consommation d’alcool est moindre, celles-ci en ressentent davantage les effets nocifs.
« À ce jour, les traitements biologiques et pharmacologiques conçus pour soigner l’alcoolisme sont limités et ne font pas de distinction entre les hommes et les femmes, alors qu’il existe des différences notables entre les sexes en ce qui concerne les habitudes de consommation et la dépendance à l’alcool, affirme Shimon Amir. En s’appuyant sur la découverte de mécanismes de dimorphisme sexuel, les spécialistes du traitement des dépendances pourraient à terme mettre au point des traitements ciblés en fonction du sexe. »
Cette étude a été financée par des subventions des Instituts de recherche en santé du Canada.
Consultez l’article cité : Bmal1 in the striatum influences alcohol intake in a sexually dimorphic manner.