Les ceintures vertes, efficaces pour ralentir l’étalement urbain, selon une nouvelle étude de Concordia
Il y a quinze ans, la population mondiale était répartie presque également entre les régions urbaines et rurales. En 2022, selon les données de la Banque mondiale, les villes comptent près d’un milliard d’habitants de plus que les campagnes. Cette tendance soutenue à l’urbanisation entraîne une croissance rapide – et souvent désordonnée – des agglomérations urbaines, qui dépassent désormais largement leurs limites de jadis. Relier les banlieues éloignées et les centres urbains est coûteux, financièrement et pour l’environnement, et cause l’augmentation de la circulation routière et des émissions de gaz à effet de serre, la perte de sols agricoles ainsi que la destruction et la fragmentation des habitats fauniques.
La ceinture verte est un des outils que les responsables municipaux et régionaux peuvent utiliser pour restreindre l’étalement urbain. Il s’agit d’un espace ouvert (une forêt, une terre agricole ou les deux) qui entoure une ville ou une région, et qui est protégé. Cet espace ouvert, où le développement est fortement restreint ou interdit, sert d’obstacle à l’expansion urbaine. De nombreuses villes du monde se sont dotées d’une ceinture verte, mais l’utilité de cette mesure contre l’étalement ne fait pas l’unanimité : les détracteurs soutiennent qu’elle peut encourager l’exurbanisation et augmenter la pression sur les promoteurs dans les ceintures vertes.
Selon une nouvelle étude de deux chercheurs de Concordia publiée dans la revue Landscape and Urban Planning, les ceintures vertes sont presque toujours efficaces pour ralentir l’étalement, surtout dans les grands centres urbains. L’étude examine la situation dans 60 villes d’Europe – dont la moitié comportent une ceinture verte – et utilise des données à source libre pour comparer l’évolution de l’étalement urbain de 2006 à 2015.
« Nous avons observé un ralentissement de l’étalement dans 27 des 30 villes munies d’une ceinture verte, alors nous pouvons affirmer que, globalement, les ceintures vertes sont très efficaces », affirme Parnian Pourtaherian (M. Sc. 2021), auteure principale de l’étude. Jochen Jaeger, professeur agrégé de géographie, d’urbanisme et d’environnement à la Faculté des arts et des sciences, cosigne l’étude.
Un avenir à plus petite échelle
Les chercheurs ont réparti les 60 villes en quatre catégories selon la taille de la population : très grande ville (2,5 millions d’habitants ou plus), grande ville (plus d’un million d’habitants), ville moyenne-grande (de 500 000 à un million d’habitants) et ville moyenne (de 96 000 à 500 000 habitants); les villes avec et sans ceinture verte ont été distribuées uniformément. Les chercheurs ont évalué l’étalement urbain à l’aide d’une méthode appelée prolifération urbaine pondérée (PUP). Cette méthode attribue une valeur à l’étalement selon le nombre de zones bâties dans le paysage, le degré de dispersion de ces zones et la superficie d’occupation moyenne par habitant ou par emploi.
Les chercheurs ont aussi examiné la superficie des zones bâties des villes cibles en 2006 et en 2015, la période la plus longue compte tenu des données disponibles. Même si le nombre de zones bâties a augmenté dans les villes avec et sans ceinture verte, « les différences résidaient surtout dans la superficie d’occupation par habitant, c’est-à-dire l’espace qu’une personne occupe en moyenne, explique Mme Pourtaherian. Dans les villes munies d’une ceinture verte, la diminution de la superficie occupée était la mesure la plus efficace ayant mené à un ralentissement de l’étalement urbain. »
Globalement, l’étalement urbain a diminué dans 90 pour cent des villes munies d’une ceinture verte. À l’opposé, à peine plus du tiers – 36,7 pour cent – des villes sans ceinture verte ont vu leur étalement diminuer. La majeure partie de cette diminution s’explique par une densification du développement, donc une plus faible superficie d’occupation par habitant.
Pratiques transférables
Les chercheurs soulignent que la densification du développement urbain est essentielle pour bâtir des villes plus vertes, plus durables et plus compactes. Ils encouragent les administrations municipales à recourir autant que possible à la densification et à collaborer avec les villes et les agglomérations voisines pour adopter des modèles de développement similaires qui ralentissent l’étalement. Selon M. Jaeger, lorsque des facteurs géographiques empêchent la création de ceintures vertes complètes, l’aménagement d’espaces verts, sans qu’ils soient nécessairement reliés, peut aider.
« Nous avons eu connaissance de discussions récentes sur le recours à des ceintures vertes partielles, comme des couloirs ou des coulées de verdure, pour circonscrire les villes. Il existe plusieurs options, mais en général, la ceinture verte est un excellent moyen d’aider les villes à mieux utiliser leur territoire. Nous espérons que les villes d’Amérique du Nord seront plus nombreuses à l’adopter. »
Lire l’article cité (en anglais) : « How effective are greenbelts at mitigating urban sprawl? A comparative study of 60 European cities »