Les phénomènes météorologiques extrêmes n’entraînent pas de changement politique, selon une nouvelle étude de l’Université Concordia
Cette année a été exceptionnelle pour le climat de notre planète, mais pour les mauvaises raisons : l’ouragan Ian a dévasté le sud-ouest de la Floride, l’ouragan Fiona a fait des ravages en Nouvelle-Écosse, le tiers du Pakistan a été inondé, des records de chaleur ont étouffé la côte ouest de l’Amérique du Nord, de la Colombie-Britannique jusqu’à la Californie, et l’Europe a été frappée par une vague de chaleur sans précédent. La liste des phénomènes météorologiques extrêmes – conséquences quasi certaines des changements climatiques anthropiques – s’allonge d’année en année. Ces phénomènes catastrophiques seront la principale préoccupation des dirigeants, ministres, autres fonctionnaires et militants qui se réuniront la semaine prochaine à Sharm El-Sheikh, en Égypte, pour la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques 2022 (COP 27).
Toutefois, un nouvel article de Sam Rowan, professeur adjoint de science politique, souligne que ces bouleversements n’entraînent pas encore de virage dans les politiques de lutte contre les changements climatiques. L’article publié dans la revue Environmental Politics signale que les phénomènes météorologiques extrêmes et les catastrophes naturelles, qui causent des milliers de décès et des dommages dont la valeur s’élève à des centaines de milliards de dollars, ne donnent lieu à aucune réforme des politiques sur le climat.
Chocs climatiques insuffisants
Le Pr Rowan a entrepris ses travaux de recherche après avoir remarqué dans les médias que chaque phénomène météorologique extrême provoquait un flot de débats et d’articles d’opinion de plus en plus virulents pressant les gouvernements à agir contre le réchauffement climatique mondial. Ces articles apparaissaient régulièrement après une catastrophe – inondation, incendie de forêt ou vague de chaleur –, et les auteurs étaient convaincus qu’elle donnerait lieu à des mesures concrètes de la part des gouvernements.
« Il y avait lieu de penser que les vagues de chaleur ou les incendies de forêt déclencheraient des réformes, explique-t-il. D’abord, ces phénomènes rendent la question des changements climatiques beaucoup plus concrète pour les personnes touchées. Ensuite, les études montrent que les phénomènes météorologiques extrêmes, à l’échelle locale, provoquent un changement d’attitude envers les changements climatiques au sein de la population. Enfin, ils sont extrêmement dommageables pour l’économie. Il serait donc logique que les gens d’affaires pressent les autorités locales à agir. »
Or, la réaction des gouvernements aux phénomènes météorologiques est lente, voire inexistante. Le Pr Rowan a examiné un échantillon de chocs climatiques et de catastrophes naturelles survenus entre 1990 et 2018, puis il a vérifié si des réformes importantes de politiques avaient été entreprises à l’échelle infranationale, nationale ou internationale dans les trois années subséquentes. Non seulement n’a-t-il trouvé aucune réforme majeure résultant d’un phénomène particulier (des réformes qui, convient-il, peuvent être longues à mettre en œuvre), mais en plus, il n’a relevé aucune trace de politiques relativement simples à appliquer, telles que l’octroi de financement pour atténuer les effets des changements climatiques.
Le Pr Rowan a également pris en compte les nouvelles lois et politiques sur le climat adoptées par les gouvernements au fil des ans. Son travail a donc consisté à examiner les mesures à long terme dans de nombreux pays afin de déterminer si le nombre de nouvelles politiques adoptées augmente après un choc climatique. Il n’a pu établir aucun lien entre les phénomènes météorologiques et les nouvelles politiques. De plus, il a observé qu’en général, le contenu des nouvelles politiques n’avait aucun lien avec les phénomènes récemment survenus dans la région.
Répondre à la population et non au climat
Sam Rowan précise que dans le cadre de son étude, il n’a pas cherché à recueillir des preuves de mobilisation accrue de la société civile après un choc climatique, ni de la part des militants ou des entreprises menacées par les effets des changements climatiques.
« Il pourrait s’agir d’une pièce manquante du casse-tête, avance-t-il. Il faut une étape intermédiaire où les mouvements de protestation s’organisent, les associations industrielles font pression sur les élus, et d’autres enjeux politiques conflictuels émergent pour que les politiciens se sentent obligés d’agir sur cette question. »
Même lorsque l’opinion publique est mobilisée, les partisans de l’action climatique se heurtent souvent à une vive résistance de la part de groupes influents et bien financés qui ont des relations au gouvernement. Il donne l’exemple de l’industrie des combustibles fossiles.
« Pendant longtemps, cette industrie était mieux organisée et pouvait parler d’une seule voix. Avec cette étude, j’espère que les phénomènes météorologiques extrêmes deviendront une sorte de catalyseur pour aider les groupes environnementalistes à mieux s’organiser, à attirer de nouveaux membres et à former des coalitions plus solides pour faire avancer l’action contre les changements climatiques. »
Lisez l’article cité : « Extreme weather and climate policy ».