Concordia accueille une nouvelle boursière postdoctorale Horizon en arts plastiques
L’artiste palestinienne primée Rehab Nazzal sera la nouvelle boursière postdoctorale Horizon de l’Institut Milieux de recherche en arts, culture et technologie au sein du laboratoire de la grappe sur le traitement post-image de 2022 à 2024.
Mme Nazzal apporte ses vastes connaissances multidisciplinaires de la photographie, du son et de la vidéo au groupe de travail sur l’image de l’Université Concordia. Elle est titulaire d’un doctorat en arts et en culture visuelle de l’Université Western Ontario, à London, et lauréate de la bourse pour la justice sociale de l’Université métropolitaine de Toronto ainsi que de la bourse Edmund-et-Isobel-Ryan en arts visuels pour la photographie de l’Université d’Ottawa.
Deanna Bowen et Hannah Claus sont professeures adjointes en arts plastiques et codirectrices de la grappe sur le traitement post-image. La Pre Bowen affirme qu’elles sont fières et chanceuses de recevoir Mme Nazzal à Concordia.
D’après les Pres Claus et Bowen, les projets de recherche et de photographie de Rehab Nazzal sont « d’une pertinence vitale sur la scène mondiale actuelle ». Elles estiment que la présence d’une universitaire palestinienne permettra aux étudiantes et étudiants du Moyen-Orient de recevoir une rétroaction pertinente sur leurs projets artistiques.
« Les travaux de recherche et les contributions de Rehab Nazzal jouent un grand rôle dans nos efforts pour promouvoir une érudition mûre, judicieusement progressiste et intersectionnelle, ajoute la Pre Bowen. Ils créeront et renforceront des similitudes et des solidarités entre les cultures, artistes et universitaires selon une perspective moyen-orientale et les communautés dont la perspective est de descendance africaine, afroautochtone ou autochtone. »
Étudier les archives transnationales par le prisme des débuts de la photographie en Palestine
Les travaux actuels de Rehab Nazzal portent sur les débuts de la photographie en Palestine, des photographes orientalistes européens des années 1840 aux premiers Palestiniens à utiliser ce médium.
« La photographie a été inventée en France en 1838. En 1839, Jérusalem, la Terre sainte, a été photographiée », explique Mme Nazzal.
« Les photographes ont dépeint la Palestine pour le public européen, qui ne l’avait vue qu’à travers les œuvres d’artistes qui représentaient ce territoire et son peuple à partir de leur imagination. Or, malgré l’objectivité que la photographie permettait d’espérer, la Palestine a continué d’apparaître selon une perspective romantique et exotique, et la photographie a ouvert la voie aux entreprises coloniales. »
La chercheuse étudie les archives photographiques dans ce contexte. Elle s’intéresse tout particulièrement aux œuvres de photographes autochtones, dont la Palestinienne Karimeh Abbud, une photographe active au début du 20e siècle.
Karimeh Abbud a fondé un studio de photographie et avait sa propre automobile, qu’elle utilisait pour voyager à travers le pays pour en photographier le paysage, en plus de créer des portraits des membres des collectivités locales. Elle est une pionnière de la photographie, une discipline dominée par les hommes à l’époque.
Rehab Nazzal examinera ce qui distingue l’œuvre d’Abbud de la production des photographes locaux et étrangers de sexe masculin, qui répondait principalement à la demande des touristes et des pèlerins.
La Pre Bowen voit les travaux de recherche de Mme Nazzal comme un pont important avec les initiatives de la grappe sur le traitement post-image.
« Notre collaboration avec Rehab Nazzal découle de nos ambitions communes de rompre avec le discours imposé de véracité de la photographie en interrogeant les archives photographiques historiques du colonialisme blanc sur les peuples autochtones et noirs, précise-t-elle. Cette perspective s’élargit alors naturellement pour embrasser toutes les communautés touchées par le regard colonial. »
Une pratique artistique liée à l’activisme
La pratique créative de Rehab Nazzal a toujours allié la production artistique à l’activisme.
Son retour en terre natale en 2005, après 25 ans d’exil imposé par les forces d’occupation israéliennes, marque un moment important dans sa carrière. Témoin de la destruction de son pays natal et de son peuple, elle délaisse alors la peinture et le dessin pour se consacrer aux arts multimédias en employant des stratégies expérimentales, conceptuelles et documentaires.
« C’est une pratique de plus grande ampleur et plus interactive qui porte un regard critique sur les statu quo, interroge l’histoire et conteste les fausses représentations des autres », résume Rehab Nazzal.
À travers ses projets d’installation et communautaires, Mme Nazzal explore la violence coloniale ou colonisatrice que subissent les corps, les territoires et la vie non humaine en Palestine. Elle représente également la résistance et la résilience palestiniennes face à la puissance colonisatrice appuyée par l’Occident.
Rehab Nazzal établit des parallèles avec le système colonial de l’apartheid qui, selon son analyse, a d’abord été imposé aux peuples autochtones des Amériques avant d’être mis en place en Afrique du Sud et en Palestine.
Elle martèle que le savoir doit pousser à l’action – il ne doit pas seulement étudier la destruction, mais aussi la construction d’un monde juste.
À Toronto, à Vancouver et à Ottawa, Mme Nazzal a dirigé des projets collectifs dans des galeries avec des personnes d’horizons variés et des initiatives artistiques auprès d’immigrants, en plus de collaborer avec divers groupes d’activistes. Au cours des deux prochaines années à Concordia, elle espère faire de même à Montréal.
« L’idée, c’est de mobiliser l’érudition et la production artistique pour mettre en lumière les injustices subies par les personnes et le territoire, ainsi que contribuer à instaurer la justice, soutient-elle. Nous devons collaborer à l’amplification des voix des peuples autochtones afin d’opérer des changements structurels dans ce pays. »
Apprenez-en davantage sur l’Institut Milieux de Concordia.