Une promotrice immobilière et doctorante à l’Université Concordia veut déclencher une révolution verte dans le secteur de la construction
Natalie Voland, en partenariat avec l’Institut des villes nouvelle génération de Concordia, bouleverse le secteur de la construction un projet à la fois. La présidente de l’entreprise de promotion immobilière Gestion immobilière (GI) Quo Vadis s’est donné pour mission de décarboner les bâtiments de Montréal.
Militante pour le climat autoproclamée, Mme Voland rejette le statu quo. Il y a 25 ans, elle a abandonné sa carrière de travailleuse sociale pour prendre les rênes de l’entreprise de son père à la santé fragile. Sa vision : se servir des projets de construction pour renforcer la collectivité. Depuis, Mme Voland a obtenu la certification B Corp pour les normes élevées de son entreprise et trouvé des façons novatrices de remettre les bâtiments en état et de promouvoir le développement durable.
Qu’il s’agisse de la conversion de bâtiments patrimoniaux en locaux accessibles pour petites entreprises ou de la décarbonation totale du Complexe Dompark de GI Quo Vadis, Mme Voland a réussi à réduire la production de déchets et les émissions de gaz à effet de serre sans pour autant sacrifier la rentabilité.
Aujourd’hui, pour son doctorat, elle étudie les occasions pour les promoteurs privés de construire des logements abordables et carboneutres, ainsi que les obstacles qu’ils doivent contourner.
Ses directrices de thèse sont Ursula Eicker, titulaire de la chaire d’excellence en recherche du Canada sur les collectivités et les villes intelligentes, durables et résilientes, et Carmela Cucuzzella, titulaire de la chaire de recherche de Concordia en conception intégrée, écologie et durabilité du milieu bâti. Toutes deux sont codirectrices fondatrices de l’Institut des villes nouvelle génération.
Mme Voland codirige également le nouvel accélérateur de décarbonation des bâtiments de Concordia, où elle aide à fournir aux promoteurs les outils et ressources dont ils ont besoin pour rendre plus durable le secteur tout entier.
« Je veux construire une multitude de bâtiments carboneutres. »
À vos débuts dans le domaine de la promotion immobilière, quels aspects du secteur vouliez-vous changer?
Natalie Voland : Je trouvais certaines pratiques en construction décourageantes, par exemple le cycle de l’usage unique où tout est jeté. Je pensais que nous pouvions faire mieux.
Nous avons changé notre façon de gérer les déchets et cessé de permettre aux locataires de démolir l’intérieur des locaux, puis de reconstruire n’importe comment. Il était d’usage à Montréal de tout arracher après le départ d’un locataire, puis d’engager un architecte pour reconstruire.
Premièrement, ça coûte très cher. Deuxièmement, c’est du gaspillage, car la nouvelle salle de conférence risque d’être reconstruite presque au même endroit que l’ancienne. Je trouvais qu’il fallait concevoir les locaux plus intelligemment pour ne pas avoir besoin de les démolir chaque fois.
Quelles difficultés devez-vous surmonter pour convaincre les promoteurs d’adopter des solutions durables?
N. V. : Cela dépend des risques. Les promoteurs ont peur que l’intégration du développement durable augmente le coût de leurs projets. Ils se demandent qui paiera ces frais, si le marché est prêt à absorber les coûts associés à la construction durable et qui il faut engager pour construire des bâtiments carboneutres. Il n’existe aucun guichet unique où trouver les réponses à ces questions.
Beaucoup de gens pensent que les promoteurs immobiliers sont des personnes mal intentionnées. Or, ils sont un moteur de l’économie. Ils créent des emplois et injectent des fonds dans la collectivité. Mais pouvons-nous mieux construire? Oui.
Comment décririez-vous votre philosophie d’affaires?
N. V. : Je n’ai jamais été du genre à suivre les pratiques courantes. J’ai été travailleuse sociale. Je travaillais aux soins intensifs auprès de grands brûlés avant de faire de la gestion d’immeubles. Durant ma première semaine comme gestionnaire immobilière, une dame est venue me voir, absolument catastrophée, parce que les toilettes de son bureau ne fonctionnaient pas. Je me suis alors demandé si la situation ne cachait pas quelque chose de plus grave. J’ai dit à la dame : « Votre réaction à propos des toilettes n’a pas de sens. Est-ce que ça va? » Elle m’a regardée, puis a répondu que ça n’allait pas, que son fils venait de recevoir un diagnostic de cancer.
Je crois que c’est à partir de ce moment que j’ai modifié mon approche de la gestion immobilière. J’ai cherché à connaître mes locataires. J’ai voulu en savoir plus sur ce qu’ils vivaient. Nous avons créé tout un système de gestion immobilière fondé sur une approche qu’on appelle aujourd’hui la conception centrée sur la personne. Mais à l’époque, il s’agissait de respect, tout simplement.
Qu’espérez-vous accomplir par votre travail à l’Institut des villes nouvelle génération?
N. V. : Nous essayons de permettre aux étudiantes et étudiants d’intégrer et de tester des concepts dans nos bâtiments. L’un de nos étudiants au doctorat travaille avec nous afin de créer un modèle énergétique grâce auquel le Complexe Dompark, l’un de nos bâtiments, sera certifié conforme aux normes du bâtiment à carbone zéro par le Conseil du bâtiment durable du Canada. Nous nous apprêtons à étendre ce modèle à nos autres bâtiments au cours des 24 prochains mois.
Je veux construire une multitude de bâtiments carboneutres auxquels sont associés des indicateurs de rendement clés. En ce moment, nos projets sont fortement axés sur la biodiversité. Nous travaillons à des trucs complètement fous. J’espère que nous serons fous encore longtemps.
Apprenez-en davantage au sujet de l’Institut sur les villes nouvelle génération de l’Université Concordia.