Mostafa Saad, chercheur engagé de l’Université Concordia, contribue à la décarbonation du cadre bâti
Au moment où la réduction des émissions de carbone et la lutte contre les changements climatiques font l’objet de préoccupations croissantes partout dans le monde, le cadre bâti est un aspect crucial de cette problématique qui demeure souvent négligé. Des gratte-ciel aux habitations unifamiliales, les bâtiments sont à l’origine d’un important pourcentage de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre.
Selon le chercheur engagé de l’Université Concordia Mostafa Saad, il est possible de réduire notre impact environnemental en mettant en œuvre différentes stratégies visant à décarboner les bâtiments existants, comme des mises à niveau écoénergétiques ou l’intégration de systèmes d’énergie renouvelable.
Les recherches du candidat au doctorat en génie du bâtiment portent actuellement sur la conception de modèles de mise à niveau des systèmes énergétiques qui seraient plus rapides et plus accessibles aux propriétaires de bâtiments. Il élabore une approche fondée sur les données permettant de prévoir les effets des changements apportés aux bâtiments, dans le but d’accélérer les processus d’évaluation.
Mostafa Saad, qui est également membre de l’Institut des villes nouvelle génération de l’Université Concordia, a déjà mis en pratique une partie de ses recherches en partenariat avec l’entreprise montréalaise de promotion immobilière Gestion Immobilière Quo Vadis. Grâce à son travail, le Complexe Dompark, propriété de GI Quo Vadis, a été certifié en avril 2022 conforme aux normes du bâtiment à carbone zéro par le Conseil du bâtiment durable du Canada.
Mostafa Saad expliquera en quoi consistent les obstacles à la décarbonation des bâtiments et abordera les façons dont le milieu universitaire et le secteur privé pourraient collaborer afin de surmonter ces obstacles lors d’une table ronde intitulée Decarbonizing Canadian Buildings: Opportunities and Obstacles, qui aura lieu à ESPACE 4 le 8 février prochain de 13 h à 14 h 30.
« Il nous faudra en faire beaucoup plus, et beaucoup plus vite, afin de décarboner nos bâtiments et nos infrastructures. »
Pourquoi vous êtes-vous intéressé à l’amélioration des modèles énergétiques des bâtiments?
Mostafa Saad: L’aspect quantitatif des bâtiments m’a toujours intéressé. Je me suis d’abord interrogé sur la façon dont les gens vivaient sans aucune ingérence d’ordre mécanique dans leur bâtiment d’habitation. Dans le passé, nous n’avions pas de systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation (CVC), ni de ventilateurs. Les gens habitaient dans des bâtiments qui n’étaient dotés d’aucun système mécanique. L’architecture et le bâtiment lui-même étaient conçus de manière à fournir efficacement un confort thermique à l’intérieur.
C’est ce qui a initialement piqué mon intérêt pour les bâtiments passifs et pour la conception et la simulation de constructions selon des considérations ne se limitant pas à l’esthétique. Je me suis mis par la suite à m’intéresser aux façons d’intégrer la performance énergétique d’un bâtiment au cours du processus de conception en tant qu’indicateur clé de performance.
Donnez-nous des exemples de moyens de décarboner les bâtiments.
MS: Le processus de décarbonation d’un bâtiment comporte deux volets. Premièrement, il faut déterminer comment réduire les émissions de carbone et la consommation énergétique liées au fonctionnement du bâtiment. Pour ce faire, il faut apporter des améliorations aux enceintes du bâtiment — la barrière qui sépare l’environnement extérieur et l’environnement intérieur —, changer le mode d’exploitation du bâtiment ou employer de meilleurs matériaux.
Mais lorsque nous prenons ces décisions, nous devons également porter attention à ce que nous utilisons pour remplacer les composantes abandonnées. Par exemple, supposons que je décide d’accroître la masse thermique d’un bâtiment en y aménageant un mur de béton. Or comme le béton a une empreinte carbone très élevée, je vais probablement réussir à réduire la consommation énergétique du bâtiment, mais j’aurai émis une importante quantité de carbone. Il nous faut donc faire preuve de prudence et choisir des matériaux à faible émission de carbone, comme des matériaux d’origine locale ou carboneutres.
Il nous faut également tenir compte de la source d’énergie du bâtiment. Le gaz naturel émet d’importantes quantités de carbone. Nous devons déterminer comment électrifier nos bâtiments ou les alimenter au moyen de sources intégrées d’énergie renouvelable.
Quelles sont les difficultés qui entravent l’amélioration de l’efficacité énergétique d’un bâtiment?
MS: La principale difficulté tient à l’aspect financier. Les propriétaires de bâtiments résidentiels, commerciaux, institutionnels et industriels auront tous des défis d’ordre financier à relever, car les coûts d’investissement liés aux rénovations et à l’énergie propre sont très élevés.
L’absence d’une réglementation qui pourrait accélérer le processus constitue un autre obstacle. À Montréal, les bâtiments devront passer de l’énergie issue de combustibles fossiles à l’énergie entièrement renouvelable d’ici à 2040. Mais le taux de mise à niveau des bâtiments n’est actuellement que d’environ un pour cent par année, ce qui signifie que nous n’atteindrons pas assez rapidement les cibles fixées. Il est donc nécessaire de faciliter le processus de conversion afin d’accélérer le rythme.
Enfin, la mobilisation des utilisateurs de bâtiments et des autres personnes concernées n’est pas non plus chose facile. Comment amener ces personnes à communiquer et à collaborer dans le but d’améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments?
Globalement, les choses progressent à l’heure actuelle, mais il nous faudra en faire beaucoup plus, et beaucoup plus vite, afin de décarboner nos bâtiments et notre économie.
Apprenez-en davantage sur le Programme des chercheuses et chercheurs engagés de l’Université Concordia.
Assistez à la table ronde intitulée Decarbonizing Canadian Buildings: Opportunities and Obstacles à ESPACE 4 (1400, boul. De Maisonneuve O.) ou suivez la discussion en ligne, le 8 février de 13 h à 14 h 30.