Un outil de modélisation 3D plus rapide et plus précis qui reconstruit à l’échelle du pixel le jumeau numérique d’un lieu physique
Des chercheurs de Concordia ont conçu une nouvelle technique permettant de créer des modèles 3D de haute qualité reproduisant avec précision des paysages de grande dimension; ces modèles constituent essentiellement des répliques numériques du monde réel.
Bien qu’il leur reste du travail à accomplir avant d’atteindre leur but, les chercheurs ont récemment donné une description de leur nouvelle méthode automatisée dans la section Scientific Reports de la revue Nature. Le cadre permet de reconstruire la géométrie, la structure et l’apparence d’un lieu physique à partir d’images très détaillées captées depuis un avion volant habituellement à plus de 9 000 mètres d’altitude. Ces images aériennes à grande échelle — comptant généralement plus de 200 mégapixels chacune — sont ensuite traitées afin de générer des modèles 3D précis de paysages urbains, naturels ou mixtes, qui reproduisent même les couleurs des structures.
Le cadre, appelé HybridFlow, a été conçu par Charalambos Poullis, professeur agrégé d’informatique et de génie logiciel à l’École de génie et d’informatique Gina-Cody, et la doctorante Qiao Chen.
« Ce jumeau numérique peut avoir des applications dans des activités courantes comme la reconnaissance et l’exploration de différents lieux, ainsi que dans le domaine du tourisme virtuel, des jeux, du cinéma, etc. », indique Charalambos Poullis. « Mais surtout, il a des applications extrêmement utiles, car il permet d’effectuer des simulations numériques de certains phénomènes de façon sécuritaire. Ainsi, des intervenants et des autorités peuvent y avoir recours afin de simuler des scénarios hypothétiques d’inondation ou d’autres catastrophes naturelles, pour être en mesure de prendre des décisions éclairées et d’évaluer divers facteurs d’atténuation des risques. »
L'apprentissage profond n’est plus nécessaire
Les méthodes de reconstruction actuelles consistent à repérer des similitudes visuelles entre les différentes images afin de construire des modèles 3D. Toutefois, étant donné que les images sont très grandes, des phénomènes comme l’occlusion et la répétition peuvent nuire à la précision du modèle.
Les techniques traditionnelles de modélisation 3D consistent à repérer des points clés figurant dans une image et de les associer à ceux d’une autre image, puis à projeter ces associations sur une aire précise. Avec HybridFlow, les images sont regroupées en différentes sections perçues comme similaires, puis associées selon une correspondance à l’échelle des pixels. Par exemple, un segment d’image montrant un ciel bleu sera associé avec une autre image montrant la même chose, et des images d’une zone densément bâtie seront associées avec des images similaires à partir d'une analyse à l’échelle des pixels. Cette méthode rend le modèle plus robuste, car les points clés sont plus faciles à repérer dans les images; de plus, le temps de traitement par triangulation des points de correspondance est plus rapide, et la reproduction obtenue plus précise.
« HybridFlow élimine également la nécessité de recourir aux techniques d’apprentissage profond, qui exigent le traitement d’une grande quantité de données et beaucoup de ressources », explique le Pr Poullis. « Cette méthode fondée sur les données a la capacité de traiter des images de toutes les dimensions. »
Il ajoute que les données sont sauvegardées sur disque et non pas dans une mémoire, ce qui permet d’optimiser le pipeline de données. Lorsqu’un ordinateur traite les données à distance, ajoute-t-il, un modèle de grandeur moyenne d’une zone urbaine peut être généré en moins de 30 minutes.
Charalambos Poullis indique avoir déjà commencé à travailler avec des officiels de la ville de Terrebonne, située dans une zone à risque d’inondation au nord-est de Montréal. Ensemble, ils travaillent à modéliser la ville et à simuler des inondations afin de mieux planifier et évaluer les mesures d’atténuation.
« Ils savent qu’ils ne peuvent pas prévenir les inondations, mais nous pouvons leur fournir des outils leur permettant de prendre des décisions éclairées », indique-t-il. « Nous leur donnons la possibilité de modifier l’environnement en aménageant des barrières comme de sacs de sable, puis nous effectuons des simulations pour déterminer les incidences de cette mesure sur le flux des eaux de crue. »
Cette étude a été financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et le ministère de la Défense nationale.
Lisez l’article cité : Motion estimation for large displacements and deformations.