Skip to main content

Des chercheurs de Concordia contribuent à la préservation du quartier chinois de Montréal face au phénomène omniprésent de l’embourgeoisement

L’Université collabore avec la fondation Jia sur divers projets, dont une étude cartographique et un sondage ludique
2 juin 2023
|
Image prise par le bas d'une structure inspirée d'un temple chinois.
Photo : Marion Lhn via Unsplash

Pour la diaspora asiatique de Montréal, le quartier chinois représente depuis longtemps un lien avec la maison et la communauté. C’est un espace où beaucoup peuvent discuter dans leur langue maternelle, où les odeurs des plats traditionnels leur rappellent des souvenirs impérissables et où les personnes ayant des origines culturelles similaires peuvent tisser des liens solides.

Or, comme ce quartier compact du centre-ville est soumis à des pressions croissantes dues à l’embourgeoisement et au réaménagement, beaucoup craignent la disparition de cette poche urbaine de la culture chinoise.

En réponse à ces défis, de nombreux Montréalais, y compris des chercheurs de Concordia, se sont mobilisés pour tenter de protéger ce qui reste du quartier chinois.

« Les quartiers chinois sont des points d’ancrage pour les communautés asiatiques », explique Donny Seto, chargé de cours au Département de géographie, urbanisme et environnement.

« Je suis sensible aux enjeux touchant la deuxième génération. Les immigrants peuvent s’y sentir chez eux et y ramener des souvenirs, mais aussi en créer de nouveaux avec leurs proches. »

L’Institut des villes nouvelle génération de Concordia s’est associé dans le cadre de plusieurs projets de recherche avec la Fondation Jia, un organisme sans but lucratif dont le mandat est de promouvoir le patrimoine asiatique dans le quartier chinois de Montréal. La fondation s’est battue pour protéger le quartier chinois face à la multiplication des tours à condos de luxe qui s’élèvent autour de ses portes.

Parmi les projets figurent une étude retraçant l’histoire des bâtiments et des espaces publics du quartier chinois et un jeu vidéo permettant de se faire une idée de différents scénarios de développements proposés.

CityPlayer : visualiser l’incidence du réaménagement urbain

Christopher Gibbs, de l’Institut des villes nouvelle génération, est conseiller principal pour la plateforme de simulation et de ludification de l’espace urbain, et Jiarui Li (B. Inf. 2022), programmeur principal du volet ludification du projet. Ensemble, ils ont conçu un jeu vidéo avec l’aide d’un groupe d’étudiantes et étudiants stagiaires pour aider à améliorer l’habitabilité et la durabilité des villes.

Citadins, urbanistes, chercheurs et décideurs peuvent utiliser le jeu, appelé CityPlayer, pour visualiser l’évolution des infrastructures. Il peut s’agir de modifier la hauteur d’un bâtiment, d’ajouter des pistes cyclables ou des voies réservées aux voitures, de planter des arbres et bien d’autres choses encore.

« C’est Sim City avec de la vraie science », explique M. Gibbs.

Tout d’abord, avec leur équipe, MM. Gibbs et Li créent un « jumeau » virtuel d’un quartier existant. Ensuite, les joueurs peuvent jouer le rôle d’un urbaniste qui a une vue d’ensemble de la zone et qui visualise des solutions potentielles pour le développement urbain.

Les joueurs peuvent également passer à une vue de la rue de la zone pour voir comment on se promène dans le quartier.

Par exemple, si un participant à CityPlayer augmente la hauteur d’un immeuble d’habitation, il verra que l’ombre qu’il projette s’étend et joue sur la température de l’environnement.

Les joueurs peuvent alors faire savoir s’ils apprécient ou non les changements. Selon M. Gibbs, il s’agit essentiellement d’un sondage ludique.

« Nous misons sur le jeu pour stimuler l’intérêt et la participation des gens, qui le préfèrent à un questionnaire en ligne ou une réunion publique. »

Deux hommes, l'un plus âgé et l'autre plus jeune, se tiennent ensemble devant un grand écran sur lequel est affiché un jeu vidéo et sourient à la caméra. Christopher Gibbs, photographié aux côtés de Jiarui Li, dit du jeu CityPlayer : « C’est SimCity, mais avec de la vraie science ».

Bien que le prototype du jeu existe déjà, ce sera la première fois que le jeu sera utilisé pour aider les citoyens à faire part de leurs préoccupations aux urbanistes.

De nombreux membres de la communauté du quartier chinois souhaitent visualiser ce qui se passerait si les bâtiments qui risquent d’être achetés par des promoteurs étaient remodelés et beaucoup plus hauts.

« Il s’agit de mettre le pouvoir entre les mains des citoyennes et citoyens, explique M. Gibbs. Lorsque des groupes communautaires tentent de faire valoir les répercussions d’une proposition de changement, ils disposent d’un outil supplémentaire pour étayer leur argumentation. »

Pour M. Li, ce projet revêt une dimension personnelle.

« Le quartier chinois est un endroit où je peux parler ma propre langue et m’attendre à ce que les gens me comprennent, explique-t-il.

C’est pourquoi je vais toujours dans le quartier chinois pour me faire couper les cheveux. Le coiffeur me connaît bien et communique facilement. »

Homme souriant, cheveux blonds courts et barbe, vêtu d'une chemise bleu clair et d'un pull à fermeture éclair. Pierre Gauthier : « Je veux veiller à ce que le quartier chinois conserve sa pertinence pour les générations d’aujourd’hui et de demain ».

La cartographie de l’historique des bâtiments du quartier chinois

Pierre Gauthier, professeur agrégé de géographie, urbanisme et environnement, travaille sur la cartographie des bâtiments du quartier chinois. Il s’intéresse à la façon dont ils ont été transformés au fil du temps pour répondre aux besoins de la communauté.

« Je veux m’assurer que le quartier chinois reste pertinent pour les générations d’aujourd’hui et de demain », explique-t-il.

Le quartier chinois, note-t-il, est ancré au pied de « la Main » – officiellement connue sous le nom de boulevard Saint-Laurent –, une rue qui a servi de limite traditionnelle entre le Montréal anglophone et le Montréal francophone ainsi que d’axe d’établissement pour les vagues successives d’immigration depuis plus d’un siècle.

Les bâtiments du quartier chinois sont typiques des immeubles résidentiels de la classe ouvrière construits au cours du XIXe siècle sur la Main. Ce qui les rend uniques, selon le Pr Gauthier, ce sont les petites modifications qui y ont été apportées au fil du temps.

Le Pr Gauthier, qui est également codirecteur du groupe de travail sur les environnements bâtis et naturels de l’Institut des villes nouvelle génération, étudie les caractéristiques des bâtiments et des espaces publics du quartier chinois, y compris les parcs et les rues. Il va également étudier les bâtiments qui entourent le quartier.

« Il y a de petites choses que nous tenons pour acquises, mais qui sont vraiment significatives, et si vous ne les examinez pas de très près, vous ne les découvrirez pas et elles risquent d’être perdues », explique Pierre Gauthier. Par exemple, les enseignes commerciales peuvent sembler insignifiantes pour certains, mais elles témoignent de l’utilisation spécifique d’un lieu pour une communauté donnée.

« J’ai pensé que je pouvais apporter ma contribution en traduisant l’objectif de la communauté de préserver le patrimoine culturel en termes spatiaux et physiques, note-t-il. Je peux servir de pont entre les urbanistes, les promoteurs et les usagers du quartier chinois en aidant à déterminer la forme que pourrait prendre le développement sans compromettre l’identité du lieu, tant sur le plan culturel que sur le plan matériel. »



Retour en haut de page

© Université Concordia