Des chercheuses de Concordia innovent grâce à une étonnante source d’énergie renouvelable
Les gouvernements du Québec et du Canada ont récemment pris de grands engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’un des plus puissants de ces gaz est le méthane, dont le gouvernement fédéral s’est engagé à réduire les émissions de 30 pour cent d’ici 2030.
Selon Ottawa, les activités agricoles génèrent 30 pour cent des émissions de méthane au pays, dont 71 pour cent sont imputables à la production bovine. Il s’agit d’un problème mondial, mais une solution potentielle est peut-être en train d’émerger ici. Cette innovation, nous la devons à Soodeh Abedini, postdoctorante et auxiliaire de recherche à l’Université Concordia, et à sa superviseure, Maria Elektorowicz, professeure au Département de génie du bâtiment, civil et environnemental.
Dans sa thèse de doctorat, qu’elle a soutenue avec succès en décembre 2021, Mme Abedini traite d’un dispositif conçu par elle, qui convertit le méthane et le dioxyde de carbone en électricité in situ grâce à un nouveau système électrochimique.
Un problème vachement sérieux
Le secteur bovin était un point de départ logique pour les deux chercheuses. Chaque ruminant produit en effet entre 60 et 120 kg de méthane par an. Qui plus est, l’importante production laitière du Québec repose sur quelque 425 000 vaches réparties dans plus de 3 000 fermes.
Dans sa conception première, l’appareil est suffisamment petit pour être intégré au système de ventilation d’une étable abritant jusqu’à 50 vaches. Lorsque le dioxyde de carbone et le méthane émis par le bétail passent par le système d’échappement, les gaz à effet de serre sont captés par le convertisseur, lequel est relié à des piles à combustible. Une réaction électrochimique convertit les gaz en électricité, qui est ensuite stockée dans les piles. Ces dernières alimentent les installations, créant ainsi un circuit fermé d’énergie perpétuellement renouvelable.
Selon Maria Elektorowicz, la conception modulaire de l’appareil permet une utilisation à différentes échelles dans divers endroits, comme des stations de traitement des eaux usées, des dépotoirs et des raffineries. Avec ses milliers de fermes, ses centaines de stations d’épuration et ses grandes raffineries de Lévis et de Montréal, le Québec produit chaque année environ 76 tonnes métriques de dioxyde de carbone. Si, comme le pensent les chercheuses, le système peut convertir jusqu’à 60 pour cent des gaz qu’il capte, ce dispositif intelligent pourrait grandement contribuer non seulement à l’atteinte d’objectifs ambitieux de réduction des émissions, mais aussi à la production d’énergie emmagasinable.
« Il s’agit du premier dispositif capable de réduire simultanément les émissions de dioxyde de carbone et de méthane, explique la Pre Elektorowicz. Ce qu’a réussi Soodeh Abedini est d’autant plus impressionnant que ces gaz à effet de serre peuvent désormais être utilisés pour produire de l’électricité. »
Cette réalisation a été récompensée en mai lors du Festival des solutions climatiques Québec, où Mme Abedini a remporté le deuxième prix dans la catégorie Recherche de pointe, assorti d’une bourse de 40 000 $.
« Il s’agit d’une solution facile à utiliser et qui fonctionne à température et à pression ambiantes, contrairement à d’autres systèmes en cours d’élaboration, explique la chercheuse. Elle est aussi abordable et pratique, car ses électrodes sont faites de matériaux bon marché. »
Sur le plan personnel, Soodeh Abedini se dit ravie de voir ses recherches reconnues.
« Nous avons besoin de processus simples pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Je pense que ce système a un bel avenir au Canada. Il existe de nombreuses technologies qui captent et stockent les émissions, mais elles ne les transforment pas en sous-produits utiles. Celle-ci convertit les émissions en énergie utilisable, ce qui me donne l’espoir que nous puissions atteindre les objectifs établis par nos gouvernements », conclut-elle.