Un guide pour la recherche scientifique en grande équipe offre un modèle de collaboration en matière de recherche à grande échelle
La recherche scientifique dépend de la collaboration entre les chercheuses et chercheurs et les établissements. Mais ces dix dernières années, les projets de recherche à grande échelle faisant appel à un nombre extraordinairement élevé de chercheurs se sont multipliés, menant parfois à des douzaines voire à des centaines de personnes impliquées dans un projet commun. Parmi les exemples de cette tendance, citons les études ManyBabies, sur les facultés intellectuelles et le développement des nourrissons, et ManyManys, sur les facultés intellectuelles et les comportements comparés de différents taxons d’animaux. Les projets de recherche scientifique en grande équipe de ce type bénéficient de la mise en commun de ressources humaines et matérielles et s’appuient sur des ensembles de données diversifiés pour conférer aux études une robustesse que n’ont pas celles de moindre envergure.
Cependant, même s’ils sont stimulants, ces projets peuvent également être très difficiles à gérer. La communication, la constitution d’équipes, la gouvernance, la paternité et le crédit ne constituent que quelques-uns des enjeux auxquels doivent faire face les responsables d’équipe de recherche scientifique en grande équipe. Sans oublier les complications logistiques liées au travail dans différentes langues, différentes cultures et différents fuseaux horaires.
Heureusement, un groupe de vétérans de la recherche scientifique en grande équipe, dont une chercheuse et un chercheur de Concordia, ont publié un guide pratique visant à aider leurs collègues universitaires à mettre sur pied leurs propres projets. L’article, publié dans la revue Royal Society Open Science, se fonde sur l’expertise acquise au fil des projets de recherche scientifique en grande équipe et fournit une feuille de route pour avoir recours aux meilleures pratiques et surmonter les défis.
« La recherche scientifique en grande équipe constitue une nouvelle méthode de recherche dans le cadre de laquelle de nombreux chercheurs et chercheuses se rassemblent pour répondre à une question commune cruciale dans leur domaine », explique Nicolás Alessandroni, boursier postdoctoral au sein du Laboratoire de recherche sur l’enfance de l’Université Concordia. Nicolás Alessandroni travaille sous la direction de Krista Byers-Heinlein, professeure de psychologie et titulaire de la chaire de recherche de l’Université Concordia sur le bilinguisme et la science ouverte. Ensemble, ils ont rédigé l’article en collaboration avec des chercheuses et chercheurs de l’Université Stanford, de l’Université de la Colombie-Britannique et de l’Université du Manitoba.
« C’est important, car la recherche a toujours été menée de manière compartimentée, les équipes d’un même établissement travaillant sur des échantillons restreints et limités. »
Une construction progressive
Les auteurs reconnaissent qu’il n’y a pas deux projets identiques et qu’il ne peut pas y avoir un modèle unique à suivre pour mettre sur pied un projet de recherche scientifique en grande équipe. Mais il est possible de réussir en mettant en application une approche commune.
Ils suggèrent de commencer par déterminer si le projet est jugé nécessaire par une communauté de recherche. L’adhésion consensuelle permet de faire avancer les choses.
Une fois que le projet est lancé, les auteurs expliquent comment les responsables d’équipe peuvent unir leurs forces pour partager les données et collaborer à la rédaction. Le guide est conçu pour fournir une marche à suivre aux chercheurs et pour aplanir les différends, lesquels surviennent quasi inévitablement quand le nombre de collaborateurs se compte par centaines, voire par milliers. Il aborde des sujets allant de la gouvernance et des codes éthiques aux équipes de rédaction désignées et aux protocoles de paternité.
« La beauté de la recherche scientifique en grande équipe est que tout le monde peut y participer, qu’il s’agisse de personnes étudiantes du premier cycle ou de membres du corps professoral », affirme Nicolás Alessandroni. « Beaucoup d’expériences différentes se rejoignent dans le cadre de la recherche scientifique en grande équipe, ce qui permet l’intégration de nombreuses perspectives dans un même projet. Votre équipe peut être composée de chercheurs chevronnés comme de jeunes étudiants désireux de collaborer et d’adopter cette nouvelle façon de mener la recherche scientifique. »
Ouverts à tous
Il admet que les projets de recherche scientifique en grande équipe ne sont pas faciles à gérer, mais qu’ils présentent des atouts et des avantages évidents.
« Leur définition même fait écho à des valeurs essentielles de la science, soit la transparence, la collaboration, l’accessibilité, l’équité, la diversité et l’inclusion, qui touchent à de nombreux sujets importants, négligés dans la pratique conventionnelle de la science. À bien des égards, ils recoupent le concept de science ouverte, dans lequel les données sont partagées publiquement et les publications sont accessibles dans des revues et des référentiels en libre accès, ce qui permet la mise à disposition des connaissances, sans faire payer le lecteur. »
Nicolás Alessandroni reconnaît que les universités devront s’adapter pour tenir compte des changements dans la façon dont la recherche est soutenue.
« Les établissements du monde entier peuvent contribuer à renforcer les collaborations autour de la recherche scientifique en grande équipe en concevant de nouveaux flux de travail, de nouvelles politiques et de nouvelles structures d’incitation, ajoute-t-il. Évidemment, cela provoquera des changements majeurs dans l’écosystème universitaire, donc beaucoup de choses restent à discuter. »
Lisez l’article cité : How to build up big team science: a practical guide to large-scale collaborations.