Un chercheur engagé de Concordia met au point une nouvelle technologie de vérification de l’âge fondée sur la fréquence cardiaque
Pour Azfar Adib, c’est une rencontre fortuite lors d’un événement à Concordia qui allait lui inspirer un projet de recherche des plus passionnants.
En 2019, Azfar Adib quitte le Bangladesh pour immigrer au Canada afin de poursuivre un doctorat au Département de génie électrique et informatique. Quelques mois plus tard, le chercheur engagé de Concordia fait la rencontre inspirante d’une personne qui milite avec ardeur pour la sécurité des enfants en ligne.
Résolu à défendre cette noble cause, Azfar Adib prend part à des manifestations organisées périodiquement par l’organisme Stop Exploitation Hub, dirigé par Rafaela, étudiant actuel à la Faculté des beaux-arts.
Lorsque vient le temps de choisir son sujet de thèse, Azfar Adib se demande s’il peut mettre à profit ses compétences en génie électrique pour concevoir des méthodes plus efficaces de vérification de l’âge sur le Web.
En discutant avec ses superviseurs, Wei-Ping Zhu et M. Omair Ahmad, le doctorant a l’idée de mettre au point une technologie novatrice permettant d’effectuer une vérification d’âge par électrocardiogramme (ECG).
Nous nous sommes entretenus avec le chercheur pour en savoir plus sur ses travaux révolutionnaires et sa volonté de rendre le Web plus sécuritaire pour les enfants.
D'où vient votre passion pour cet enjeu? Avez-vous des enfants?
Azfar Adib : Je suis célibataire et je n’ai pas d’enfants. [rires]
Mais j’ai des neveux et nièces au Bangladesh et au Canada, et leur bien-être me tient réellement à cœur. J’ai été alarmé en entendant les récits troublants de certains jeunes Canadiens ayant été exposés à des contenus inappropriés.
Le même problème existe partout dans le monde. Cela dit, les pays en développement comme le Bangladesh accusent toujours un peu de retard en ce qui concerne l’adoption de certaines technologies. Mais tôt ou tard, celles-ci finiront par s’implanter, et je suis inquiet des répercussions qu’elles auront sur les jeunes là-bas.
Le Canada est plus enclin à explorer et à signaler certains problèmes qui sont considérés comme tabous dans d’autres pays, comme les contenus troublants accessibles sur le Web. Cet esprit d’ouverture m’a d’ailleurs inspiré le courage de m’investir à fond dans ce domaine.
Pouvez-vous nous expliquer le lien entre la fréquence cardiaque et la vérification de l’âge?
A. A. : De toute évidence, les normes actuelles en matière de vérification d’âge sont inefficaces. Ces méthodes – comme le téléversement d’une carte d’identité ou l’auto-identification – sont facilement contournables, surtout pour les jeunes technophiles. En outre, ces façons de faire ne protègent pas la vie privée des utilisateurs.
C’est ici que la fréquence cardiaque – ou électrocardiogramme– entre en jeu.
Biologiquement, les adultes ont une fréquence cardiaque plus basse que celle des jeunes de 18 ans ou moins. Et obtenir ce signal de fréquence cardiaque est plus facile que jamais grâce aux applications disponibles sur les montres intelligentes. En effet, celles-ci sont pourvues de capteurs capables de détecter un signal cardiaque de manière efficace, précise et indolore.
Je m’attache donc à concevoir une application fondée sur l’IA permettant de vérifier l’âge d’une personne à l’aide de ce signal.
Comment vous y prenez-vous?
A. A. : Lorsqu’il s’agit de concevoir un nouveau système d’IA, quel qu’il soit, il est primordial de recueillir suffisamment de données.
C’est ici, à Concordia, que j’ai entamé ma collecte de données en mesurant la fréquence cardiaque de volontaires à l’aide d’une montre intelligente. J’ai également obtenu des ECG cliniques tirés d’une base de données publique crée par Ie Physikalisch-Technische Bundesanstalt (PTB), l’institut national allemand de recherche en métrologie.
Par la suite, j’ai obtenu l’autorisation de la Commission scolaire English-Montréal pour recueillir des données auprès d’élèves fréquentant ses établissements.
À ce jour, j’ai recueilli des données d’électrocardiogramme auprès de quelque 200 personnes.
À quel point ces mesures de fréquence cardiaque sont-elles fiables à l’heure actuelle? Permettent-elles vraiment de faire la distinction entre une personne de 17 ou de 18 ans?
A. A. : Voilà le piège!
Le changement de fréquence cardiaque ne survient pas toujours exactement à 18 ans. Il peut se produire de deux à trois ans plus tard.
Toutefois, nous savons que l’IA a la capacité d’effectuer une analyse plus poussée et de découvrir des schémas qui nous échappent.
Donc, mon but est de mettre au point un système d’IA capable de déterminer avec précision si une personne est âgée de 18 ans ou plus. Pour ce faire, je dois d’abord entraîner ce système avec une grande quantité de données. Encore une fois, les données sont la clé!
À juste titre, les gens sont préoccupés par la protection de leurs renseignements personnels, tout particulièrement ceux liés à leur état de santé. Comment répondrez-vous à ces préoccupations?
A. A. : Excellente question.
J’ai mené des entrevues auprès des personnes utilisatrices pour savoir ce qu’elles pensent de ce type de technologie. Pour la plupart d’entre elles, la question de la confidentialité est effectivement une source de préoccupation. Certaines se montrent également sceptiques à l’égard des nouvelles technologies. Cela dit, lorsqu’il s’agit d’assurer leur sécurité en ligne et celle de leurs enfants, les gens sont prêts à utiliser la méthode la plus fiable.
Donc, c’est une sorte de compromis. Les internautes peuvent opter pour les méthodes de vérification d’âge fondées sur les cartes d’identité, qui sont faciles à utiliser, mais risquées sur le plan de la confidentialité. Sinon, ils peuvent essayer la solution sur laquelle je travaille. C’est une nouvelle technologie, mais qui assure une meilleure protection de la vie privée.
À terme, je souhaite proposer une technologie qui permettra de protéger les personnes plus vulnérables de façon éthique et sécuritaire tout en garantissant la confidentialité.
Apprenez-en plus sur Azfar Adib.