La résistance aux antibiotiques peut entraver les adaptations ultérieures des bactéries, selon une nouvelle étude de Concordia
Des chercheurs du Départment de biologie et du Département de chimie et de biochimie de l’Université Concordia ont découvert une nouvelle avenue de traitement qui pourrait contribuer à ralentir la résistance des bactéries aux antibiotiques.
Le doctorant Farhan Chowdhury de même que le professeur agrégé Brandon Findlay ont récemment publié les résultats de leurs recherches dans la revue Infectious Diseases d’ACS. Les chercheurs font état d’une souche de la bactérie E. coli qui se retrouve gravement affaiblie après avoir développé une résistance à l’antibiotique chloramphénicol. Cette faiblesse rend la bactérie incapable de s’adapter à d’autres types d’antibiotiques.
La compréhension des mécanismes d’évolution de la résistance peut aider les cliniciens à mieux cibler les agents pathogènes chez les patients.
« Au lieu d’employer des cocktails d’antibiotiques, nous pouvons avoir recours à des traitements séquentiels », précise M. Chowdhury.
« Les cliniciens peuvent ainsi choisir la séquence de médicaments en voyant si un premier antibiotique impose des déficits aux bactéries, ce qui ralentirait l’évolution de la résistance dans les antibiotiques suivants. Cela peut conduire à de meilleures thérapies, en plus de donner aux patients plus de temps pour se rétablir avant que la résistance n’évolue. »
Selon M. Chowdhury, la résistance des bactéries aux antibiotiques atteint déjà des niveaux de crise d’envergure planétaire. En 2019, elle a été responsable d’environ 1,2 million de décès prématurés. D’ici 2050, elle pourrait même entraîner plus de 10 millions de décès et des pertes de 1 000 milliards de dollars par année.
Suivi de la croissance dans différentes conditions
Les chercheurs ont mené leurs expériences en utilisant un milieu de culture mis au point au Laboratoire Findlay appelé SAGE (pour « Soft Agar Gradient Evolution »). Le milieu de culture agit comme une sorte de lit dans lequel les bactéries se développent pendant sept jours. L’E. coli inoculé est prélevé et déposé dans une série de géloses molles contenant différents niveaux de chloramphénicol. On place ensuite les géloses en incubation. Après sept jours, on examine la croissance des bactéries. En utilisant un test de concentration minimale inhibitrice, les chercheurs peuvent alors vérifier la résistance de la bactérie à l’antibiotique.
« Nous avons pu littéralement voir les bactéries se développer à travers les géloses, et il est très facile de voir quand elles ont des problèmes. Cela nous permet de comprendre ce qui se passe dans la gélose », explique M. Findlay.
Les expériences ont ensuite été répétées en utilisant deux autres types d’antibiotiques : la nitrofurantoïne et la streptomycine. Les chercheurs ont également utilisé une souche sauvage d’E. coli – c’est-à-dire non résistante au chloramphénicol – et des souches résistantes au chloramphénicol ayant une meilleure aptitude phénotypique que la souche résistante d’origine. Grâce au séquençage génomique, on a pu établir la trajectoire évolutive de chaque échantillon.
Vu la taille importante de l’échantillon, les chercheurs estiment avec un haut degré de certitude que le coût élevé du développement de la résistance au chloramphénicol dans leur première souche d’E. coli a empêché la bactérie d’évoluer vers des défenses contre la nitrofurantoïne et la streptomycine. Ils ont également observé le même phénomène dans des expériences sur d’autres antibiotiques.
« Ce travail est pertinent parce que nous étudions les altérations effectives de l’aptitude phénotypique qui résultent de l’évolution de la résistance », fait valoir M. Findlay.
« En principe, toute bactérie qui développe une résistance à un antibiotique au détriment de son aptitude phénotypique aurait un comportement semblable à celui que nous observons. »
Les chercheurs soulignent enfin qu’il reste encore beaucoup à faire avant que ces principes puissent être appliqués à l’élaboration de traitements cliniques. Cependant, comme le note M. Chowdhury, les résultats sont prometteurs.
« Nous suggérerons qu’il existe une meilleure façon de choisir les médicaments à utiliser dans le cadre d’un traitement séquentiel que de s’appuyer simplement sur les données de susceptibilité. Nous pourrions modifier les traitements afin de ralentir la vitesse à laquelle la résistance évolue, ce qui nous donnerait une meilleure chance d’améliorer les résultats de la thérapie. »
Lisez l’étude citée (en anglais seulement) : « Fitness Costs of Antibiotic Resistance Impede the Evolution of Resistance to Other Antibiotics »