Une Conférence sur le renforcement de la communauté et la guérison face au racisme anti-asiatique organisée à l’Université Concordia
Selon Statistique Canada, la police a signalé une hausse de 300 % des crimes haineux visant les ressortissants de l’Est ou du Sud-Est de l’Asie au cours de la première année de la COVID-19.
Pour France Stohner (B.A. 2013), directrice générale du Centre Kapwa, ce chiffre est loin d’être de l’histoire ancienne. Le centre qu’elle dirige est un organisme à but non lucratif qui vient en aide à la communauté philippine de Montréal.
« Ces statistiques remontent à trois ans, mais que signifient-elles maintenant? Comment prenons-nous concrètement soin les uns des autres alors que la question de la santé mentale est absente du discours dans la communauté? », s’interroge Mme Stoner.
C’est pour répondre à cette question que le centre a récemment organisé une conférence intitulée Kapwa Rising pendant laquelle la question de la santé mentale a été abordée dans une perspective intersectionnelle et décoloniale.
Par l’entremise de son programme Passerelle, le Centre SHIFT pour la transformation sociale de Concordia est l’un des principaux partenaires financiers du projet. Ce programme vient en aide aux équipes, organismes et personnes qui collaborent à des projets communautaires conformes à la mission et aux valeurs du Centre SHIFT.
Le Centre Kapwa a été créé pour permettre aux diverses voix de la communauté philippine, y compris celles des personnes queers ou transsexuelles, d’accomplir un travail « de désapprentissage, d’unification et de valorisation ». L’organisme sans but lucratif utilise l’art, le mouvement et les discussions pour remplir sa mission de promotion de la santé mentale.
L'équipe organise des activités où il est question de décolonisation, de guérison, de renforcement des capacités communautaires, d'engagement civique et de leadership intergénérationnel.
Le Centre SHIFT a été l’hôte du coup d’envoi de cette première conférence de trois jours qui a eu lieu en octobre et qui avait pour thème « Espoir et réconfort pour faire face au racisme anti-asiatique ».
Combattre les stéréotypes négatifs
Desiree Escalante Ruiz (B.A. 2005) est la directrice des communications du Centre Kapwa. Elle explique que, le premier jour de la conférence, les participants se sont surtout familiarisés avec les notions dont il serait question pendant le reste du week-end. Ils ont notamment déconstruit des mythes comme celui du « péril jaune » utilisé pour stigmatiser les peuples d’Asie et justifier le racisme à leur égard.
Les participants ont également étudié d’autres mythes et stéréotypes, comme ceux de la minorité modèle et de l'étranger perpétuel. Si le premier établit un ensemble de critères différents pour les Asiatiques vivant dans les cultures occidentales, le second a pour effet de reléguer les Asiatiques et les autres minorités visibles au rang de citoyens de seconde zone au sein de la société canadienne.
Le reste de la conférence a consisté en diverses activités visant à renforcer l’esprit communautaire : un atelier d’arts martiaux philippins, une table ronde intergénérationnelle sur le racisme dont sont victimes les gens d’origine asiatique, un spectacle de jeunes personnes queers, un projet d’art collectif et une table ronde sur l’art.
La conférencière principale était Flordeliz (Gigi) Osler, la première Canadienne née de parents originaires des Philippines et de l’Inde à être nommée au Sénat du Canada.
Entraide communautaire
Mme Stohner insiste sur le rôle important joué par la communauté dans le mieux-être de ses membres. Elle estime essentiel de rassembler les gens pour qu’ils puissent partager leurs connaissances et se soutenir mutuellement afin de faire face à des défis intergénérationnels complexes.
« Nous ne parlons pas de racisme entre nous. Mais ne pourrions-nous pas partager nos connaissances et nous doter collectivement des outils dont nous avons besoin pour composer avec cette réalité et nous en sortir la tête haute? Voilà l’idée à l’origine de ce projet », résume-t-elle.
« La notion de kapwa est indissociable de la culture philippine. C’est un mot difficile à traduire », note Mme Stohner.
Il n’y a pas vraiment d’équivalent dans les langues occidentales, mais on parle fondamentalement d’empathie. C'est un sentiment que tous les êtres humains ont les uns pour les autres. »
Mme Stohner est d’avis que l’approche occidentale quant aux soins de santé mentale n’est pas adaptée aux besoins des personnes d’origine philippine. Selon elle, il existe un décalage entre la psychologie occidentale et ce que vivent les membres de la diaspora, d’où la nécessité de décoloniser les méthodes utilisées.
« Dans la culture philippine, le groupe est plus important que l’individu, explique Mme Stohner. Dans notre communauté et dans plusieurs autres, les gens se questionnent sur les moyens à prendre pour que les soins de santé mentale soient plus respectueux de la culture des patients. »
Lorsqu’elle pense aux retombées de cette conférence, Mme Ruiz a cette réflexion : « La conférence a montré qu’il était important pour nous de nous réunir et partager des outils pratiques pour favoriser la santé mentale et le bien-être. »
« Bien que la question du racisme contre les personnes d’origine asiatique puisse être difficile à aborder, il est possible de faire beaucoup de progrès collectivement lorsqu’on crée des espaces sûrs. »
Découvrez d’autres programmes de financement de projets porteurs de changements sociaux sur la page Web du Centre SHIFT pour la transformation sociale.