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Le chercheur engagé de l’Université Concordia Jacob Pitre explore la mainmise des plateformes technologiques sur notre avenir

« Je souhaite que davantage de personnes réfléchissent à d’éventuelles solutions de rechange »
6 février 2024
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Jeune homme souriant aux cheveux courts et ondulés et à la moustache, vêtu d'un pull à col roulé gris
« L’écosystème des plateformes a façonné notre expérience en ligne de telle sorte que nous n’avons d’autre choix que de nous résigner à l’inévitable », affirme Jacob Pitre.

D’Amazon à Netflix en passant par Instagram et compagnie, les plateformes virtuelles font désormais partie intégrante de la vie moderne. Qu’il s’agisse de la manière dont nous gagnons ou dépensons de l’argent ou de la façon dont nous socialisons ou nous divertissons, nous sommes inextricablement dépendants des services fournis par les entreprises de plateformes.

Mais que signifie cette dépendance sur le plan de l’agentivité individuelle et de l’avenir des technologies? D’autant que cet avenir est apparemment défini selon l’horizon des possibles qu’entrevoient les entreprises de technologie…

Plus précisément, comment ces entreprises entendent-elles gouverner notre vision collective de l’avenir? Cette question se situe au cœur de la recherche de Jacob Pitre, chercheur engagé de l’Université Concordia.

Après avoir expérimenté diverses technologies modernes, ce dernier – comme bon nombre d’entre nous – a éprouvé un sentiment d’aliénation. Il a ressenti un désir si profond de réinventer le cyberavenir qu’il a réorienté l’objet de sa recherche doctorale.

Déjà titulaire d’une maîtrise ès arts en études cinématographiques de l’Université Carleton, à Ottawa, Jacob Pitre est entré à l’École de cinéma Mel-Hoppenheim de Concordia avec la volonté bien résolue d’axer sa recherche sur le septième art. Toutefois, les frustrations que lui causaient chaque jour un peu plus les technologies et leur rôle dans nos vies l’ont amené à changer de cap.

Il s’est donc donné pour but de démêler les récits sur l’avenir créés par les entreprises de technologie et, parallèlement, de nous aider à envisager des solutions de rechange.

« En général, la société actuelle a moins confiance dans les institutions. »

Quelle opinion avez-vous des plateformes numériques faisant l’objet de votre recherche?

Jacob Pitre : Prospérant depuis deux décennies, l’écosystème des plateformes a façonné notre expérience en ligne de telle sorte que nous n’avons d’autre choix que de nous résigner à l’inévitable.

Je pense que c’est là la source principale de ma frustration. S’y ajoute ce récit qu’on nous inculque sur le fait d’avoir à composer avec ce qui est mis à notre disposition. On ne nous propose pas vraiment de solutions de rechange sur la conception ou l’organisation du fonctionnement de ces outils ni d’idées sur la manière de nous y adapter.

À mon avis, parvenir à une telle inévitabilité a été très habile de la part des plateformes et entreprises technologiques. Cela s’inscrit dans l’économie qu’elles ont bâtie, et ce, avec la permission tacite de l’État.

Quelles plateformes étudiez-vous plus particulièrement? Quels récits proposent-elles?

J. P. : Ma recherche porte notamment sur Twitch, un service de diffusion vidéo en direct dont Amazon est maintenant propriétaire. Sur ce site, des internautes proposent leurs propres jeux, racontent leur vie en temps réel ou relaient ce que bon leur semble. Twitch se présente comme une solution potentielle à la dure obligation de travailler. En effet, il permet à de nombreuses personnes de gagner un peu d’argent.

On pourrait illustrer le positionnement de Twitch par cette formule : « Venez ici, créez du contenu et faites de l’argent. » Mais l’internaute fait-il partie de l’effectif de l’entreprise? Bien sûr que non. Même si l’entreprise n’utilise pas ce langage, et qu’elle ne le ferait d’ailleurs jamais, elle laisse entendre qu’elle offre la possibilité de gagner de l’argent et de vivre un rêve.

On pourrait croire que ces plateformes visent à remplacer des institutions plus traditionnelles sur lesquelles s’appuie la population. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?

J. P. : En général, la société actuelle a moins confiance dans les institutions.

Prenez Disney, une entreprise qui existe depuis une centaine d’années. Sa plateforme de diffusion en continu, Disney+, entend être LA solution aux besoins de divertissement de toute la population. À cette fin, elle acquiert des droits de propriété intellectuelle.

Marque de confiance, Disney essaie de se positionner comme un guide bien intentionné sur la voie de l’avenir, et ce, à une époque où nous avons collectivement l’impression de nous trouver dans une situation précaire.

Qu’aimeriez-vous que votre recherche apporte?

J. P. : Je souhaite que davantage de personnes réfléchissent à d’éventuelles solutions de rechange aux plateformes numériques. Pour moi, c’est crucial – d’autant plus qu’actuellement, il y a très peu de place pour mener un tel exercice.

De même, j’aimerais que ceux et celles qui ont des idées, des points de vue ou des expériences différentes s’interrogent collectivement sur les possibilités de remplacement des plateformes numériques d’aujourd’hui et qu’ils les explorent.

Peut-être pourrions-nous concevoir des plateformes plus avancées ou plus démocratiques qui ne dépendraient pas d’entreprises à but lucratif.


Apprenez-en davantage sur le
Programme des chercheuses et chercheurs engagés de l’Université Concordia.



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