L’avenir de la lutte contre les feux de forêt passe par l’IA et les drones autonomes, selon des chercheurs de Concordia
La saison des feux de forêt a officiellement commencé au Canada. Plus d’une centaine d’incendies ont déjà été signalés dans le nord et l’ouest du pays. Des villes comme Fort McMurray, dévastée par le feu en 2016, ont été partiellement évacuées, et les alertes touchant la qualité de l’air se multiplient au Canada ainsi que dans une partie des États-Unis.
Pour atténuer les dommages causés par les feux de forêt attribuables au bouleversement climatique, la détection précoce est la clé. En effet, plus ces feux sont repérés tôt, plus il est possible de les éteindre vite et facilement. La plupart des systèmes de détection précoce allient imagerie satellite, capteurs au sol et observation par hélicoptère. Qu’à cela ne tienne : des chercheurs de l’École de génie et d’informatique Gina-Cody mettent actuellement au point un système entièrement automatisé combinant réseaux neuronaux profonds, traitement d’images et véhicules aériens sans pilote afin de déceler les feux de forêt et d’en suivre l’évolution avant qu’ils ne deviennent hors de contrôle.
Dans un article publié dans la revue IEEE Transactions on Industrial Electronics, les auteurs précisent que ce système intégré repose sur des images aériennes captées au moyen de caméras classiques et infrarouges à partir de drones.
« Les drones font office de capteurs mobiles, ce qui est beaucoup plus pratique, explique Youmin Zhang, professeur au Département de génie mécanique, industriel et aérospatial de Concordia et auteur-ressource de l’article précité. Ils permettent d’intervenir plus rapidement et à moindre coût. Le recours à des caméras classiques et infrarouges ainsi qu’à des algorithmes fondés sur l’IA ouvre la voie à des opérations autonomes de détection puis au contrôle des feux de forêt. »
Une solution permettant l’autonomie à prix abordable
Le système conçu par les chercheurs comporte trois modules principaux.
Le premier s’appuie sur un réseau neuronal d’analyse des images, appelé Attention Gate U-Net, qui se concentre sur certaines zones pertinentes d’une image pour en effectuer une analyse très détaillée et structurée. Cela contribue au repérage de la fumée et des flammes ainsi qu’à la réduction des fausses alertes.
Le deuxième module permet de géolocaliser les véhicules aériens sans pilote et les feux. Il s’appuie sur un algorithme monoculaire de géolocalisation et de cartographie simultanées (SLAM), utilisé en vision informatique pour cartographier l’environnement d’une caméra, ainsi que sur des algorithmes d’estimation de la distance à laquelle se situent les feux de forêt. Ces algorithmes d’estimation permettent de prédire l’étendue des feux à partir de variables comme le vent, l’ampleur des flammes, la topographie et la chaleur, tandis que le système GPS des véhicules aériens sans pilote permet de géolocaliser les éventuels départs de feu.
Enfin, une matrice de transformation permet l’enregistrement des images classiques et infrarouges réalisées. Cela aide à éviter les détections trompeuses de feux de forêt et à obtenir une vue complète de la situation sans omettre aucun détail ou segment clé.
Les chercheurs précisent qu’ils utilisent des caméras classiques communes et à prix abordable, capables de réaliser des images de panaches de fumée. Toutefois, comme les feux de forêt commencent habituellement par couver sous la canopée et sont alors indétectables par les caméras classiques, les caméras infrarouges permettent de détecter la chaleur et le rayonnement dégagés par les incendies qui débutent ainsi que de déterminer leur emplacement avant qu’ils ne prennent des proportions infernales.
Bien que les essais sur le terrain aient montré que cette méthode fonctionnait à petite échelle, Youmin Zhang et ses coauteurs reconnaissent qu’il reste beaucoup à faire avant qu’elle puisse être utilisée par les structures de lutte contre les incendies. Même si les chercheurs se heurtent encore à un manque de capacités et de ressources informatiques, le Pr Zhang estime que leur démarche prometteuse progresse dans la bonne direction :
« D’une certaine manière, nos travaux visent à tester la technique de détection mise au point en vue d’une exploitation concrète à l’avenir », résume-t-il.
Linhan Qiao, doctorant, et Shun Li, M. Sc. 2023, sont les coauteurs principaux de l’article. Professeur agrégé et titulaire de la chaire de recherche de l’Université Concordia en intelligence artificielle axée sur la cybersécurité et la résilience (niveau 2), Jun Yan a également contribué à l’article en tant que cosuperviseur de Shun Li.
Les travaux de recherche ont été financés par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), ainsi que par le Consortium de recherche et d’innovation en aérospatiale au Québec (CRIAQ) dans le cadre du projet AVITAGS visant le développement d’un système de guidage par vision intelligente de poursuite de trajectoire pour les aéronefs bombardiers d’eau.
Lisez l’article cité : Early Wildfire Detection and Distance Estimation Using Aerial Visible-Infrared Images