Une étudiante de l’Université Concordia récompensée pour ses recherches sur la présence en ligne des femmes Dawoodi Bohra
« Les femmes religieuses en général ont toujours eu du mal à trouver des espaces publics sûrs pour parler des enjeux qui les concernent », fait valoir Arwa Hussain, doctorante au Département des religions et cultures, depuis son domicile de Karachi, au Pakistan.
« Or, la situation est plus compliquée pour les femmes musulmanes en raison des stéréotypes ambiants, de l’islamophobie et des idées reçues à leur égard », ajoute-t-elle.
Les recherches d’Arwa Hussain portent sur la manière dont les jeunes femmes de la très soudée communauté Dawoodi Bohra interagissent dans les médias sociaux. Les Dawoodi Bohra sont une communauté pratiquante issue d’une branche de l’islam chiite dont les membres sont répartis dans différents pays du Moyen-Orient et d’Afrique de l’Est et qui compte de deux à cinq millions d’adeptes.
« J’examine les possibilités offertes par les médias sociaux et Internet aux jeunes femmes de confession Dawoodi Bohra pour s’exprimer plus librement et affirmer leur identité. »
Arwa Hussain a remporté le prix Relève étoile Paul-Gérin-Lajoie du Fonds de recherche du Québec (FRQ) pour le mois de juillet.
Elle a reçu le prix dans la catégorie Société et culture pour son étude intitulée “Covered, Not Bound”: Young Dawoodi Bohra Women's Self-Representation and Agency through the Online Website Mighzal, (« “une parure et non une prison” : la représentation de soi et l’agentivité chez les jeunes femmes Dawoodi Bohra fréquentant le site Web Mighzal »), qui a été publiée l’an dernier dans la revue Journal of Religion, Media and Digital Culture.
Le FRQ décerne chaque mois trois prix Relève étoile de 1 500 $ chacun, dans les catégories Société et culture, Nature et technologies et Santé.
La liberté dans les limites de la tradition
Les Dawoodi Bohra ont une présence modeste mais croissante en Amérique du Nord, notamment au Canada et aux États-Unis.
Arwa Hussain a observé les jeunes femmes fréquentant le site Web Mighzal (mot arabe signifiant « rouet à filer »), selon une approche combinant ethnographie numérique et cohabitation immersive pour en apprendre davantage sur leurs modes d’interaction et les façons dont elles se soutiennent mutuellement en ligne.
« Nous formons une communauté très diasporique, et Mighzal a été l’une des premières plateformes où les jeunes femmes Bohra de tous les coins du monde pouvaient avoir toutes sortes de conversations sur des sujets importants dans leur vie », explique-t-elle.
« Le site comporte différentes sections et offre divers portraits qui stimulent les conversations. Il a permis aux femmes de se rendre compte qu’elles vivaient les mêmes difficultés. »
Les relations entre les sexes, la représentation de soi et la mode figurent parmi les sujets abordés par les jeunes femmes.
« Les femmes Dawoodi Bohra portent un type particulier de hijab appelé rida, un vêtement deux-pièces très coloré et décoré », précise Arwa Hussain.
« C’est un habit très reconnaissable, avec lequel les femmes Bohra entretiennent un rapport compliqué, car il est associé à la religion, mais peut aussi être un vêtement à la mode. Mighzal a été l’un des premiers sites Web où les femmes Bohra pouvaient parler de ces sujets et des questionnements que suscitent chez elles les vêtements religieux. »
Une vision positive de la technologie
L’article et les recherches d’Arwa Hussain, qui mèneront à sa thèse de doctorat, font état de l’impact favorable que peuvent avoir la technologie et les espaces virtuels sur les communautés religieuses traditionnelles isolées.
« L’un des principaux constats que j’ai faits dans le cadre de mes recherches a été ce changement dans la façon dont le rida est perçu, allant même jusqu’à être vu comme un vêtement à la mode, indique-t-elle. L’autre effet qu’a eu Mighzal est l’importante croissance de cette communauté, qui s’est maintenant déplacée principalement sur Instagram. Cette expansion se manifeste aussi par le nombre accru de jeunes femmes Bohra qui prennent dorénavant part aux discussions. »
La communauté tout entière s’est ouverte avec enthousiasme à la technologie et à Internet.
« Il y a toujours une certaine tension entre les nouvelles technologies et la tradition, mais nous voyons Internet comme un outil qui permet aux femmes Dawoodi Bohra de débattre de diverses questions et d’entreprendre des conversations qu’elles n’auraient pas pu avoir autrement. Il n’y a pas de censure, et il s’agit d’une évolution naturelle vers une communication plus aisée. »
Apprenez-en davantage sur le Département des religions et cultures de l’Université Concordia et lisez l’article primé d’Arwa Hussain.