Les climatologues expriment leur point de vue sur les scénarios climatiques futurs possibles dans une nouvelle étude
Une enquête a révélé que la majorité des climatologues estiment que la Terre pourrait connaître une augmentation de la température mondiale bien plus importante que les objectifs de l’Accord de Paris de 2015 si nous n’augmentons pas considérablement nos efforts pour plafonner nos émissions de carbone.
Cependant, selon la même étude, publiée dans la revue Communications Earth & Environment du groupe Nature, deux tiers des répondants – tous des auteurs du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) – estiment que nous sommes sur la bonne voie pour parvenir à des émissions nettes nulles de CO2 au cours de la seconde moitié du siècle. Ce scénario serait compatible avec l’objectif de l’Accord de Paris, qui vise à maintenir le réchauffement climatique bien en dessous de 2 °C.
La plupart des répondants ont également exprimé leur optimisme quant au potentiel d’élimination du CO2 atmosphérique, la réponse médiane indiquant que la technologie pourrait éliminer jusqu’à cinq gigatonnes de dioxyde de carbone (Gt CO2) par an d’ici 2050. Ce chiffre se situe dans la partie inférieure de la fourchette jugée nécessaire pour atteindre les objectifs de Paris.
« Nous voulions interroger quelques-uns des plus grands climatologues dans le monde pour connaître leur perception des différents scénarios climatiques futurs », explique l’auteur principal, Seth Wynes, ancien boursier postdoctoral à l’Université Concordia et aujourd’hui professeur adjoint à l’Université de Waterloo.
« Ces scientifiques participent également à des activités importantes de communication sur les changements climatiques. Leur optimisme ou leur pessimisme peut donc influencer la manière dont les décideurs reçoivent les messages sur les changements climatiques. »
Il faut en faire plus pour éviter la catastrophe
Dans l’ensemble, les 211 répondants étaient pessimistes quant à la possibilité d’atteindre les objectifs de Paris avec les politiques actuelles, 86 % d’entre eux estimant le réchauffement supérieur à 2 °C d’ici 2100. L’estimation médiane était de 2,7 °C, une hausse qui aurait des conséquences catastrophiques pour la planète.
Selon le coauteur Damon Matthews, professeur au Département de géographie, urbanisme et environnement, cela ne signifie pas que ce niveau de réchauffement est inévitable.
« Ces réponses ne constituent pas une prévision du réchauffement futur, mais plutôt un indicateur de ce que pense la communauté scientifique. Les réponses sont étonnamment cohérentes avec les estimations précédentes de ce qui se produirait si les politiques climatiques actuelles continuaient d’être appliquées sans être resserrées : un réchauffement d’environ 2,5 à 3 °C. »
En plus des questions sur la probabilité des scénarios climatiques futurs, les répondants ont été invités à estimer les réponses de leurs pairs aux mêmes questions.
« Il y avait une forte corrélation entre ce que les gens croyaient et ce qu’ils pensaient que leurs pairs croyaient, déclare le Pr Wynes. Ils avaient tendance à considérer leurs croyances comme représentatives de l’ensemble du groupe. Ce résultat peut indiquer un excès de confiance dans leurs propres croyances, et nous pensons donc que c’est une bonne occasion pour eux de réévaluer ce que leurs pairs croient réellement. »
Travailler avec des données, pas avec des politiques
En tant qu’auteur du GIEC, le Pr Matthews admet que les avis des scientifiques sur les scénarios climatiques possibles sont précieux, mais que d’autres points de vue sur les questions liées aux changements climatiques sont nécessaires si nous espérons le ralentir.
« Bien que les climatologues soient des spécialistes des systèmes climatiques et des transitions énergétiques, la mise en œuvre des politiques et les changements sociétaux détermineront la rapidité avec laquelle les émissions diminueront », fait-il remarquer.
« En fin de compte, c’est aux décideurs politiques et au public qu’ils représentent qu’il appartient de décider ce que nous ferons et comment nous répondrons au défi climatique, et je pense que l’éventail complet des scénarios possibles est encore très large. »
Les personnes suivantes ont contribué à la rédaction de cet article : Steven Davis, de l’Université Stanford; Mitchell Dickau, candidat au doctorat de l’Université Concordia; Susan Ly, étudiante à la maîtrise de l’Université Concordia; Edward Maibach, de l’Université George Mason; Joeri Rogelj, de l’Imperial College de Londres; Kirsten Zickfeld, de l’Université Simon Fraser.
Lisez l’article cité : Perceptions of carbon dioxide emission reductions and future warming among climate experts.