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Les choix linguistiques de la mère sont doublement déterminants dans les familles bilingues, selon une nouvelle étude

Une recherche menée auprès de 300 familles montréalaises révèle que les parents peuvent adopter une approche flexible en matière d’exposition aux langues pour favoriser le bilinguisme précoce
10 décembre 2024
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Un bambin aux cheveux bruns tenu par ses parents

Selon une nouvelle recherche, les mères exercent une influence deux fois plus importante en matière d’exposition au langage, ce qui remet en question les conseils habituellement donnés aux parents.

En effet, les parents souhaitant élever leurs enfants dans le bilinguisme ont longtemps été encouragés à suivre une approche stricte fondée sur le principe « un parent, une langue ». Cependant, une nouvelle étude de l’Université Concordia révèle que les familles bilingues de Montréal suivent leur propre mode d’emploi – et que les mères jouent un rôle décisif dans l’exposition linguistique de leurs enfants.

L’étude a notamment révélé que contrairement au principe « un parent, une langue », les familles montréalaises ont plutôt tendance à privilégier un modèle dans lequel les deux parents parlent les deux langues avec leurs enfants.

« Cela nous a semblé logique, car beaucoup d’adultes à Montréal sont activement bilingues », observe Andrea Sander-Montant, doctorante au Laboratoire de recherche sur l’enfance de l’Université Concordia et auteure principale de l’étude.

« En outre, cette réalité nous indique que les familles adoptent des approches avec lesquelles elles se sentent à l’aise, en dépit des conseils habituellement donnés aux parents souhaitant élever leurs enfants dans un environnement bilingue ».

Les chercheuses ont analysé les questionnaires remplis par des centaines de familles ayant participé aux études du laboratoire entre 2013 et 2020. Elles en ont dégagé quatre principales stratégies : un parent par langue, deux parents bilingues, un parent bilingue (où un parent utilise les deux langues et l’autre une) et une seule langue à la maison (où une langue est employée à la maison et une autre à l’extérieur de la maison, par exemple à la garderie).

« Nous avons observé qu’aucune de ces stratégies ne nous renseignait sur ce que les enfants entendaient réellement à la maison. Il y avait très peu de liens entre les stratégies utilisées et la place accordée à l’une ou l’autre des deux langues », indique Krista Byers-Heinlein, professeure au Département de psychologie et auteure responsable de la supervision de l’étude.

Two women dressed in dark clothes smile in a university corridor Andrea Sander-Montant (left) with Krista Byers-Heinlein: “This research is telling us that families are using approaches that they feel comfortable with, despite the recommendations of experts.”

« Des nouvelles perspectives en matière de transmission des langues »

Ce constat signifie qu’il n’existe pas une stratégie en particulier qui puisse être considérée comme « la meilleure » pour transmettre deux langues à son enfant. Or, en examinant l’utilisation des langues faite par chacun des parents plutôt que la stratégie globale de la famille, les chercheuses ont fait une découverte inattendue et étonnante : l’influence des mères en matière d’exposition à la langue est jusqu’à deux fois plus forte que celle des pères.

« Autrement dit, dans une famille typique, si la mère ne parle que le français, par exemple, l’enfant entendra beaucoup cette langue. Si seul le père parle français, l’enfant y sera beaucoup moins exposé. »

L’influence externe qu’exercent les mères est particulièrement évidente dans les familles bilingues où l’on parle une langue d’origine. Dans un sous-groupe de 60 familles parmi les 300 étudiées parlant une langue officielle (anglais ou français) et une langue d’origine à la maison, les mères étaient généralement celles qui transmettaient la langue d’origine, et ce, même lorsque les deux parents étaient des locuteurs de cette langue.

« Selon nous, ce phénomène pourrait s’expliquer par le fait que les mères passent encore aujourd’hui davantage de temps à la maison que les pères. Des facteurs culturels peuvent également entrer en jeu, la transmission de la langue étant perçue par les mères comme une responsabilité qui leur incombe. »

« Cette étude ouvre la porte à de nouvelles perspectives en matière de transmission des langues », commente la Pre Byers-Heinlein, titulaire de la chaire de recherche de l’Université Concordia sur le bilinguisme et la science ouverte. « Nous estimons que les jeunes enfants doivent être exposés à chacune des langues visées de 20 à 30 heures par semaine durant leurs heures d’éveil. Plutôt que de se préoccuper de la stratégie à privilégier, les familles ont donc tout intérêt à déterminer combien de temps chaque parent passe avec l’enfant, puis à travailler à rebours pour lui permettre d’acquérir suffisamment d’expérience dans chaque langue auprès de locuteurs compétents. »

Les chercheuses estiment que leurs conclusions auront une utilité concrète pour les décideurs politiques, professionnels de la santé et autres intervenants travaillant directement auprès des familles bilingues et leur prodiguant des conseils, notamment pour formuler des recommandations souples et axées sur la famille en ce qui concerne l’éducation bilingue.

A également collaboré à cette étude Rébecca Bissonnette (B.A. 2021).

Cette recherche a été subventionnée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

Lisez l’article cité : « Like mother like child: Differential impact of mothers’ and fathers’ individual language use on bilingual language exposure »

 



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