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L’importance de créer des villes « amies des aînés »

À l’heure où la population canadienne vieillit, les chercheurs de l’Université Concordia réfléchissent aux moyens de renforcer l’inclusivité dans les agglomérations urbaines

De nos jours, il n’y a pas que la taille des villes qui croît. L’âge de leurs habitants fait de même. Le vieillissement de la population, qui selon les Nations Unies est « en train de devenir l’une des plus importantes transformations sociales du XXIe siècle », pousse les municipalités à développer des villes « amies des aînés », pour le plus grand bien non seulement de ces derniers, mais aussi de l’ensemble des citoyens.

« Plus une ville est amie des aînés, plus l’ensemble de ses habitants en profite », affirme Kim Sawchuk, professeure à l’Université Concordia, qui s’intéresse particulièrement à la question du vieillissement et des technologies de communication. 

Selon Mme Sawchuk, les villes amies des aînés se caractérisent par des infrastructures et des services destinés à répondre aux besoins des aînés en matière de santé, mais aussi à lutter contre les problèmes dont ils souffrent et auxquels il est urgent de s’attaquer, comme la pauvreté ou l’isolement social. Mme Sawchuk précise à ce propos que la majorité des 53 personnes décédées à Montréal en juillet dernier en raison de la chaleur étaient des hommes âgés, qui vivaient seuls. Ces décès sont par ailleurs survenus dans ce que l’on appelle des « îlots de chaleur », à savoir des endroits dans la ville où les températures peuvent dépasser de 10 degrés celles qui règnent ailleurs.

« Il est essentiel de répertorier la population vieillissante au sein des différents quartiers de la ville et de cerner les problèmes précis auxquels elle se heurte au fil de l’année », précise Mme Sawchuk.

La professeure Kim Sawchuk de l’Université Concordia explore le carrefour entre vieillissement et technologies de communication. La professeure Kim Sawchuk de l’Université Concordia explore le carrefour entre vieillissement et technologies de communication.

Le nombre de personnes de plus de 60 ans devrait doubler d’ici 2050 et atteindre 2,1 milliards à l’échelle mondiale. Le soutien des populations urbaines vieillissantes est donc une préoccupation croissante. Selon l’ONU, la population mondiale des plus de 60 ans croît plus vite que celle des autres tranches d’âge. Au Canada, le nombre de personnes de plus de 60 ans devrait atteindre 14,3 millions en 2050, contre environ 8 millions aujourd’hui.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les villes amies des aînés les aident à « vieillir en restant actifs », autrement dit à « vivre en sécurité et en bonne santé tout en continuant à participer pleinement à la société ». L’OMS appelle les autorités publiques à reconnaître la diversité des populations âgées, à favoriser leur inclusion et leur contribution à tous les aspects de la vie communautaire, à respecter leurs décisions et modes de vie, ainsi qu’à s’adapter à leurs besoins et préférences.

L’accès aux services municipaux dans un éventail de langues peut être un plus. Selon Mme Sawchuk, les gouvernements et les autres organisations doivent former leur personnel à faire preuve de patience et d’empathie envers les personnes âgées, qui peuvent ne pas parler telle ou telle langue ou ne plus se mouvoir aussi vite que jadis. 

« Il s’agit de traiter les gens avec respect, et non avec mépris, résume Mme Sawchuk. Nous devons créer des villes qui ne craignent pas le vieillissement, mais qui accueillent au contraire les aînés comme une richesse. »

Rassemblement éclair pour la Journée mondiale de sensibilisation à la maltraitance des personnes âgées 2014, organisé dans le cadre du projet Ageing + Communication + Technologies (ACT) mené par Kim Sawchuk à Concordia. Rassemblement éclair pour la Journée mondiale de sensibilisation à la maltraitance des personnes âgées 2014, organisé dans le cadre du projet Ageing + Communication + Technologies (ACT) mené par Kim Sawchuk à Concordia.
GRACIEUSETÉ DU PROJET ACT CONCORDIA

Dans le cadre d’un projet de recherche étalé sur sept ans et intitulé « Ageing, Communication, Technologies: Experiencing a Digital World In Later Life » (ACT), Mme Sawchuk s’emploie à faire évoluer le discours public sur les aînés afin qu’ils soient présentés comme des participants actifs à la société. Amorcé en 2014, ce projet vise à déterminer comment l’« âgisme numérique » peut contribuer aussi bien à l’inclusion qu’à l’exclusion des populations âgées. Par exemple, les services offerts uniquement en ligne, inaccessibles aux personnes sans ordinateur, peuvent générer un sentiment d’exclusion chez les aînés.

« Une ville amie des aînés n’a pas à pratiquer le nivellement vers le bas, précise Mme Sawchuk. Les personnes âgées souhaitent bien sûr faire des choses intéressantes et divertissantes, mais aussi participer à la vie civile. »

En complément du projet ACT, le Centre de recherche sur le vieillissement engAGE de l’Université Concordia mène des travaux de recherche innovants, collaboratifs et interdisciplinaires visant à transformer la perception du vieillissement par la société. Ces deux initiatives s’inscrivent dans le cadre l’engagement de Concordia à favoriser la collaboration entre chercheurs, étudiants, gouvernements et collectivités pour trouver des moyens de développer des villes intelligentes, durables et résilientes. 

L’élaboration de solutions fait partie intégrante des travaux de recherche de Concordia sur les villes intelligentes. L’université montréalaise investit ses ressources et met à contribution ses chercheurs pour réinventer le développement des villes et la vie urbaine. 

Une autre initiative de l’Université Concordia qui donne aux aînés l’occasion de s’initier à la technologie est le projet de littératie numérique mené à la Bibliothèque Atwater de Montréal. Dans le cadre d’un projet financé par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) et intitulé Urban Witnesses (« témoins urbains »), les participants travaillent à une « histoire vivante » constituée d’éléments sonores et visuels, dont des entrevues avec des membres de la communauté locale et de brèves performances sur son histoire. Ils ont même créé deux parcours audioguidés, les Promenades parlantes, pour mettre en lumière les connaissances des aînés et leurs souvenirs des changements survenus dans la ville. Ils viennent d’horizons divers, regroupant aussi bien des dirigeants d’entreprise à la retraite que des travailleurs de la construction aux compétences modestes en littératie.

Conçu par deux professeures de Concordia – Cynthia Hammond, codirectrice principale du Centre d’histoire orale et de récits numérisés, et Shauna Janssen, directrice de l’Institut des avenirs urbains – le projet Urban Witnesses est une collaboration entre aînés de la communauté, chercheurs et étudiants.

« Il est important de créer des espaces qui honorent l’histoire des aînés, de ne pas les voir uniquement comme un groupe homogène de retraités », souligne Eric Craven, bibliothécaire au développement communautaire et responsable du projet de littératie numérique à la bibliothèque Atwater. M. Craven siège en outre au conseil d’administration d’engAGE. « Nous ménageons un espace où les aînés peuvent s’engager pleinement dans la formulation d’idées artistiques et intellectuelles, précise-t-il. C’est comme ça que tout le monde veut être traité. » Selon Eric Craven, si les aînés apprécient tant le projet, c’est justement parce que, comme ils le disent, ils ne se sentent pas « traités comme des vieux ».

Selon Mme Sawchuk, la perception de ce que signifie être un aîné dans la ville doit changer si l’on veut que la vie urbaine soit tenable à long terme. D’après elle, la création de villes inclusives et intelligentes passe par des partenariats là où se trouvent les aînés, à la bibliothèque Atwater, par exemple.

« Il ne s’agit pas seulement de protéger les personnes âgées, mais aussi de profiter de ce qu’elles ont à offrir », conclut Mme Sawchuk.

 

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