Comment les urbanistes exploitent-ils les données pour prendre des décisions en matière d’infrastructures?
Créée par un professeur de Concordia, une plateforme spécialisée dans les données aide Montréal à prendre des décisions d’urbanisme.
Vous êtes-vous déjà demandé comment font les urbanistes pour déterminer où ajouter des trajets de bus ou des lignes de métro?
La réponse se trouve dans les données.
Extraites d’études qui consignent les habitudes de déplacement individuelles, ces informations aident les planificateurs à cartographier les artères d’une ville selon plusieurs catégories : les plus empruntées, les plus efficaces et les moins utilisées.
« Nous devons connaître tous les déplacements des gens, et savoir comment et pourquoi ils se déplacent », explique Zachary Patterson, professeur de géographie, d’urbanisme et d’environnement à Concordia (Montréal).
« Il nous faut une idée du nombre d’utilisateurs de l’infrastructure et, le cas échéant, l’effet de cet achalandage sur la réduction de la congestion », poursuit le professeur Patterson.
Ses travaux s’inscrivent dans le cadre des recherches menées à Concordia sur les villes intelligentes. Celles-ci portent sur les façons nouvelles ou réinventées de développer des villes heureuses et plus saines par l’amélioration de la mobilité publique, de la durabilité, de l’aménagement de l’environnement, des énergies propres ainsi que des technologies intelligentes.
Traditionnellement, les sondages sur le transport se font par téléphonie fixe ou filaire. Les sondeurs demandent aux gens où et comment ils se sont déplacés dans la journée. Or, d’après le professeur Patterson, cette méthode peut exclure beaucoup de personnes, en particulier « les jeunes qui, souvent, utilisent seulement un cellulaire ».
Zachary Patterson a mis à jour la méthode de sondage pour l’adapter aux utilisateurs de téléphones intelligents. Après quelques questions sur les déplacements de l’utilisateur, l’application gratuite collecte de manière passive des données sur le début et la fin de ses allées et venues.
« Dans nos analyses, nous constatons généralement une surreprésentation des groupes d’âge inférieur, de plus en plus sous-représentés dans les méthodes traditionnelles de collecte de données, observe-t-il. Par ailleurs, les données que nous recueillons sont géographiquement et temporellement plus complètes, puisqu’en plus de connaître l’origine et la destination, nous obtenons de l’information sur les itinéraires. »
La plateforme du professeur Patterson a en outre servi à développer l’application MTL Trajet pour la Ville de Montréal. Ce programme, qui permet de recueillir avec un minimum d’effort les données de déplacement d’un utilisateur, fait partie intégrante de l’étude de trois ans amorcée par la Ville pour examiner les déplacements au moyen des téléphones intelligents.
Après avoir obtenu de l’information sur le déplacement de l’utilisateur, l’application gratuite pour téléphone intelligent consigne l’heure de début et de fin du trajet, si on la laisse fonctionner. Elle permet donc de recueillir des données de façon plus passive.
PHOTO : VILLE DE MONTRÉAL
« Grâce aux nouveaux outils comme MTL Trajet, nous pouvons faire appel à des citoyens et à des citoyennes que nous n’étions pas en mesure de contacter par des moyens de communication plus traditionnels », déclare Audrey Gauthier, chargée de communication pour la Ville de Montréal. « C’est notamment le cas des jeunes. »
Et il n’est pas seulement question de la quantité de données que la Ville recueille avec cette technologie : il s’agit aussi de la qualité des renseignements que cette application en temps réel consigne et rapporte.
« En plus de nous assurer la collaboration des citoyens, ces outils nous permettent d’obtenir des combinaisons de données autrement impossibles à avoir, poursuit Audrey Gauthier. Ces combinaisons sont directement créées par les usagers, durant leurs déplacements. »
En exploitant les données compilées et analysées issues de MTL Trajet, la Ville peut étudier, entre autres, les habitudes de déplacements des usagers, les moyens de transport qu’ils utilisent et le temps qu’ils consacrent à cette activité – en ville et dans la banlieue environnante.
L’application et la plateforme de Zachary Patterson ont même été utilisées pour compiler des données à Accra, au Ghana, et en cartographier le réseau de transport.
« Le projet du professeur Patterson est unique en son genre, affirme Audrey Gauthier. Il permet en fait à la Ville de réunir de grandes quantités de données significatives, et ce, en très peu de temps. »
« C’est par la collecte et l’analyse de ce type de données que nous serons en mesure de planifier la mobilité à Montréal », ajoute-t-elle.
En ce qui concerne les données personnelles, la protection de la vie privée et la sécurité constituent une priorité de premier ordre pour tous les membres du projet.
« Nous possédons des renseignements géographiques et temporels précis sur les gens – il est donc naturel que cette information soit soigneusement protégée », souligne le professeur Patterson. Pour ce faire, plusieurs méthodes sont employées, dont des technologies avancées de chiffrement et l’accès aux données limité à un petit nombre de personnes. Par ailleurs, le partage d’informations par un portail de données ouvertes garantit que tous les utilisateurs conservent un anonymat complet.
L’outil vise à fournir les données les plus exactes possibles pour que les urbanistes soient en mesure de prendre des décisions qui améliorent la mobilité.
L’objectif, conclut Zachary Patterson, est que ce type de données influe sur la plupart des décisions touchant la planification du transport, qu’il s’agisse d’un nouveau trajet de bus, du prolongement du réseau de métro ou de l’ajout de voies de circulation.