Le nouvel ouvrage d’un professeur de Concordia traite de la destruction écologique et de l’injustice sociale causées par la production massive de soya au Paraguay
S’appuyant sur les récits de Paraguayens et d’acteurs sectoriels et étatiques, The Government of Beans: Regulating Life in the Age of Monocrops (« le gouvernement des fèves : réglementer l’existence à l’ère de la monoculture ») montre que fonctionnaires et activistes ont tenté d’encadrer la dégradation de l’environnement causée par la monoculture, mais que les outils qu’ils ont utilisés ont plutôt multiplié les effets environnementaux qu’ils voulaient combattre.
Monoculture et justice socio-environnementale
Pour le Pr Hetherington, la monoculture se définit essentiellement comme toute forme d’agriculture axée sur un seul et même végétal.
« Ce type d’agriculture exige l’emploi d’une plus grande quantité de produits chimiques et le recours à une machinerie plus lourde, souligne-t-il. Par ailleurs, il réduit la biodiversité, accélère la déforestation, favorise la concentration des terres et des richesses et impose des changements politiques. »
À son avis, comme les systèmes écologiques reposent naturellement sur la biodiversité pour créer l’équilibre, la monoculture est plutôt difficile à pratiquer. Du reste, consacrer 10 000 hectares à la culture de plantes biologiquement identiques, c’est s’assurer de bien piètres récoltes.
« L’expansion des fermes sous-entend le déplacement des gens vivant dans les alentours, signale le Pr Hetherington. Souvent, le processus d’appropriation des terres est marqué par la violence. »
Le Paraguay, un cas unique
Dans son ouvrage, le Pr Hetherington s’inspire de l’exemple du Paraguay pour approfondir deux autres questions.
« En premier lieu, le problème de l’agriculture paraguayenne représente une allégorie des changements climatiques, déclare-t-il. Nous appréhendons ce type d’enjeux socio-environnementaux complexes à l’aide d’interventions gouvernementales. »
« Une partie du livre porte sur la question suivante : pourquoi est-il si ardu de composer avec le phénomène des changements climatiques?, poursuit l’auteur. Pour y répondre, je me réfère à un gouvernement du Paraguay qui, dans le passé, a tout mis en œuvre pour trouver une solution à ce problème, mais a ultimement échoué. »
En second lieu, l’ouvrage se penche sur l’une des cultures clés du système alimentaire mondial.
« Il existe un lien direct entre le consommateur canadien et le soya sud-américain, fait remarquer le Pr Hetherington. Si les particularités de ce lien ne sont pas toujours perceptibles, elles ont néanmoins un impact considérable. »
« Chaque fois que nous entendons parler de la déforestation de l’Amazonie, des feux de forêt qui y sévissent ou de la violence que subissent les agriculteurs autochtones de la région, nous établissons un lien entre ces problèmes et la sélection d’aliments – sans oublier les sous-produits industriels associés à la culture du soya – que nous effectuons au supermarché », continue-t-il.
Résoudre le problème
Pour le Pr Hetherington, la recherche de solutions à ces questions va au-delà d’un simple changement de nos habitudes de vie.
« Quelque chose dans la façon dont nous avons appris à consommer la nourriture est étroitement lié à des actes individuels, indique-t-il. À nos yeux, tant que nous achetons du café en grains dont nous connaissons la provenance, nous faisons preuve d’éthique. »
« Le soya que nous mangeons sous forme de tofu ne pose pas problème, précise-t-il. Ce sont les fèves de soya servant au gavage dans les usines porcines qui soulèvent des enjeux. »
Le Pr Hetherington en est convaincu : la résolution de cette problématique complexe passe par une stratégie coordonnée à l’échelle locale, nationale et internationale.
« Outre une prise de conscience des consommateurs du monde entier, nous avons besoin de la participation des agriculteurs sur le terrain, des fonctionnaires gouvernementaux ainsi que des intervenants nationaux. »
« Tout doit changer – je ne sais pas exactement comment nous devons nous y prendre, mais chose certaine, une collaboration à tous les échelons nous permettra d’avancer dans la bonne direction », conclut-il.
Apprenez-en davantage sur le Département de sociologie et d’anthropologie de l’Université Concordia.