De l’IA à la Grèce antique : la saison 2024-2025 du théâtre Concordia propose des réinterprétations radicales
Le Département de théâtre de l’Université Concordia a récemment dévoilé sa saison 2024-2025, qui comporte une gamme diversifiée d’œuvres écrites et de réinventions. Le programme aborde divers thèmes pertinents au regard du monde d’aujourd’hui, de l’intelligence artificielle (IA) aux hypertrucages, en passant par les expériences humaines intemporelles et les changements sociétaux.
Deux productions à l’affiche prochainement mettent en valeur le vaste éventail d’approches créatives qui sont au programme du département. La première est Concord Floral de Jordan Tannahill, mise en scène par Emma Tibaldo. La seconde est une adaptation de La vida es sueño (« la vie est un songe »), pièce classique de Pedro Calderón de la Barca, mise en scène par Peter Farbridge.
Ces deux productions donnent le coup d’envoi de la saison, mais d’autres représentations sont prévues tout au long de l’année jusqu’en avril 2025 et s’inscrivent dans la démarche du département axée sur l’exploration de thèmes contemporains et classiques. Les metteurs en scène Peter Farbridge et Emma Tibaldo, ainsi que le producteur artistique de la saison, Noah Drew, décrivent la vision créative qui sous-tend les spectacles et les liens thématiques qui les unissent.
Une histoire de fantômes moderne
Concord Floral, du dramaturge canadien Jordan Tannahill, est une histoire de fantômes moderne qui se déroule dans une serre abandonnée, où un groupe d’adolescents découvre un secret bien enfoui. Mise en scène par Emma Tibaldo, diplômée en théâtre de Concordia en 1999 et artiste en résidence, la pièce aborde les thèmes de la culpabilité, de l’adolescence et des conséquences du silence collectif en faisant appel à une technologie de pointe.
« Concord Floral est une pièce qui laisse un souvenir durable, affirme Emma Tibaldo. On y aborde le passage à l’âge adulte, la découverte de soi et ce que signifie la responsabilité envers autrui. Les apparitions fantomatiques et la « peste » dont il est question dans la pièce sont représentées au moyen du mouvement, de l’éclairage et du son, qui donnent viscéralement corps aux sentiments de culpabilité et de regret. »
La pièce s’inspire du Décaméron, ce qui ajoute une touche intemporelle à l’expérience de l’adolescence. « À l’adolescence, il nous arrive souvent de réagir ou de prendre des décisions de façon impulsive, car nous découvrons nos limites ou cherchons à les dépasser, ce qui a parfois des conséquences durables, explique Emma Tibaldo. Cette pièce trouvera un écho auprès de nombreuses personnes, car elle évoque cette période intense et déroutante qui est celle du début de l’âge adulte. »
La vida es sueño : IA, hypertrucages et philosophie
La vida es sueño, quant à elle, propose une réinterprétation de l’œuvre de Calderón de la Barca en faisant allusion à des enjeux contemporains tels que les hypertrucages générés par l’IA. Peter Farbridge, qui a obtenu une maîtrise en études individualisées en 2022, explore dans cette adaptation les thèmes philosophiques de l’illusion et de la réalité, en examinant de quelles façons la technologie moderne manipule la perception.
« Au cœur de la pièce se trouve l’idée selon laquelle nos vies sont façonnées par de faux récits, concept intemporel qui semble particulièrement pertinent dans le monde d’aujourd’hui », indique Peter Farbridge.
« Notre adaptation examine comment les systèmes politiques manipulent la vérité à grande échelle. Et la question plus profonde que nous posons est la suivante : si la croyance en ce que nous voyons et entendons dans les médias en ligne s’effondre, que nous arrivera-t-il? »
Ces thèmes sont explorés au moyen d’une combinaison d’écrans vidéo, de jeux d’ombres et de performances physiques. « Nous expérimentons avec la forme et essayons de trouver de nouvelles façons d’entrer en rapport avec le public, ajoute Peter Farbridge. C’est un processus passionnant, mais aussi déstabilisant, car nous n’en connaîtrons pas complètement la portée tant que le public ne sera pas dans le théâtre avec nous. »
Une saison à l’enseigne de l’apprentissage et de l’innovation
Noah Drew, producteur artistique de la saison, considère les productions comme des expériences d’apprentissage essentielles pour les étudiantes et étudiants. « Une grande partie de leur apprentissage doit avoir lieu lorsqu’ils sont sur scène, en présence d’un public qui découvre leur travail », explique le professeur agrégé.
« Ces deux productions nous invitent à nous plonger dans des histoires classiques radicalement réinventées : Concord Floral est une réinterprétation du Décaméron, tandis que La vida es sueño repense une pièce du Siècle d’or espagnol, poursuit-il. J’espère que cette expérience permettra aux étudiants de constater que les récits historiques peuvent être liés aux enjeux d’aujourd’hui, et d’acquérir une compréhension plus profonde et plus personnelle des détours et des cycles de l’histoire. »
Noah Drew souligne également l’importance de la technologie dans les deux productions.
« L’éclairage, le son et la vidéo sont constamment utilisés dans de nombreuses formes d’art et de divertissement. La particularité de leur utilisation au théâtre est que le public peut être témoin, dans un véritable espace tridimensionnel, de leur interaction avec la “technologie” originelle de notre espèce : le corps humain. Cette expérience en direct et cette immédiateté peuvent donner lieu à des images presque hallucinatoires qui nous incitent à nous frotter les yeux et à nous demander si les moments troublants de Concord Floral ou les manipulations de la vérité dans La vida es sueño sont des illusions ou s’ils se produisent réellement. »
Lorsqu’il est question de l’importance du théâtre au sens large, Noah Drew estime que les récits jouent un rôle essentiel pour aborder les défis de notre monde en mutation rapide.
« Nous vivons à une époque marquée par les guerres, les crises climatiques, les divisions politiques, les usages douteux de l’IA et de nombreuses formes d’injustice, analyse-t-il. Le théâtre peut nous inciter à briser avec notre routine, à nous réveiller et à aspirer à plus. C’est un moyen de donner un sens à un monde compliqué et de susciter l’inspiration. »
La vida es sueño sera présentée du 14 au 16 novembre à la salle 240 du pavillon John-Molson (MB), au 1450 rue Guy.
Concord Floral sera présentée du 27 au 30 novembre au théâtre Concordia, situé dans le pavillon Henry-F.-Hall (H), au 1455 Boulevard De Maisonneuve Ouest.
Pour en savoir davantage sur la saison 2024-2025, visitez le site Web du Département de théâtre de l’Université Concordia.