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Parer la ville de mille couleurs

Des membres de la communauté de Concordia rehaussent le charme des rues de Montréal, une murale à la fois
21 avril 2023
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Par Daniel Bartlett, BA 08


L’œuvre Tower of Songs, créée en 2017 par les artistes El Mac et Gene Pendon, B. Bx-arts 1994, à la mémoire du regretté Leonard Cohen. | Photo: Olivier Bousquet

Si vous faites une promenade à pied dans les rues de Montréal, vous aurez sans doute le plaisir de découvrir d’immenses œuvres d’art public qui ont littéralement transformé le visage de la ville. Au cœur de la métropole, des centaines de façades aveugles – dépourvues de toute ouverture, fenêtre ou porte – sont désormais ornées de magnifiques murales.

Qu’il s’agisse du portrait géant de Leonard Cohen, d’une hauteur de 21 étages et surplombant la rue Crescent au centre-ville, ou de la vaste fresque en hommage à Oliver Jones dans le quartier de la Petite-Bourgogne, ces impressionnantes œuvres d’art — réalisées par des diplômées et diplômés de l’Université Concordia en collaboration avec MU, organisme montréalais sans but lucratif, font maintenant partie intégrante du paysage urbain.

Depuis sa fondation en 2006, MU a créé quelque 200 murales permanentes dans 18 quartiers de la ville, et a en outre réalisé 400 projets de murales collectives au sein d’établissements scolaires. Le groupe s’est donné comme mission d’embellir la ville en créant des murales ancrées dans les communautés locales. Son approche est centrée sur le désir d’amener les gens à voir et à vivre l’art au quotidien, de susciter une transformation sociale et de faire de Montréal un musée à ciel ouvert.

« MU est une lettre d’amour à Montréal – c’est notre raison d’être. Nous aimons notre ville et nos artistes », souligne Elizabeth-Ann Doyle, cofondatrice ainsi que directrice générale et artistique de MU.

MU collabore avec un vaste réseau d’artistes et d’éducateurs et éducatrices en art, dont beaucoup sont des membres de la communauté de Concordia. Chaque été, l’organisme recrute des stagiaires auprès de la Faculté des beaux-arts et embauche des personnes étudiantes à titre d’assistants ou assistantes d’artistes, ou encore comme éducateurs ou éducatrices dans le cadre de projets communautaires pour les jeunes. MU fait également appel à des personnes étudiantes en cinéma documentaire pour filmer les œuvres en cours de réalisation.

« Pour les étudiants et étudiantes, il s’agit d’une formidable occasion de gagner de l’argent, d’exercer un emploi passionnant à l’extérieur, d’acquérir un éventail de compétences techniques qui ne sont pas enseignées en salle de classe et de vivre une expérience pratique au sein de la communauté artistique, indique Mme Doyle. Ils ont ainsi la chance de travailler avec des professionnels de différentes disciplines, qui les conseillent sur leur cheminement de carrière, leurs projets d’expositions, la rédaction d’un CV et la préparation d’une demande de subvention, entre autres. »

Ces stages et emplois d’été permettent souvent aux personnes étudiantes d’obtenir un poste permanent ou de nouer une collaboration à long terme une fois leur diplôme en main.

Nous vous présenterons ici quelques-unes de nos diplômées qui ont laissé leur empreinte dans la ville.

Corinne Lachance, B. Bx-arts 2018
Responsable de la production

Une jeune femme aux longs cheveux bruns se tient à l'extérieur, avec de la verdure derrière elle. Tout en poursuivant une majeure en sculpture, Corinne Lachance a participé à la création de la murale emblématique à l’effigie de Leonard Cohen qui se dresse sur la rue Crescent. | Photo: Vincent Castonguay

Dès son plus jeune âge, Corinne Lachance, B. Bx-arts 2018, se destinait déjà à une carrière en arts visuels. Or, elle ne connaissait pas encore les possibilités d’emplois que recèle le milieu culturel et artistique.

« C’est un obstacle pour les jeunes. Beaucoup s’imaginent que le travail d’artiste s’effectue forcément en studio », observe Mme Lachance. Pour sa part, elle s’est plutôt bâti une carrière qui consiste à coordonner en coulisse l’essentiel des travaux permettant aux artistes de MU de faire ce qu’ils font de mieux : peindre des murales.

En tant que responsable de la production de MU, Corinne Lachance réunit des artistes afin de stimuler la création et de démocratiser l’art dans l’espace public.

Sa carrière au sein de l’organisme a débuté en 2009, lorsqu’elle poursuivait ses études collégiales au Cégep de Saint-Laurent. Son travail consistait alors à assister les artistes dans la création de murales et à animer des ateliers de peinture et de mosaïque pour une clientèle composée de jeunes et de personnes âgées résidant dans les Habitations Jeanne-Mance, premier parc de logements sociaux datant de l’après-guerre, situé dans le quartier Ville-Marie.

« C’est à ce moment-là que j’ai pris conscience que l’art avait le potentiel de tisser des liens entre les gens », se souvient-elle.

Après des études en psychologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Corinne Lachance s’est inscrite au baccalauréat en arts plastiques à l’Université Concordia. Tout en poursuivant une majeure en sculpture, elle a participé à la réalisation de la murale emblématique à l’effigie de Leonard Cohen, qui se dresse sur la rue Crescent.

« L’expérience s’est révélée moins créative et plus mathématique que ce à quoi j’étais habituée, explique Mme Lachance. Par exemple, lorsque nous avons réalisé le portrait de Leonard Cohen, nous avons dû peindre un nez d’une hauteur de plusieurs étages. Il a vraiment fallu procéder de façon méthodique. »

Bien que sa carrière eût déjà pris son envol avant son passage à Concordia, Corinne Lachance a tenu à poursuivre ses études, qu’elle considérait comme une étape essentielle de son parcours.

« Étudier à Concordia m’a aidée à me définir à la fois comme adulte et comme artiste. Ma formation m’a permis d’explorer divers médiums et techniques, d’interagir avec des artistes avec qui je n’aurais pas pu collaborer autrement et de travailler directement avec des membres du corps professoral qui sont également des artistes renommés. »

Stéphanie Harel, B. Bx-arts 2010, M.A. 2015
Responsable de l’éducation

A young woman with long brown hair stands outside with greenery behind her. « J’adore échanger et communiquer avec les gens : c’est pourquoi j’ai choisi d’étudier en éducation artistique », affirme Stéphanie Harel. | Photo: Léa Castonguay

Tout comme Corinne Lachance, Stéphanie Harel, B. Bx-arts 2010, M.A. 2015, a emprunté des détours imprévus dans sa carrière avant de trouver sa place à MU.

Après avoir terminé une majeure en peinture et dessin à Concordia, elle s’est inscrite à un programme de maîtrise en France; or, elle s’est vite rendu compte que cette formation ne correspondait pas à ses attentes. À son retour à Montréal, Stéphanie Harel s’est mise à peindre seule dans son studio, mais la solitude lui pesait.

« Ce que je préfère dans la pratique artistique, c’est peindre à grande échelle et collaborer pour réaliser des projets du début à la fin, dit-elle. J’adore échanger et communiquer avec les gens : c’est pourquoi j’ai choisi d’étudier en éducation artistique. »

Alors qu’elle suivait un cours d’été donné par Kathleen Vaughan, professeure au Département d’éducation artistique et titulaire de la chaire de recherche de l’Université Concordia en arts et en éducation pour des avenirs durables et justes, Stéphanie Harel s’est engagée dans un projet visant à peindre une murale dans une école, initiative mise sur pied par MU.

« Nous avons peint la murale avec les jeunes, et MU m’a recrutée un an après l’obtention de mon diplôme », se rappelle-t-elle. Elle est aujourd’hui responsable de l’éducation et éducatrice artistique à MU. Dans le cadre de son travail, elle conçoit et peint des murales avec des élèves du primaire, du secondaire et de la formation des adultes. Les étapes consistent à mener des séances de remue-méninges pour générer des idées, à proposer une esquisse, puis à peindre une murale avec les élèves.

« Dans le processus de création d’une peinture, les regards sont tournés vers le mur. Nous n’avons pas à regarder les autres dans les yeux : nous pouvons donc nous exprimer de façon plus naturelle, observe-t-elle. Les élèves peignent et écoutent, mais échangent aussi de l’information, ce qui donne lieu à des conversations très enrichissantes. »

Ce que Stéphanie Harel a le plus aimé lors de son passage à Concordia, c’est la diversité des points de vue qu’apportaient ses pairs. Elle a d’ailleurs gardé le contact avec de nombreux camarades de classe jusqu’à ce jour.

« Concordia a joué un grand rôle dans ma vie. Je compte maintenir ces liens d’une manière ou d’une autre pendant de longues années. »

Stéphanie Harel a coordonné la réalisation de cette murale collective au Centre d’éducation des adultes Champlain, à Verdun.

Alessandra McGovern, B.A. 2013
Artiste

« Il est important de comprendre que nos créations – qu’il s’agisse d’images ou d’autres œuvres – ne sont jamais objectives. » | Photo: Vincent Castonguay

D’aussi loin qu’elle se souvienne, Alessandra McGovern, B.A. 2013, – qui se fait appeler Aless MC – a toujours aimé le dessin et les arts. Or, lorsqu’est venu le temps de s’inscrire à l’université, elle a opté pour la majeure en communication et études culturelles à Concordia.

« Grâce à ce programme, j’ai appris à bien lire les textes et à décoder les sous-entendus, explique Mme McGovern. Nous avons examiné beaucoup de textes journalistiques pour comprendre le fonctionnement des médias et l’influence qu’exercent certains facteurs sur la façon dont nous consommons l’information. »

Peu après l’obtention de son diplôme, elle a travaillé dans le domaine du marketing et des communications au sein d’une entreprise de services financiers. Bien qu’elle ait aimé l’expérience, elle a décidé d’entamer un nouveau parcours et de s’inscrire au baccalauréat en design graphique à l’UQAM.

Au bout d’une année d’études, après avoir passé l’été à peindre des murales pour des amis propriétaires d’un restaurant, elle s’est portée candidate au programme de mentorat de MU, qui l’a recrutée comme assistante à la création de murales. Mme McGovern collabore aujourd’hui avec l’organisme à titre de designer graphique et d’illustratrice indépendante. Elle participe également aux projets éducatifs de MU en tant qu’artiste durant l’hiver, et comme artiste principale durant la saison estivale.

En 2021, elle a peint ce qui allait devenir sa murale préférée sur le mur d’une garderie située dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve.

« Le mandat était d’honorer le passé de ce quartier, où l’on confectionnait jadis des friandises et des sucreries, explique l’artiste. J’ai opté pour une approche abstraite et créé des images qui rappellent des fruits et des bonbons. Ce projet m’a enchantée au plus haut point. »

Alessandra McGovern affirme que son passage à Concordia lui a permis de développer son esprit critique, et que cette rigueur s’est transposée dans sa pratique artistique.

« Lorsque j’incorpore certains symboles dans une image, j’en mesure pleinement le sens et la portée, indique-t-elle. Il est important de comprendre que nos créations – qu’il s’agisse d’images ou d’autres œuvres – ne sont jamais objectives. Elles sont toujours subjectives. »

« Le mandat était d’honorer le passé de ce quartier, où l’on confectionnait jadis des friandises et des sucreries », déclare Alessandra McGovern à propos de sa murale intitulée Les bonbons, exposée dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve.

Diane Roe, B. Bx-arts 2017
Artiste et éducatrice artistique

« Concordia nous ouvre les portes de cet univers, et le concept fonctionne à merveille. » | Photo: Olivier Bousquet

Alors qu’elle poursuivait des études en éducation artistique à Concordia, Diane Roe, B. Bx-arts 2017, a suivi de près la réalisation du projet de murale en hommage à Leonard Cohen.

« Je cherchais à comprendre les tenants et aboutissants du projet, et à trouver le moyen d’y participer – j’avais constamment cette idée en tête », relate-t-elle.

Une fois diplômée, elle a travaillé comme éducatrice artistique au Musée des beaux-arts de Montréal. Un jour, elle a croisé par hasard une connaissance travaillant pour l’organisme MU, qui lui a parlé du projet de murale à l’effigie de Leonard Cohen. Diane Roe lui a alors exprimé son vif désir de se joindre à l’équipe.

« Quelques mois plus tard, on m’a convoquée en entrevue pour un poste d’éducatrice artistique, et c’est là que tout a commencé », se souvient-elle. Diane Roe travaille actuellement comme artiste au sein de l’organisme. L’an dernier, elle a réalisé en solo sa première murale permanente, représentation abstraite d’un paysage de la région du Bas-Saint-Laurent.

« Durant ma jeunesse, j’y séjournais tous les étés. Là-bas, j’ai acquis une meilleure compréhension de la nature », se remémore-t-elle.

Diane Roe a récemment collaboré avec le célèbre artiste Marc Séguin, B. Bx-arts 1995, sur un projet de murale à la mémoire du regretté Jean-Paul Riopelle. Il s’agit de la plus récente œuvre de la collection « Les bâtisseur.es culturels montréalais.es », qui rend hommage à des artistes d’ici ayant marqué la scène culturelle montréalaise.

« Pouvoir échanger avec un éminent artiste de la trempe de Marc Séguin, écouter ses sages paroles et le voir à l’œuvre fut une formidable expérience ».

Diane Roe se dit très reconnaissante du soutien qu’elle a obtenu grâce à divers programmes de l’Université, en particulier la Collection Art Volte. Financé par des dons, ce service sans but lucratif aide les récents diplômés et diplômées de la Faculté des beaux-arts à lancer leur carrière en leur offrant une vitrine qui leur permet de faire connaître leur travail.

« Durant la courte période où j’ai collaboré à la collection, j’ai réussi à vendre mes œuvres, témoigne Mme Roe. Concordia nous ouvre les portes de cet univers, et le concept fonctionne à merveille. »

Murale Chez Nous (2019) de Cécile Gariépy, sur le boulevard Décarie, à Montréal.

Cécile Gariépy, B. Bx-arts 2013
Artiste

« Lorsque je peins des murales, j’apprécie le fait de former une équipe et de travailler fort sur un projet commun », explique Cécile Gariépy | Photo: Olivier Bousquet

À ce jour, Cécile Gariépy, B. Bx-arts 2013, ne s’explique pas tout à fait comment son parcours l’a menée à une carrière d’illustratrice et d’artiste visuelle.

Après avoir obtenu son diplôme en production cinématographique à l’École de cinéma Mel-Hoppenheim de Concordia, elle se destinait à une carrière de réalisatrice. Or, elle a vite constaté que la plupart des clients qui l’appelaient pour lui proposer des contrats s’intéressaient plutôt aux illustrations qu’elle dessinait pour le plaisir. Cécile Gariépy a donc décidé de se lancer dans une toute nouvelle carrière, ce qui lui a permis de collaborer notamment avec MU, la Place des arts de Montréal, Apple et le New York Times.

« J’ai toujours ressenti une immense gratitude pour tout ce que la vie m’avait apporté. J’ai eu beaucoup de chance », confie-t-elle.

Cécile Gariépy a retenu l’attention de MU lorsqu’elle a repeint les murs de son garage et partagé les photos sur les réseaux sociaux. Rapidement, l’organisme l’a appelée pour lui demander si elle accepterait de présenter un projet de murale pour le Club de curling Ville de Mont-Royal, ce qu’elle a fait. Le projet a été approuvé, et le reste appartient à l’histoire.

« Réalisatrice de formation, j’aime travailler au sein d’une grande équipe pour approfondir mes idées. Cet aspect me manque dans mon métier d’illustratrice, remarque-t-elle. Mais lorsque je peins des murales, j’apprécie le fait de former une équipe et de travailler fort sur un projet commun. »

Mme Gariépy tire une grande fierté des projets qu’elle a accomplis avec MU, et plus particulièrement de la murale Chez nous, créée à l’occasion du 50e anniversaire de l’Office municipal d’habitation de Montréal en 2019.

« C’était une immense façade, il faisait très chaud, et je devais travailler à grande hauteur, se rappelle-t-elle. Je suis fière de cette réalisation, car cela n’a pas été facile. »

Quand elle repense à ses études à Concordia, Cécile Gariépy constate que cette expérience continue d’influer sur son travail au quotidien, et elle en éprouve de la gratitude.

« Le programme nous donne une perspective sur notre propre travail et nous insuffle une bonne dose d’humilité, souligne-t-elle. Mon passage à Concordia m’a été bénéfique à bien des égards – c’est une communauté extraordinaire. Je suis restée en contact avec de nombreux amis que j’ai connus à l’Université, et tous mènent aujourd’hui une brillante carrière. »



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