Nadia Naffi, M.A. 2012, Ph. D. 2018, veut que l’on prenne l’intelligence artificielle (IA) très au sérieux. Professeure adjointe de technologie éducative et titulaire de la chaire de leadership en enseignement (CLE) sur les pratiques pédagogiques innovantes en contexte numérique – Banque Nationale à l’Université Laval (Québec), Mme Naffi considère que les vidéos hypertruquées (« deepfake ») qui se répandent dans les médias sociaux ne présagent rien de bon pour l’avenir.
« Nous arrivons à un stade où il est très difficile de savoir ce qui est réel et ce qui ne l’est pas, avance-t-elle. Dans le passé, nous savions que si nous voyions une vidéo, elle était réelle. Aujourd’hui, nous ne pouvons même plus nous fier à nos propres yeux, car la vidéo pourrait avoir été créée par l’IA. »
Bien que ses recherches se concentrent sur l’utilisation éthique et responsable de l’IA et des médias sociaux de même que sur les dangers de dérivés de l’IA tels que les vidéos hypertruquées, la Pre Naffi étudie également les applications bénéfiques possibles des technologies d’IA dans le domaine de l’éducation.
Elle explore aussi les façons dont le secteur des soins de santé pourrait se servir de l’IA pour améliorer les compétences des praticiennes et praticiens. Travailler avec la technologie leur permettrait d’offrir des soins plus efficaces. Dans le cadre de ses travaux au CHUM – notamment avec la Direction de l’enseignement et de l’Académie CHUM (DEAC) ainsi qu’avec l’École de l’intelligence artificielle en santé (ÉIAS) –, Nadia Naffi se penche sur les méthodes optimales de formation qui aideront le personnel à incorporer les applications d’IA à l’enseignement en santé.
« L’IA est en cours d’intégration dans l’espace médical, et mon partenariat avec la DEAC vise à assurer la formation continue des médecins, des infirmières et de l’ensemble du personnel médical et technique pour qu’ils puissent en exploiter les avantages », ajoute-t-elle.
L’IA aura de vastes répercussions dans les domaines de l’éducation, de la formation, du développement des talents ainsi que de l’amélioration des compétences et de la requalification des employés actuels et futurs, et s’y préparer est une importante source de motivation pour Nadia Naffi. « Si nous ne testons pas l’IA en milieu de travail, nous ne serons pas en mesure de prendre des décisions intelligentes sur la manière dont ces outils peuvent réellement nous aider et optimiser notre rendement », prévient-elle.
Elle estime également qu’il est nécessaire d’éduquer les jeunes sur les implications de l’IA. Dans une récente recherche qu’elle a menée sur les hypertrucages, elle a demandé à ses étudiantes et étudiants de créer leurs propres vidéos manipulées pour montrer à quel point cela était dangereux (et simple). Ils en ont tiré des recommandations qu’ils ont publiées sous forme d’articles dans The Conversation et le Journal of Constructivist Psychology.
Du Liban à Montréal
Nadia Naffi a grandi à Beyrouth, où elle a passé son enfance à se cacher des tireurs embusqués et des attentats à la voiture piégée. « Je me souviens d’avoir été une enfant dont l’objectif était toujours d’être en sécurité », raconte-t-elle.
Au début de sa vie d’adulte, elle a travaillé comme designer d’intérieur, mais s’est vite passionnée pour l’enseignement. Après s’être mariée en 2008 et avoir eu trois enfants, elle a décidé, avec sa famille, de partir pour le Canada. Comme elle parle couramment le français depuis son enfance, le Québec lui a semblé un choix judicieux.