La Biosphère de Montréal présentera au cours des neuf prochains mois un film immersif sur écran sphérique réalisé par une professeure et des étudiantes et étudiants de l’Université Concordia
Que peuvent nous apprendre les goélands sur la présence de produits chimiques toxiques dans notre environnement? Beaucoup de choses, si l’on en croit le film immersif L’errance du vol, produit par l’Université Concordia.
Chaque printemps, 70 000 goélands à bec cerclé viennent se reproduire sur la petite île Deslauriers, située dans le fleuve Saint-Laurent juste à l’est de Montréal.
Il s’agit d’une des plus importantes colonies de goélands en Amérique du Nord. Mais la présence d’établissements humains entraîne inévitablement des tensions avec le monde naturel.
Les goélands se nourrissent à même le site d’enfouissement de Lachenaie, situé à proximité, qui constitue la plus grande installation du genre au Canada. Or, la population des environs est incommodée par l’abondance de déchets et les perturbations engendrées par la trajectoire de vol des oiseaux entre l’île et le dépotoir. En plus de représenter une nuisance pour les résidants des villes avoisinantes, les oiseaux sont exposés à plusieurs substances toxiques se trouvant dans les déchets et les divers articles mis au rebut.
Après avoir obtenu l’accès à l’île et au dépotoir, le scientifique de l’UQAM Jonathan Verreault et son équipe de recherche ont observé les goélands et mesuré les concentrations d’ignifuges et d’autres substances dans leur organisme, afin de déterminer si leur comportement ou leurs itinéraires de vol s’en trouvaient modifiés.
« Nous avons constaté d’importantes variations dans les mouvements spatiaux de ces goélands urbains qui ont été exposés à des contaminants », indique Anna Lippold, l’une des membres de l’équipe de recherche qui apparaissent dans le film. « Mais nous ne pouvons pas encore en expliquer les raisons avec exactitude. »
Pour en savoir plus, Jonathan Verreault et son équipe ont fabriqué et fixé sur le dos des goélands de petits sacs contenant un échantillonneur de la qualité de l’air et un GPS, et Anne Lippold a testé la capacité des oiseaux à retrouver leur chemin vers la colonie à partir de différents endroits.
Un espace médiatique idéal pour traiter d’enjeux environnementaux
Une équipe composée de membres du corps professoral ainsi que d’étudiantes et étudiants en communication de Concordia a filmé dans cet environnement unique le déroulement de la recherche collaborative. Ils ont eu recours à du matériel spécialisé permettant de créer un film avant-gardiste et immersif conçu spécialement pour l’écran à 360 degrés de la Biosphère de Montréal.
Entièrement entourés d’écrans et de haut-parleurs, les spectatrices et spectateurs ont l’impression d’être transportés au cœur de la colonie de goélands, aux côtés des scientifiques.
« Le film est une production hybride du fait de son caractère immersif et parce qu’il allie transmission de données, son ambiophonique et divers types de techniques médiatiques », explique Liz Miller, professeure de communication et réalisatrice du film.
« Le film a pour but de stimuler la réflexion sur les rapports entre les êtres humains et les autres espèces, et sur la façon dont nous composons tous avec l’omniprésence des déchets dans nos espaces de vie. »
La combinaison de la science environnementale à des techniques médiatiques d’avant-garde constitue un aspect particulièrement intéressant du film, selon Liz Miller.
« Le lieu de projection est un musée scientifique; notre défi consistait donc à présenter le sujet de façon claire et stimulante, mais aussi d’y insuffler un peu de poésie, pour que les spectateurs puissent sympathiser avec les oiseaux et acquérir une nouvelle perception ou compréhension de cette relation complexe. »
Une démarche scientifique collaborative
Si L’errance du vol a été filmé et monté par une équipe de Concordia, l’étude de la colonie d’oiseaux est le fruit d’une collaboration entre des étudiants et des spécialistes de l’Université McGill et de l’UQAM ainsi que des agents de gestion de la faune de la région.
Stéphanie Mercure, que l’on peut également voir dans le film, aborde le conflit entre les goélands et les humains sous un autre angle. Elle travaille au site d’enfouissement en tant que fauconnière et dresse ses oiseaux pour qu’ils découragent les goélands de se nourrir dans le dépotoir.
« Les solutions à apporter face à l’envahissement de ce site toxique par les goélands ne sont pas faciles à trouver », explique Liz Miller. « L’environnement n’est pas sain pour les oiseaux, et les employés du site qui conduisent de l’équipement lourd ont la vision obstruée par ces milliers de goélands ». Le recours à des faucons comme moyen de dissuasion constitue une façon plus humaine de changer les choses.
L’errance du vol tire parti des immenses possibilités des médias immersifs pour aborder un enjeu social et scientifique complexe, et pose une importante question : « Qui sont vraiment les animaux producteurs de déchets dans cette équation? »
Le film s’inscrit dans un projet de recherche et d’enseignement plus vaste intitulé WasteScapes, amorcé par Liz Miller et MJ Thompson.
L’errance du vol est présenté à la Biosphère (160, chemin Tour-de-l’Isle, sur l’île Sainte-Hélène) jusqu’au 28 avril 2024.
Wastescapes propose aussi une série de quatre visites guidées sur l’île Sainte-Hélène, en collaboration avec la Biosphère et le Campus de la transition. Les visites auront lieu les 6 et 20 juillet ainsi que les 3 et 24 août prochains