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Une étudiante en journalisme de l’Université Concordia explore l’impact de la chaleur extrême sur la santé et les voyages

Isabelle Devi Poirier a préparé son rapport lors d'un cours d'été à Thessalonique, en Grèce
13 octobre 2023
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Deux jeunes femmes assises dans des fauteuils et regardant la caméra « Ce n’était pas seulement le décalage horaire – c’était un coup de chaleur », se souvient Isabelle Devi Poirier (assis à droite).

Isabelle Devi Poirier est étudiante au premier cycle du programme de journalisme de Concordia. L’été dernier, elle comptait parmi les deux étudiants de l’Université à assister à la Conférence internationale annuelle des médias de Thessalonique, en Grèce.

En débarquant de l’avion, le souffle infernal de Cerbère, gardien tricéphale du monde souterrain de Hadès, m’a fait reculer. En plein vague de chaleur européenne baptisée du nom du molosse de la mythologie grecque, voilà que j’arrivais à Thessalonique – en Grèce – pour une école d’été.

Confiante après avoir enduré d’autres canicules au Canada, je pensais pouvoir composer avec la chaleur méditerranéenne. Mais à la fin d’une première journée passée à explorer la ville, une vague de nausée m’a submergée. Ce n’était pas seulement le décalage horaire – c’était un coup de chaleur.

Heureusement, j’ai pu retourner rapidement à mon hôtel en taxi pour me rafraîchir et me réhydrater, ce qui m’a permis d’éviter de subir les graves effets d’un coup de chaleur après mon premier jour en Grèce.

Avant de voyager à l’étranger, il est essentiel de s’informer sur le climat local et d’avoir un plan pour demeurer en sécurité et en santé. C’est particulièrement le cas de nos jours, avec la crise climatique, puisqu’une catastrophe météorologique peut survenir à tout moment.

Le 8 août dernier, le Service Copernicus concernant le changement climatique de l’Union européenne et l’Organisation météorologique mondiale (OMM) des Nations Unies ont annoncé que le mois de juillet 2023 avait été le plus chaud jamais enregistré dans le monde. Tout au long du mois, les températures ont en effet pulvérisé les records précédents et une pléthore de canicules mortelles a balayé la planète.

Selon l’OMM, la température moyenne mondiale se situe à 1,1 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Or, même une augmentation apparemment minime de la température moyenne mondiale a une incidence considérable sur l’environnement et rend les phénomènes météorologiques extrêmes à la fois plus intenses et plus fréquents.

« Les conséquences de ce qui semblait être de tout petits changements sont en fait très profondes, comme nous avons pu le constater l’été dernier », explique Alexandra Lesnikowski, professeure adjointe au Département de géographie, urbanisme et environnement ainsi que chercheuse principale au Laboratoire d’adaptation aux changements climatiques de Concordia.

« À Montréal, nous avons observé une augmentation des températures moyennes, un changement des précipitations moyennes, des températures et des régimes de précipitations extrêmes ainsi que des événements météorologiques tels que des ouragans, des cyclones et des tempêtes de verglas », souligne-t-elle.

« Ces phénomènes auxquels nous assistons résultent des changements climatiques, et surviennent de manière beaucoup plus rapide et intense. »

« Nous pourrions voir ces phénomènes s’amplifier »

Le 4 juillet dernier, l’OMM annonçait l’arrivée d’El Niño, une source naturelle de variabilité climatique découlant de changements de températures et d’alizés dans l’océan Pacifique qui entraînent des répercussions dans le monde entier. C’est El Niño qui rend certaines années plus chaudes ou froides que d’autres, mais nous l’observons à présent dans le contexte des changements climatiques.

« Nous pourrions voir ce type de phénomène s’amplifier, affirme Alexandra Lesnikowski. On s’attend notamment à ce qu’El Niño ait plus d’effets en raison des changements climatiques causés par les humains qu’en l’absence de ceux-ci. »

Notre capacité de composer avec les changements climatiques dépendra de notre rapidité à décarboner en vue d’atteindre les cibles du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, soit une réduction de moitié de nos émissions d’ici 2030, et la carboneutralité d’ici 2050.

« Si nous parvenons à atteindre ces objectifs, nous serons plus à même de nous adapter aux changements climatiques. Par contre, plus nous tardons à les atteindre, plus nous risquons de voir notre capacité d’adaptation limitée », poursuit la Pre Lesnikowski.

L’impact des changements climatiques varie selon les personnes et les communautés en fonction de facteurs tels que la pauvreté ou la richesse, tout comme la capacité de s’adapter à ces changements dépend de divers facteurs.

« Les pays très riches comme le Canada possèdent en théorie une très grande capacité d’adaptation aux impacts des changements climatiques, ajoute la chercheuse. Mais nous luttons tout de même contre des inondations, des vagues de chaleur et des incendies de forêt catastrophiques qui ont des conséquences dévastatrices pour nos communautés, sans parler de notre santé et de notre bien-être. »

Les effets de la chaleur

D’après l’Organisation mondiale de la santé, l’exposition à une chaleur excessive comporte un large éventail d’impacts physiologiques sur le corps humain, « qui amplifient souvent les affections existantes et entraînent une invalidité ou un décès prématurés ».

Une augmentation rapide de la température nuit à la capacité du corps de réguler la chaleur, ce qui mène à diverses maladies connexes, dont les crampes de chaleur, l’épuisement et l’hyperthermie. Les maladies causées par la chaleur sont difficiles à diagnostiquer, car l’hospitalisation ou le décès peuvent survenir le jour même de l’exposition à une chaleur extrême ou quelques jours plus tard. En outre, même la moindre déviation par rapport aux températures saisonnières typiques est liée à une hausse des maladies et de la mortalité.

« À mesure qu’augmente la chaleur externe, le corps subit une adaptation physiologique, puisqu’il est très bien conçu et que sa thermorégulation est extrêmement efficace jusqu’à un certain point », explique François de Champlain, urgentologue et directeur médical du Marathon de Montréal.

« L’un des premiers mécanismes permettant de faire baisser la température est la transpiration, qui ne fonctionne toutefois que jusqu’à un certain point, et qui exige par ailleurs de boire suffisamment d’eau et d’électrolytes. »

Cela dit, le mécanisme de la transpiration varie d’une personne à l’autre tout au long de la vie et peut également varier en raison de certains médicaments ou problèmes de santé nuisant à la thermorégulation, ce qui peut rendre les gens plus vulnérables aux maladies liées à la chaleur.

La température centrale du corps se situe normalement aux alentours de 37 °C, mais « lorsqu’elle dépasse 39 °C, une spirale descendante entraîne une augmentation des symptômes de coup de chaleur, et celui-ci est véritablement atteint vers 40 ou 40,5 °C », explique le Dr de Champlain.

Il ajoute qu’au-dessus de 40 °C, les organes commencent à défaillir. « Les analyses de sang montrent que la fonction hépatique est compromise, les muscles sont endommagés et le cœur est aussi affecté. Bref, le corps et les organes ne peuvent tolérer la chaleur, le cerveau devient désorienté et la personne peut souffrir de convulsions, sombrer dans le coma et mourir. »

Lorsque la température centrale d’une personne devient trop élevée, « l’objectif consiste à faire baisser cette température très rapidement, en 15 à 20 minutes, ou une demi-heure tout au plus. Pour ce faire, nous recourons à des mesures extrêmes comme de plonger la personne dans un bain rempli d’eau glacée à 4 °C », poursuit le médecin.

« Aussitôt qu’une personne commence à éprouver de légers symptômes tels que mal de tête, épuisement, malaise, nausée ou autre, c’est signe qu’elle doit vraiment tenter de se rendre dans un environnement plus frais, où l’air est climatisé, par exemple. »

Prudence en voyage

Comme il faut une dizaine de jours au corps pour s’acclimater à un environnement plus chaud, les touristes risquent davantage de souffrir de la chaleur que la population locale.

En voyage, on a tendance à penser qu’on est simplement affecté par le décalage horaire et qu’on a besoin de dormir, « mais en fait, il faut se rafraîchir et boire plus d’eau et d’électrolytes », conseille François de Champlain.

Les voyageurs doivent donc s’hydrater fréquemment – même en petites quantités – toutes les 15 minutes, prendre des pauses là où l’air est climatisé et éviter tout exercice éprouvant.

Si l’accès à la climatisation est limité, le Dr de Champlain suggère d’apporter une sorte de vaporisateur rempli d’eau glacée pour se rafraîchir : « Cette solution, combinée avec le vent ou un ventilateur, agit comme un mécanisme de refroidissement grâce à l’évaporation. La brume est vaporisée sur le corps et le ventilateur contribue à évacuer la chaleur de la surface du corps. »

Nombre de mesures peuvent être prises pour demeurer en sécurité en voyage lorsque les conditions climatiques sont différentes et inattendues. Valorie Crooks est titulaire de la chaire de recherche du Canada sur la prestation de soins de santé en fonction des régions, professeure de géographie à l’Université Simon-Fraser et spécialiste du tourisme médical.

Elle encourage tout un chacun à se munir d’une assurance voyage et à se familiariser avec la couverture que celle-ci offrirait en cas de coup de chaleur ou d’autre maladie liée à la chaleur, par exemple.

« Il faut planifier à l’avance, explique la Pre Crooks. Vous devez avoir un plan de secours pour savoir quoi faire en cas de tremblement de terre, d’incendie, de dôme de chaleur ou d’épisode de chaleur extrême. »

Les voyageurs atteints de maladies préexistantes qui les rendent sensibles à la chaleur se doivent d’examiner attentivement leur police d’assurance voyage pour comprendre les limites de sa couverture. Il leur est également conseillé de consulter leur médecin de famille avant de voyager à l’étranger pour planifier les précautions à prendre en voyage.

« Beaucoup de gens pensent que leur couverture d’assurance voyage s’applique à telle ou telle circonstance, puis réalisent que ce n’est pas le cas, possiblement en raison de la période de l’année où ils ont voyagé, d’une maladie préexistante, ou parce que certaines conditions climatiques étaient prévues », souligne la chercheuse.

« L’assurance voyage devrait donc tenir compte de ces facteurs à l’avance. »

Valorie Crooks encourage en outre les gens à concevoir un plan qui répond à leurs besoins généraux et assure leur confort en voyage, ainsi qu’à connaître le point d’entrée du système de santé dans le pays qu’ils visitent. Il peut s’agir d’appeler une ligne téléphonique d’urgence ou d’accéder à l’équivalent de ce que les Canadiennes et Canadiens considèrent comme une clinique sans rendez-vous.

« Bref, si vous tombez malade, et même si vous avez besoin de soins qui n’exigent pas nécessairement une hospitalisation, assurez-vous d’avoir ce qu’il vous faut à portée de main, recommande-t-elle. En temps de crise, notamment celles liées aux changements climatiques, on observe en effet parfois un approvisionnement limité parce que les gens achètent tout ce qui est offert. »

« La préparation nous permettra de relever les défis de front »

Alors que les températures grimpent en flèche et que les changements climatiques influent sur les destinations de voyage, une bonne préparation s’avère cruciale. Ma propre expérience de chaleur intense en terre étrangère m’a fait réaliser à quel point il est important de rester en sécurité.

L’année a vu les températures mondiales battre des records, entraînant des vagues de chaleur mortelles et des phénomènes météorologiques extrêmes. Pour voyager judicieusement, il est donc essentiel de s’informer sur le climat local, de se doter d’une assurance voyage appropriée et de se préparer aux situations inattendues.

En effet, la préparation et l’ingéniosité nous permettront de relever les défis de front et de composer avec les changements climatiques dans nos voyages.


Apprenez-en davantage sur le
Département de journalisme de l’Université Concordia.

 

 



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