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Des étudiantes et étudiants du premier cycle prennent en charge l’enseignement dans un cours de l’Université Concordia sur le militantisme local

Des étudiants de l’École des affaires publiques et communautaires réalisent un projet final collectif au sein d’un groupe-classe non hiérarchisé
16 septembre 2024
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Les coauteurs Samm Reid, lacey boudreau et jay sallos-carter ainsi que la professeure Anna Sheftel ont fait une présentation dans le cadre de la conférence de l’Association canadienne d’histoire orale 2023 à Baltimore, dans le Maryland. | Photo : jay sallos-carter Les coauteurs Samm Reid, lacey boudreau et jay sallos-carter ainsi que la professeure Anna Sheftel ont fait une présentation dans le cadre de la conférence de l’Association canadienne d’histoire orale 2023 à Baltimore, dans le Maryland. | Photo : jay sallos-carter

Depuis trois ans, les étudiantes et étudiants du premier cycle de l’École des affaires publiques et communautaires bénéficient d’une occasion unique de façonner leur propre apprentissage. En effet, en plus d’assurer la prestation de la formation en collaboration avec leur professeure, les personnes participant au cours SCPA 352 : communauté et action directe décident également de la forme que prendra leur projet final.

Anna Sheftel, professeure agrégée et directrice de l’école, est l’initiatrice de cette formule pédagogique inédite.

« J’ai beaucoup lu sur la décolonisation de la pédagogie, la pédagogie critique et les approches d’enseignement égalitaires », souligne la Pre Sheftel.

« J’en suis venue à penser qu’il fallait tenter l’expérience, d’autant plus que notre école est un milieu propice à ce genre de démarche. Mais je n’avais jamais donné un cours aussi peu conventionnel auparavant ».

En tant que spécialiste de l’histoire orale, la Pre Sheftel souhaitait aider ses étudiantes et étudiants à vivre des expériences concrètes en matière de militantisme communautaire. Mettant de côté les conceptions hiérarchiques de l’enseignement, elle a conçu un cours basé sur une seule exigence : la réalisation d’un projet de groupe dirigé par les étudiants et portant sur les expériences de vie de militants.

« Donner un cours sur le militantisme n’est pas évident. Je trouve d’ailleurs inusité d’étudier une réalité dont l’essence même réside dans l’action, observe la Pre Sheftel. Si vous choisissiez d’aborder l’étude des mouvements horizontaux et des structures non hiérarchiques, vous devez vous efforcer de mettre ces notions en pratique dans la salle de classe. »

Lorsqu’elle a donné ce cours pour la première fois en 2022, la Pre Sheftel a pris soin d’initier ses étudiants au rôle, à l’éthique et à la méthodologie de l’histoire orale avant qu’ils ne se lancent dans la réalisation de leur projet.

D’un commun accord, le groupe a décidé de créer un balado dont chaque épisode serait produit par une équipe de deux ou trois personnes. D’autres équipes ont également travaillé sur la conception graphique, la distribution, la musique d’introduction et d’autres éléments. Ce projet a mené à la création de Listening Beyond, une captivante collection d’authentiques témoignages recueillis auprès de personnes qui œuvrent à défendre les intérêts de leur communauté.

Des leçons apprises au-delà du cadre pédagogique

Si la réalisation du projet a été jalonnée de nombreux défis, les étudiantes et étudiants en ont tiré d’importantes leçons.

lacey boudreau, qui entame sa dernière année d’études de premier cycle, a suivi ce cours durant son deuxième trimestre. Son équipe a interviewé une personne militant pour la cause des droits autochtones. Bien que l’entrevue se soit révélée fructueuse, l’activiste a finalement retiré son consentement à la publication, de crainte que son témoignage ne nuise à ses relations professionnelles.

« Cette expérience a changé ma façon d’aborder la recherche. Je réfléchis davantage à la nature des renseignements que je recueille et à la portée de leur diffusion », affirme lacey boudreau.

« Pourquoi tout le monde ressent-il le besoin d’accéder à toute l’information d’un seul coup ? Je n’avais pas réfléchi aux questions de consentement que pose l’utilisation de la technologie au regard de la diffusion de l’information et de son accessibilité au public. J’ai appris qu’il faut accepter de ne pas savoir certaines choses, que certains récits ne devraient être livrés que dans un cadre intime. »

jay sallos-carter faisait partie de la même cohorte que lacey boudreau. Âgé d’une trentaine d’années, jay a fait équipe avec deux autres étudiants, dont une personne de son âge et un jeune à la fin de l’adolescence. Voyant le manque de flexibilité des deux aînés du groupe dans le processus de prise de décision commune, le plus jeune a pris les rênes du projet et fait en sorte de le mener à terme.

« L’un des plus précieux enseignements que j’ai tirés de ce cours est la capacité de prendre du recul, de reconnaître son propre positionnement et de faire preuve d’une plus grande ouverture, indique jay sallos-carter. Et c’est en grande partie grâce au plus jeune membre du groupe, qui a fait preuve d’une incroyable finesse et d’une grande réceptivité à l’égard de toutes nos idées. J’accordais beaucoup d’importance à son opinion et tenais à entendre son point de vue. Ce fut pour moi une expérience marquante et une véritable leçon d’humilité. »

Une expertise assurée par les étudiantes et étudiants

Consciente du caractère unique de la formule pédagogique, des occasions d’apprentissage et des retombées du cours, la Pre Sheftel a proposé à la première cohorte de collaborer à la rédaction d’un article scientifique.

« De nombreux professeurs, y compris moi, publient des articles scientifiques sur la pédagogie, en particulier dans le domaine de l’histoire orale. Mais ces démarches impliquent généralement de citer des étudiants ou d’analyser leurs évaluations », observe la Pre Sheftel.

« Ma décision de cosigner un article avec mes étudiantes et étudiants de premier cycle découle de l’esprit de collaboration qui régnait dans le groupe. Les étudiants étaient à ce point investis dans le projet que l’idée d’écrire un article ensemble s’imposait comme une évidence. »

Quatre étudiants, dont lacey boudreau et jay sallos-carter, ont accepté de collaborer à cette publication aux côtés de la Pre Sheftel. Intitulé « Listening Beyond: Collaborative Reflections on Learning about Activism Through an Undergraduate Oral History and Podcasting Project », l’article est récemment paru dans la revue The Oral History Review.

Les coauteurs se sont rendus à Baltimore en octobre 2023 pour présenter leur travail à la conférence de l’Association canadienne d’histoire orale.

« Je ne savais pas trop à quoi m’attendre, témoigne jay sallos-carter. Nous avions peur de ne pas nous sentir à notre place, de ne pas avoir assez de choses à dire dans notre table ronde d’une heure. Or, nous avons dépassé le temps imparti et avons dû être conduits hors de la salle tant les personnes participantes avaient de questions à poser. Nous avons alors compris que nous avions notre place dans ce débat. Les gens nous voient comme des experts; nous sommes des spécialistes de l’histoire orale ».

« Nous sommes déjà quatre finissants de premier cycle à avoir publié un article au cours de notre programme, ajoute lacey boudreau. Les jeunes sont brillants. L’histoire orale n’est pas un nouveau domaine, mais celui-ci se renouvelle notamment grâce à la présence de nouvelles personnes qui mènent des recherches originales. C’était formidable de se retrouver dans un milieu exempt de toute condescendance, où nous pouvions exprimer notre point de vue ».

Un héritage grandissant

La Pre Sheftel offre le cours pour une quatrième fois cet automne. Elle continue d’enrichir le cursus en y intégrant une théorie de l’histoire orale encore plus pertinente, en renforçant le volet audiovisuel et en facilitant l’accès aux équipements en partenariat avec le Centre d’histoire orale et de récits numérisés et CJLO, la station de radio de l’Université. Elle s’est également engagée à offrir à ses étudiantes et étudiants davantage d’occasions de s’exprimer sur leurs expériences individuelles devant un groupe. Encore une fois, ce sont eux qui décideront en quoi consistera le projet collectif.

Jusqu’à présent, les trois premières cohortes ont toutes choisi de produire des balados assortis de contenus connexes, comme un zine.

« De tous les cours que j’ai donnés, celui-ci est mon préféré, affirme la Pre Sheftel. Mes groupes ont accompli un travail exceptionnel, et je constate que ce projet de collaboration suscite un réel sentiment d’appartenance. »


Écoutez le
balado et lisez l’article publié par les étudiantes et étudiants du cours SCPA 352 : Community and Local Activism (« communauté et action directe ») offert à l’Université Concordia.

 



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