À travers les strates
Qu'est-ce qui est caché, traité ou enregistré par l’action de superposer ? Que peut-on percevoir entre les couches de peinture, de son ou de fragments numériques ? Les œuvres de Marissa Sean Cruz, Ryth Kesselring et Wendy-Alexina Vancol puisent dans des notions d'intimité, de relations et des principes de coexistence afin de créer un langage visuel stratifié.
L'installation interactive Sonic Textiles de Ryth Kesselring invite le public à chorégraphier sa présence en l’espace. Composée de haut-parleurs textiles et de microphones, cette œuvre positionne le public en tant qu’interlocuteur.trice.s, appelé.e.s à s’immerger dans un paysage sonore de machines à broder et de traces audios accumulées de visiteurs passés. Des capteurs sont activés par le mouvement du corps et le son de la voix, le tout enregistré pour devenir une bande-sonore collective en constante évolution, instituant un sentiment d'interconnexion. La superposition du son agit comme une sorte de portail temporel, enregistrant la présence de corps et les rencontres perdues.
Dans la peinture de Wendy-Alexina Vancol As Tall As a Tree, des couches d’acryliques lisses et uniformes ont été appliquées doucement sur la toile. Le/la spectateur.trice peut percevoir le soin de l’artiste envers son sujet par la minutie dans les détails, la douceur de la palette de couleurs, la lumière captée et les traits de pinceau délicats. La pièce de Vancol raconte l’exercice émotionnel qui se produit lorsqu'une relation étroite se transforme et prend une nouvelle forme. L'artiste récite gestuellement le développement de sentiments, tels que la nostalgie, le deuil, l'incertitude, l'acceptation et l'émerveillement vis-à-vis l’épanouissement et la transition à l'âge adulte de son frère, Joshua.
Les réflexions sur la nature et l’entretien des relations interpersonnelles prennent un ton plus sombre dans la performance et vidéo multidisciplinaire de Marissa Sean Cruz PLAY (ing in my) PEN (ding doom). À travers la mise en scène, Cruz examine de manière critique le lien familial créée avec les chiens, qui sont perçus comme des compagnons fidèles et dévoués, existant dans notre imaginaire collectif comme le partenaire parfait, qui jamais n'abandonnerait ou ne décevrait. Ces projections émotionnelles deviennent particulièrement inconfortables lorsque l'artiste apparaît à l'écran en version cosplay d'un chien jouet en peluche rose à piles, puis juxtaposé.e à des images de robots à quatre pattes de Boston Dynamics. Ces machines à vocation militaire d'inspiration canine démontrent un désir persistant d'instituer cette dynamique inter-espèces particulière, comme modèle relationnel.
- Geneviève Wallen, coordinatrice d'expositions