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Une renaissance plutôt qu'une revitalisation

Par Autumn Godwin

Kitigan Zibi guest holds buckskin hide Photo: Buckskin Babes

Je n’aime pas utiliser le mot « revitalisation » dans ce contexte, car nos pratiques ne sont pas nouvelles. De nombreuses personnes vivant dans leurs communautés et toujours actives dans leurs terrains de piégeage n’ont jamais cessé de tanner les peaux d’orignal depuis des générations. Toutefois, on ne parle pas d’elles dans les médias grand public, et elles ne bénéficient pas d’une plateforme comme celle dont nous disposons ici. La semaine dernière, nous avons reçu des invités de Kitigan Zibi auxquels se sont joints des jeunes et des étudiants autochtones du Collège Dawson. Ils nous ont appris à plumer et à cuire les oies, et nous ont expliqué en quoi consistent nos systèmes alimentaires et quels types d’aliments nous consommons chaque saison. Je les considère comme nos professeurs, car ils possèdent les connaissances. Ils comprennent les lois naturelles et les observent quotidiennement; par conséquent, parler de revitalisation serait pour eux une insulte. Ces pratiques ont toujours existé, mais elles n’étaient pas visibles pour nous, les communautés autochtones urbaines, car beaucoup d’entre nous ont été coupés de nos terres, de nos terrains de piégeage et de la vie en forêt pour diverses raisons. Notre action consiste à demander aux gens de communiquer leur savoir, pour que nous puissions apprendre à connaître et nous réapproprier notre territoire, nos langues, nos pratiques médicinales et alimentaires ainsi que notre culture. 

Photograph of three individuals gathered around a work station. One is working on a hide, and two others are talking. Photo: Buckskin Babes
Photograph of three individuals inside an industrial space, hanging a moosehide on a wooden structure. Photo: Buckskin Babes

Nous apprenons collectivement et devons échanger les rôles et les responsabilités pour que chacun ait la possibilité d’apprendre. Ce fut un grand honneur et un privilège de pouvoir observer et assister une tanneuse de peaux expérimentée. Nous avons appris beaucoup de choses au cours de la semaine, à la fois sur le tannage et sur l’organisation d’un camp urbain. Nous comptons approfondir ces enseignements et poursuivre ces deux pratiques afin de nous améliorer.

Ce camp de tannage avait une signification particulière pour moi parce que nous avions invité des survivants des pensionnats ainsi que des aînés venus de tous les coins de l’Île de la Tortue à se joindre à nous pour nous faire part de leurs pratiques et de leurs enseignements médicinaux. Une tante excentrique nous a fait rire et donné de l’amour. Elle a échangé ses produits médicinaux et créé un espace sûr pour tous nos invités. Dans sa communauté, elle est une guerrière et une défenseuse des terres; elle protège le territoire des activités d’extraction en cours, car elle sait que la terre et l’eau sont garants de notre durabilité – qui protégera les non-humains et l’environnement si nous ne le faisons pas? Et puis, il y a notre reine des routes qui nous a fait découvrir ses créations inventives comme les os de saumon teints avec des bleuets, avec lesquels elle fabrique des boucles d’oreilles et des colliers, et les peaux de castor séchées d’où elle tire toutes sortes de créations magnifiques, au gré de son inspiration. Elle est toujours très occupée, tant au sein de sa communauté que dans nos camps, et elle aime transmettre ses connaissances et créer des environnements de travail divertissants pour que nous puissions mieux apprendre.

Le tannage d’une peau d’orignal n’est pas une opération facile, pas plus que l’organisation d’un camp urbain. Dans les deux cas, il faut énormément de temps, de patience et de pratique, et les membres de la communauté doivent travailler ensemble. 

Photograph of an individual seated, stretching a moosehide between their hands. Photo: Buckskin Babes

Personnellement, j’aime employer le mot renaissance. 

Nous redonnons vie à notre esprit lorsque nous accomplissons ce type de travail, tant pour nous-mêmes que pour les jeunes qui vivent en milieu urbain. Et je dis renaissance parce que ces traditions étaient dormantes en nous; lorsque nous nous organisons et nous rassemblons afin de mettre en commun nos connaissances, nous nous remémorons les pratiques ancestrales. Un important processus de guérison se produit lorsque nous nous affranchissons de la peur, et même nos aînés apprennent et guérissent au contact les uns des autres. Ils se remémorent peu à peu la vie d’avant le traumatisme des pensionnats et se mettent à raconter leurs histoires. Cette démarche est précieuse, car même si nous comprenons l’impact de la colonisation, nous savons ce que nous devons faire. Il nous faut prendre soin les uns des autres, mais aussi de nous-mêmes. Le camp a permis à nos proches de constater que nous nous épanouissons dans la jungle urbaine et que nous sommes avides d’enseignements. Nos ancêtres observent ce que nous faisons et sont fiers de nous malgré nos erreurs.

Tiniki à toutes les personnes qui se sont jointes à nous et ont appuyé le camp, 

Autumn Godwin 

Headshot of article writer Autumn Godwin

Autumn Godwin est nehithaw iskwew de la nation crie de Montreal Lake, sur le territoire du Traité 6, dans le nord de la Saskatchewan. Elle facilite activement la décolonisation en partageant de l'information et en créant des espaces communautaires pour les peuples autochtones urbains. À Concordia, elle étudie la résurgence de la culture autochtone, en mettant l'accent sur la récupération de la langue, des cérémonies et des pratiques éducatives au sein des bandes.

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