David Ward : Pourquoi les universités se doivent-elles d’innover?
Cycle de conférences sur l’avenir de l’Université et de l’apprentissage
Transcription de l’exposé de David Ward
Pourquoi innover? Débat sur les limites de l’enseignement supérieur de masse
À propos de la conférence de David Ward
J’ai trouvé fort intéressant l’exposé de M. Ward. Voici la notion la plus importante que j’y ai puisée : nous devons examiner minutieusement le « produit » que nous cherchons à vendre et la raison qui incitera les gens à se le procurer.
Autrement dit, quelle est la valeur ajoutée de notre offre? En quoi est-elle plus intéressante ou plus attrayante que ce qui se trouve ailleurs – que ce soit dans un espace physique ou en ligne. De manière générale, le fait que la diffusion du savoir ne relève plus du ressort exclusif des établissements d’enseignement supérieur traditionnels représente le défi que doivent maintenant relever les universités. En accédant simplement à diverses ressources sur Internet, chacun peut s’auto-instruire sur presque tous les sujets, et ce, à moindres frais. En outre, visionner des cybervidéos à la production soignée revêt beaucoup plus d’intérêt que d’écouter, dans une salle de classe, quelqu’un traiter d’un sujet donné sur un ton monotone. Il existe bien sûr d’autres méthodes, notamment l’apprentissage autogéré. Si notre offre se restreint uniquement à la communication du savoir, la plupart de ces méthodes s’exerceront à notre détriment. Comme le souligne M. Ward, le savoir pour l’amour du savoir (ou l’idéal existentiel) ne suffit plus. Dès lors, nous devons « repositionner » notre « produit ». Nous devons définir clairement notre offre et préciser comment elle favorise la réussite. Si nous essayons seulement d’imiter ce qui est proposé sur Internet, en produisant des vidéoconférences bien léchées par exemple, je crains fort que nous en ressortions perdants.
David Ward n’a pas abordé la question, mais un autre facteur contribue selon moi à « déprécier » le diplôme universitaire de premier cycle : la présence toujours croissante de bacheliers dans un marché frôlant la saturation. C’est plutôt difficile de convaincre quelqu’un de l’importance d’acquérir un diplôme de premier cycle si la seule perspective qui lui est offerte est de devenir barista – surqualifié – chez Starbucks… et d’avoir à rembourser un prêt étudiant substantiel. Ce problème est bien concret au Canada. En effet, la possession d’un baccalauréat n’a plus rien d’exceptionnel ici. Cette attestation correspond pour ainsi dire au diplôme d’études secondaires des générations précédentes. Les bons emplois bien rémunérés ne sont plus l’apanage des bacheliers, mais plutôt des personnes détenant un diplôme de deuxième ou troisième cycle. Résultat, bien des gens pensent que leur cursus universitaire se résume à une perte de temps. Pour d’autres, les expériences pratiques forment un récit édifiant et une excellente raison de ne pas fréquenter l’université. Il nous faut donc trouver le moyen de récuser cette perception, de convaincre la population que les études supérieures représentent un bon investissement. Bref, les universités ont dans leur ensemble besoin d’une nouvelle stratégie marketing.
À mon avis, il conviendrait d’analyser exhaustivement le modèle de l’enseignement supérieur – aujourd’hui marqué par l’exclusivisme. Au nombre des raisons à cela, son coût de fonctionnement élevé découle du fait qu’il repose sur un archétype obsolète. Une refonte en profondeur s’impose. Si des efforts considérables ont été consacrés à l’augmentation du taux de diplomation au niveau du baccalauréat, ils ont été bien moins importants aux cycles supérieurs. Par suite, les candidats aux études supérieures se retrouvent coincés dans un sérieux goulot d’étranglement. À preuve, l’écart entre le nombre de demandeurs et le contingent d’étudiants acceptés s’accroît sans cesse. Cela signifie aussi que le mécontentement grandit de plus en plus chez les bacheliers ès arts ou ès sciences. Si nous voulons que les étudiants sortent satisfaits de leur cursus de premier cycle, nous ferions bien de leur ménager davantage d’occasions d’accéder aux études supérieures. À cette fin, il serait impératif de concevoir des programmes de deuxième et troisième cycles plus efficients. Soulignons qu’il n’est pas question ici de sabrer les budgets ou d’éliminer des ressources essentielles, mais plutôt de remodeler l’expérience des études supérieures en fonction de ce qu’elle devrait être.
Nul doute, il y a là matière à réflexion. Je vous remercie de m’avoir invitée à assister à cette conférence.
En savoir plus sur David Ward
Le 28 janvier, David Ward a lancé à Concordia un cycle de conférences exploratoires sur l’avenir de l’Université et de l’apprentissage.
Ancien recteur (« chancelier » aux États-Unis) de l’Université du Wisconsin à Madison, M. Ward a exercé un fort leadership dans l’exercice visant à harmoniser la mission de recherche de l’établissement et son engagement à fournir une formation exceptionnelle au premier cycle.
Au nombre des changements qu’il a provoqués, soulignons : l’amélioration des services de consultation pédagogique, particulièrement ceux destinés aux nouveaux étudiants; l’élargissement de l’accès aux cours; la création d’un tronc commun; et l’augmentation des possibilités pour les étudiants de premier cycle de mener des activités de recherche.
Plus récemment, M. Ward a lancé à l’Université du Wisconsin à Madison une vaste initiative axée sur l’innovation en éducation et assortie de trois grands objectifs : transformer l’expérience étudiante en apprentissage systématiquement actif; innover dans la conception de programmes de maîtrise et de certificats de deuxième cycle; et exploiter les partenariats et les technologies pour multiplier les possibilités de formation.
Selon M. Ward, le modèle d’enseignement supérieur actuel a atteint ses limites. Pour qu’il continue de fonctionner, nous devons adopter une approche nuancée en vue de créer différents types d’établissements qui répondront aux divers besoins des étudiants. En effet, les solutions clés en main ne conviennent plus. Il incombe désormais aux universités, quelle que soit leur spécialité, d’appréhender la situation dans son ensemble.
Sources:
http://www.news.wisc.edu/packages/wardlegacy/bio.html
https://edinnovation.wisc.edu/http://www.theguardian.com/higher-education-network/blog/2011/nov/02/david-ward-uw-madison
Sustaining Strategic Transitions in Higher Education (« favoriser la transition stratégique dans le domaine de l’enseignement supérieur »)
Educause Review Online, 5 Août 2013
Dans cet article, David Ward explique le processus mis en œuvre, en 2011, pour guider et soutenir l’innovation à l’Université du Wisconsin à Madison. Il en était alors le recteur par intérim, fonction qu’il a assumée jusqu’en 2013.
Si l’établissement jouissait depuis longtemps d’une réputation d’université de recherche à vocation générale répondant constamment aux besoins de ses étudiants, il devait toutefois s’attaquer à des défis inédits et à de nouvelles priorités, notamment en matière de financement, d’évolution des domaines d’intérêt des étudiants, de progrès technologiques et de spécialisation de la recherche. En 2011, quand M. Ward a repris les rênes de l’Université du Wisconsin à Madison, il a constaté que la situation avait changé du tout au tout depuis 1993, année où il en avait été nommé recteur.
Ainsi, il écrit : « Selon moi, notre capacité d’adaptation aux changements liés à la création, à la découverte et à l’organisation du savoir en tant que tel exigera que nous apportions d’importantes modifications d’ordre curriculaire ou programmatique. Cet exercice sera facilité par la mise en œuvre de multiples pratiques d’apprentissage. » [Traduction libre.]
Onzième président de l’American Council on Education (« conseil américain de l’éducation »), David Ward a assumé cette responsabilité de 2001 à 2008. Il a par ailleurs exercé la fonction de recteur de l’Université du Wisconsin à Madison de 1993 à 2000, puis – à titre intérimaire – de 2011 à 2013. Auparavant, il a occupé au sein du même établissement les postes suivants : vice-doyen de l’École des études supérieures de 1980 à 1987; et vice-recteur principal et à l’enseignement de 1989 à 1993.
Né à Manchester, au Royaume-Uni, M. Ward possède un baccalauréat et une maîtrise ès arts de l’Université de Leeds. En 1960, il obtient une bourse Fulbright et part étudier aux États-Unis. En 1963, il termine son doctorat à l’Université du Wisconsin à Madison.
Titulaire de la chaire professorale Andrew-Hill-Clark en géographie de l’établissement, il y dirige le Département de géographie de 1974 à 1977. En 1989, il préside l’Association of American Geographers (« association des géographes américains »). À titre de géographe urbain, il fait œuvre de pionnier dans la recherche sur les villes anglaises et américaines à l’époque de leur industrialisation fulgurante. Enfin, il enseigne à l’Université Carleton, à l’Université de la Colombie-Britannique, à l’Université nationale australienne, au Collège universitaire de Londres ainsi qu’à l’Université hébraïque de Jérusalem.
Pendant les quatre années où il œuvre à titre de vice-recteur principal de l’Université du Wisconsin à Madison, David Ward dirige l’élaboration d’un plan stratégique en plusieurs volets : perfectionnement de l’enseignement au premier cycle; ajout d’installations de recherche; resserrement des liens entre l’Université, la ville, les gens d’affaires et l’État; et association créative des subventions publiques et des modes de financement privé. Les changements qu’il propose confèrent un sens inédit à l’expression de la Wisconsin Idea (« concept du Wisconsin »). Des plus respectés, ce cadre philosophique définit le rôle des établissements universitaires en matière de service public et de transmission des savoirs.
Parmi les importantes fonctions qu’a précédemment occupées M. Ward dans le domaine de l’enseignement supérieur, soulignons : la présidence du conseil d’administration de la University Corporation for Advanced Internet Development (« société universitaire pour le développement avancé d’Internet »), un groupe à but non lucratif qui s’occupe du perfectionnement d’Internet2; ainsi que la direction du conseil des relations gouvernementales de la National Association of State Universities and Land-Grant Colleges (« association nationale des universités d’État et des collèges universitaires créés grâce à une donation foncière du gouvernement »). Par ailleurs, il a siégé au comité sur l’enseignement au premier cycle de l’Association of American Universities (« association des universités américaines »), à la Science Coalition (« coalition scientifique ») de même qu’à la Kellogg Commission on the Future of State and Land-Grant Universities (« commission Kellogg sur l’avenir des universités d’État et des établissements universitaires créés grâce à une donation foncière du gouvernement »).
Sous la présidence de David Ward, l’American Council on Education (ACE; « conseil américain de l’éducation ») a établi un plan stratégique qui a ultimement renforcé le rôle de l’organisme à titre d’agent de coordination principal en matière d’enseignement supérieur. En effet, la mise en œuvre du plan lui a permis de préciser son orientation programmatique sur les questions d’équité, de diversité, d’internationalisation, d’apprentissage continu et d’efficacité institutionnelle. Alors qu’il dirigeait l’ACE, M. Ward a été nommé au Conseil de l’Université des Nations Unies. Enfin, il a été le seul membre dissident de la Commission on the Future of Higher Education (« commission sur l’avenir de l’enseignement supérieur ») qu’avait instituée Margaret Spellings, secrétaire à l’Éducation sous l’administration Bush fils.