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Les spécialistes du génie climatique doivent considérer la situation dans son ensemble, soutient une chercheuse

Une étude de l’Université Concordia traite de l’incidence éventuelle de vastes projets visant à atténuer les changements climatiques
16 avril 2019
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Nadine Mengis: « Il y a beaucoup d’inconnues – et bien d’autres surgiront. » | Photo par Alexis Antoine, Unsplash
Nadine Mengis: « Il y a beaucoup d’inconnues – et bien d’autres surgiront. » | Photo : Alexis Antoine, Unsplash

De toutes les sciences utilisées à ce jour pour lutter contre les changements climatiques anthropiques, le génie climatique compte parmi les moins exploitées.

Terme générique, le génie climatique désigne des projets d’envergure visant à désorganiser le cycle du carbone ou le bilan radiatif de la planète. Cette discipline n’a que récemment été intégrée aux discussions sur les méthodes susceptibles d’atténuer les effets néfastes des émissions de carbone.

La recherche sur diverses initiatives en génie climatique progresse. Toutefois, selon Nadine Mengis, trop peu des études menées jusqu’à présent ont pris en considération les effets secondaires considérables qu’auraient de tels projets sur des variables interdépendantes. Jusqu’en mars 2019, Mme Mengis travaillait au Laboratoire Matthews sur le climat de Concordia à titre de boursière postdoctorale Horizon.

Dans une nouvelle étude parue dans la revue Climatic Change, Nadine Mengis se penche sur une possible désorganisation des rapports entre un grand nombre de « variables du système terrestre ». Elle emploie cette expression pour décrire des aspects climatiques qui, même s’ils ne sont pas directement ciblés par des initiatives d’ingénierie, sont néanmoins touchés par elles. Cette désorganisation résulterait de trois méthodes associées au génie climatique.

Nadine Mengis Nadine Mengis

Trois méthodes principales

Mme Mengis – qui œuvre depuis cet hiver à l’Université Simon Fraser, mais qui a effectué les recherches pour son étude alors qu’elle fréquentait Concordia – a examiné trois propositions formulées par des spécialistes du génie climatique. Les grandes lignes de leur fonctionnement sont décrites ci-après.

Premièrement, la gestion du rayonnement solaire. Il s’agirait en fait de pulvériser, dans la stratosphère, des aérosols afin qu’ils dispersent les rayons du soleil et bloquent en partie l’énergie qui, autrement, pénétrerait dans le système terrestre. Cette méthode imite en quelque sorte les effets d’une explosion volcanique.

« Dans le contexte d’un climat ni perturbé ni géré, l’augmentation des concentrations de dioxyde de carbone entraînerait une hausse des températures, explique la chercheuse. Mais une manipulation du bilan radiatif de la Terre permettrait une stabilisation – voire une diminution – des températures, parallèlement au maintien absolu des niveaux de dioxyde de carbone. »

Deuxièmement, la hausse du taux d’alcalinité des océans. Pour ce faire, il faudrait broyer une quantité phénoménale de roc et jeter les particules à l’eau. Flottant à la surface des océans, elles absorberaient le dioxyde de carbone par simple réaction chimique.

Il en découlerait une augmentation de l’alcalinité des océans – à savoir, de leur capacité à neutraliser les acides – et nous assisterions ainsi à une hausse des niveaux de pH océanique, indice d’une diminution du degré d’acidité. D’après Nadine Mengis, pour que cette méthode s’avère efficace, des millions de tonnes de roc devraient toutefois être concassées, puis déversées dans les océans. Selon les normes en vigueur, la démarche ne serait pas seulement irréalisable, mais illégale. En effet, il est actuellement interdit d’immerger des déchets en mer.

Troisièmement, le boisement à grande échelle – c’est-à-dire tout le contraire de la déforestation. Cependant, cette intervention ne se limiterait pas à la plantation de millions et de millions d’arbres.

Mme Mengis apporte des précisions : comme seuls les arbres en croissance absorbent de grandes quantités de carbone, il s’agirait donc d’en planter, puis d’en couper afin que le carbone y soit séquestré. Pour assurer l’efficacité du processus, il faudrait constamment le recommencer. Selon certaines estimations, cette méthode exigerait de reboiser une zone de la taille de l’Europe.

Bien entendu, la chercheuse est consciente de l’impossibilité de mettre en œuvre l’une ou l’autre de ces mesures à court terme. Par contre, elle souligne que les prévisions sont fondées sur les volumes actuels d’émissions de carbone. Si l’être humain réduisait considérablement ses rejets carboniques, certaines interventions pourraient être réalisées à plus petite échelle.

Des problèmes et des solutions d’envergure mondiale

Nadine Mengis insiste sur un point : la recherche sur les opérations de génie climatique reste bien trop limitée. Par conséquent, les travaux effectués dans le domaine ne contribuent pas valablement à la prise de décisions éclairées.

« Je crois que nous sautons des étapes, dit-elle. Nous devons considérer certains grands enjeux avant d’aborder des questions plus pointues – par exemple, les possibilités du génie climatique en matière d’amélioration du rendement des récoltes. »

La chercheuse aimerait que son étude guide les scientifiques dans leurs travaux sur les effets secondaires des initiatives envisagées et les incite à adopter un point de vue plus global, plus holistique. Par ailleurs, elle souhaite que le grand public réalise que ce domaine d’investigation est relativement nouveau.

« Il y a beaucoup d’inconnues – et bien d’autres surgiront, indique-t-elle. Ainsi, des éléments dont nous ignorons tout encore pourraient subir des répercussions. J’espère que ma recherche fera un peu la lumière sur tout cela. »

La présente étude a été subventionnée par la Fondation allemande de recherche, dans le cadre du programme prioritaire Génie climatique : risques, défis, occasions?.


Consultez l’article
Climate engineering – induced changes in correlations between Earth system variables – implications for appropriate indicator selection (« génie climatique – changements induits dans les corrélations des variables du système terrestre et incidences sur le choix d’indicateurs appropriés »).

 

Contact

Patrick Lejtenyi
Conseiller Affaires publiques 
514 848-2424, poste 5068 
patrick.lejtenyi@concordia.ca
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