Les humains s’adaptent trop lentement aux changements climatiques, indique une nouvelle étude
Les preuves sont accablantes : les changements climatiques ont bel et bien commencé – traînant un cortège de catastrophes, de coûts exorbitants et de phénomènes migratoires. Or, face à cette réalité, l’humain n’a d’autre choix que de s’adapter. À l’échelle de la planète, les populations apprennent à vivre dans un climat entièrement différent de celui qu’elles et les générations précédentes avaient connu à ce jour.
Or, bien qu’aujourd’hui, les sociétés humaines de la planète subissent pleinement les conséquences de ces bouleversements, la réponse individuelle aux nouvelles menaces d’origine climatique demeure fragmentaire et inadéquate. C’est ce que révèle une nouvelle étude de la Global Adaptation Mapping Initiative (GAMI), un réseau international de chercheuses et chercheurs dont la mission est de recueillir et de synthétiser les données scientifiques sur l’adaptation aux changements climatiques. Dans un récent article paru dans la revue Nature Climate Change, les auteurs – dont Alexandra Lesnikowski, professeure adjointe au Département de géographie, urbanisme et environnement de l’Université Concordia – proposent un survol de la littérature actuelle sur le sujet et mettent en lumière plusieurs aspects névralgiques où les efforts consentis à l’échelle mondiale doivent s’accélérer.
Les 126 chercheuses et chercheurs participants ont utilisé l’apprentissage machine pour évaluer près de 50 000 documents scientifiques où il est question d’adaptation humaine aux changements climatiques. À terme, ils ont synthétisé 1 682 articles qu’ils ont jugé contenir de l’information pertinente sur la réponse visant cette adaptation. Selon leurs conclusions, la documentation montre une certaine adaptation des populations aux menaces climatiques, mais les données ne suffisent pas à déterminer si cette réponse adaptative réduit bel et bien les risques globaux. Les auteurs ont par ailleurs souligné le fait que les efforts déployés à ce jour n’ont guère produit de résultats transformateurs.
Mesures locales, constat mondial
« Nous n’avons pas été surpris d’observer que la plupart des stratégies d’adaptation documentées sont menées à l’échelle des individus, des ménages ou des autorités municipales et, par conséquent, sont de caractère éminemment local », fait observer la Pre Lesnikowski. « Ce constat traduit cependant l’émergence d’un déséquilibre, où beaucoup de mesures sont entreprises à l’échelle locale, mais très peu à l’échelle régionale ou nationale. Nous avons par ailleurs été à même de constater la rareté des travaux de recherche menés dans le secteur privé à propos de l’adaptation. »
À l’image des clivages observés entre hémisphère nord et hémisphère sud, entre riches et pauvres, ou encore, entre milieux ruraux et urbains, les auteurs ont noté que les mesures et les techniques d’adaptation varient grandement selon les régions. En Europe et en Amérique du Nord, souligne la Pre Lesnikowski, les efforts déployés dans le domaine sont surtout axés sur l’infrastructure et la technologie, tandis qu’en Afrique et en Asie, l’adaptation revêt un aspect plus comportemental et culturel.
Toujours selon l’étude, bien que de nombreuses sociétés adoptent une certaine forme de comportement adaptatif en réponse aux changements climatiques, l’efficacité de telles actions reste à démontrer.
« Moins de deux pour cent des articles que nous avons analysés contiennent suffisamment de données empiriques pour permettre de déterminer si les stratégies d’adaptation adoptées ont contribué ou non à réduire les principaux risques [que posent les changements climatiques] », poursuit la Pre Lesnikowski. Certes, les articles examinés semblaient indiquer l’existence d’un lien entre adaptation et atténuation, notamment en ce qui concerne la réduction des gaz à effet de serre. Toutefois, les recherches sur la réduction des risques globaux demeurent limitées – à savoir, par exemple, si les pratiques de gestion du risque ou les normes en matière d’infrastructure contribuent à réduire les conséquences néfastes des phénomènes météorologiques extrêmes.
« Il existe une énorme zone grise dans notre compréhension empirique de l’adaptation et de ce à quoi elle est censée servir à différents endroits dans le monde. En effet, ce qui fonctionne dans une situation ne fonctionnera pas nécessairement dans une autre. »
Les auteurs ont par ailleurs observé peu de cas d’adaptation transformationnelle, c’est-à-dire de profonds changements structuraux ayant une incidence marquée sur l’exposition aux risques ou la vulnérabilité sociale. Il s’agit ordinairement d’initiatives majeures, comme le retrait de communautés entières de zones à risque élevé ou un changement radical dans les pratiques agricoles. Le caractère relativement modeste des progrès réalisés à ce jour inquiète la Pre Lesnikowski et ses collègues.
« Continuer à agir ainsi, comme si de rien n’était, nous amène à nous demander si nos approches actuelles en matière d’adaptation seront suffisantes pour composer avec les risques et la vulnérabilité sociale, lesquels croîtront sans cesse à mesure que le réchauffement climatique s’accentuera », conclut-elle.
Lisez l’article cité (en anglais) : A systematic global stocktake of evidence on human adaptation to climate change.