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Des chercheurs de Concordia affirment que les évaluations environnementales doivent prendre en compte la connectivité écologique

Des études portant sur divers projets de développement au Canada et l'Europe révèlent les bienfaits de la prise en compte de la protection de la biodiversité dès les premiers stades du processus.
19 septembre 2023
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metal pipe between trees at daytime
Quinten de Graaf, Unsplash

Les chercheurs, les organismes de financement et les promoteurs appellent de plus en plus à prendre en compte la connectivité écologique dans le cadre des évaluations environnementales (EE) liées aux projets de développement. Ils jugent en effet important de déterminer dans quelle mesure de tels projets peuvent être menés à bien sans fractionner l’environnement, qu’ils visent à la création d’une route, d’une mine, d’une ligne de transmission ou d’un barrage hydroélectrique. Tout projet de développement risque en effet, en altérant l’environnement, d’empêcher la libre circulation de la faune et d’avoir ainsi d’importantes conséquences sur, entre autres, les migrations, la diversité génétique, l’abondance des populations, la résilience climatique et la résistance aux maladies.

Dans une série d’articles publiés dans un numéro spécial de la revue Impact Assessment and Project Appraisal dirigée par deux chercheurs de Concordia et par la chercheuse espagnole Aurora Torres, d’Alicante, les auteurs s’interrogent sur les moyens de faire en sorte que la connectivité écologique soit au cœur des EE. Ils se penchent notamment, dans le dernier de ces articles, sur cinq études de cas montrant que, malgré de grandes différences entre les projets étudiés, il est possible de prendre en compte la connectivité écologique dans les premiers stades des EE.

« Nous souhaitions analyser plus en profondeur ces études de cas et les raisons de leur réussite afin d’en tirer des leçons pour de futurs projets, y compris au Québec », explique Jochen Jaeger, professeur agrégé au Département de géographie, urbanisme et environnement de la Faculté des arts et des sciences, qui a supervisé l’article. Le Pr Jaeger précise que l’utilité des études de cas tient au fait qu’elles permettent d’établir des lignes directrices précises dont les praticiens pourront tirer parti pour mieux évaluer les conséquences d’un projet donné sur la connectivité écologique.

Par exemple, la plupart des routes du Québec, dont les autoroutes 15 et 10, ont été construites sans se soucier le moins du monde de leurs effets sur la connectivité écologique. Ces erreurs majeures pourraient être corrigées par la création de passages fauniques. L’initiative québécoise Corridors écologiques lancée par Conservation de la nature du Canada appelle d’ailleurs depuis des années à prendre en compte la connectivité écologique dans les décisions touchant l’utilisation des sols. Le ministère des Transports du Québec a toutefois pour habitude de refuser la moindre mesure apte à contrer les nuisances écologiques engendrées par les routes existantes. Résultat : le Québec ne compte à ce jour aucun passage faunique supérieur. Il est donc très important de prendre en compte la connectivité dans les EE touchant les nouvelles routes ainsi que le passage de deux à quatre voies des routes existantes, et de prendre des mesures d’atténuation des nuisances écologiques au moins pour les routes en question.    

Jochen Jaeger, en chemise bleue et blanche, se tient à l'extérieur à côté de Charla Patterson, vêtue de noir. Jochen Jaeger et Charla Patterson: : « Nous souhaitions analyser plus en profondeur diverses études de cas et les raisons de leur réussite afin d’en tirer des leçons pour de futurs projets, y compris au Québec. »

Détermination des caractéristiques communes

Les cinq études de cas examinés par les auteurs de l’article portaient sur cinq projets répartis dans quatre pays : le gazoduc de 850 km Westcoast Connector Gas Transmission, situé dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique; les EE stratégiques de Parcs Canada portant sur les stratégies de gestion des parcs nationaux canadiens; la construction d’une troisième piste à l’aéroport d’Heathrow, à Londres; la prolongation de la ligne de chemin de fer Malmbanan, dans le nord de la Suède; et la modernisation de l’autoroute A4, dans le sud de l’Espagne.

Malgré les différences entre ces divers projets, les chercheurs ont décelé entre eux des points communs touchant les défis qu’ils posaient, les leçons qui en ont été tirées et les importantes pistes de recherche qu’ils ont ouvertes.

Les 15 défis posés par ces projets étaient liés au manque de sensibilisation des auteurs d’EE à la connectivité écologique et à leur compréhension insuffisante de celle-ci; à des problèmes liés entre autres au manque de données de qualité et à la transmission du savoir entre scientifiques et praticiens; ainsi qu’à la coopération insuffisante entre les autorités.

En ce qui a trait aux 19 leçons tirées des projets mentionnés, les études de cas montrent que toute EE doit être basée sur des données scientifiques relatives, par exemple, aux caractéristiques écologiques et à la nécessité de faire appel à de multiples échelles d’analyse. Les chercheurs ont également souligné que la prise en compte de la connectivité écologique dès les premiers stades du processus d’EE est bénéfique pour ce dernier et met en lumière ce qui menace cette connectivité. Les études de cas montrent par ailleurs qu’il existe plus d’une stratégie pouvant conduire à la prise en compte de la connectivité écologique.  

Des lignes directrices s’imposent

Toutes les études de cas précitées montrent qu’il est nécessaire d’établir des lignes directrices pour déterminer quand, comment et pourquoi procéder à des analyses de la connectivité écologique, ainsi que les techniques ou outils à utiliser. Elles mettent aussi en lumière la nécessité de s’assurer que les efforts de restauration et de conservation déployés dans le cadre des projets portent leurs fruits.

Les chercheurs estiment que le numéro spécial conduira à une législation rendant obligatoire la prise en compte de la connectivité écologique dans le cadre des EE, ainsi qu’à l’établissement par les gouvernements de cadres visant le respect de normes appropriées.

« Ce projet nous a passionnés dès le départ », précise l’autrice principale de l’article, Charla Patterson, titulaire depuis peu d’une maîtrise en évaluation environnementale de l’Université Concordia. « Après la présentation du fruit de nos travaux dans le cadre d’un atelier en ligne, un groupe de travail a été mis sur pied pour favoriser l’atteinte de leur but initial : assurer une meilleure prise en compte de la connectivité écologique dans le cadre des EE. À partir de là, les choses ont évolué. Le fait d’œuvrer tout au long du projet avec tant de gens brillants et talentueux a été pour nous une leçon d’humilité. Issus de multiples pays et de divers secteurs visés par des EE, ont depuis deux ans consacré du temps au projet bénévolement parce qu’ils sont convaincus de son importance. Ça n’a pas toujours été facile, mais l’effort en valait la peine. »

« C’est de plus très encourageant de voir des professionnels de divers secteurs reconnaître l’importance de la connectivité écologique et convenir qu’elle doit être prise en compte dans le cadre des EE », conclut la chercheuse.

L’étude citée a été financée par le Center for Large Landscape Conservation, du Montana.

Lisez l’article cité : Pathways for improving the consideration of ecological connectivity in environmental assessment: lessons from five case studies. (anglais seulement)

Lisez l’éditorial du numéro spécial consacré à la connectivité écologique : Advancing the consideration of ecological connectivity in environmental assessment: Synthesis and next steps forward. (anglais seulement)



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