La conservatrice en résidence de la Galerie FOFA de l’Université Concordia utilise l’art pour explorer la diaspora latino-américaine
Il y a quelques mois, l’exposition A.llegades présentée à la Galerie FOFA de l’Université Concordia mettait en lumière les dimensions de l’identité, de la migration et de la résilience. Organisée par la conservatrice en résidence de la galerie María Andreína Escalona De Abreu, B. Bx-arts 2022, l’exposition s’articulait autour du thème « Ensemble dans la diaspora ».
Escalona a rassemblé les œuvres de huit artistes originaires du Chili, de la Colombie, du Mexique et du Venezuela en vue de tisser une tapisserie d’idées entrelacées. Les artistes, tous des immigrants de première ou de deuxième génération, ont présenté des œuvres qui reflètent leurs identités latino-américaines.
Leurs travaux exploraient les liens qu’ils entretiennent avec leur culture d’origine tout en mettant de l’avant le contexte multiculturel canadien. Les œuvres d’art étaient de nature très diverse. Elles comprenaient des éléments textiles, sculpturaux, textuels et de performance, et avaient pour fil conducteur la résilience.
Montréalaise d’origine vénézuélienne, Mme Escalona est artiste visuelle, écrivaine et conservatrice indépendante. Depuis l’obtention de son diplôme de l’Université Concordia, elle a su perfectionner sa pratique de la conservation en tant que conservatrice en résidence à la Galerie FOFA, ainsi qu’avec l’appui du programme Art Volte.
Cette année, elle bénéficiera également du soutien d’Art Volte pour élargir les activités de médiation culturelle à la Galerie FOFA.
Parlez-nous de votre récente exposition, A.llegades. Quels thèmes et messages souhaitiez-vous véhiculer?
María Andreína Escalona De Abreu : L’exposition A.llegades présentée cet été s’inspirait de mon propre parcours migratoire jusqu’à Montréal. Je souhaitais rassembler des membres de la communauté latino-américaine afin de discuter de sujets que, selon moi, certaines et certains d’entre nous souhaiteraient aborder. Je pense aux sentiments de nostalgie, de perte, de deuil, de déracinement et d’incomplétude que l’on ressent quand on quitte son pays, sa famille, ses amis, son foyer, etc.
Mais je pense aussi aux expériences de joie, de découverte, de curiosité, d’amitié, d’apprentissage et de générosité que l’on vit au sein de la collectivité d’accueil. Le nom même de l’exposition est un amalgame de trois mots distincts qui rendent compte de la réalité complexe des immigrants, à savoir llegar (arriver), allegado/allegada/allegade (une personne proche avec qui vous n’avez pas de lien de parenté) et le préfixe a qui peut à la fois signifier proximité, contiguïté ou intensité, et opposition ou manque de quelque chose.
De quelle façon avez-vous collaboré avec les artistes?
ME : Durant les premières phases de planification, j’ai demandé aux artistes de se pencher sur la question suivante : « Comment vivez-vous votre latinoaméricanité à Montréal? ». Le terme latinoaméricanité est complexe parce que chaque personne lui confère un sens différent. C’était justement cette multitude de sens qui m’intéressait. Chaque artiste – y compris Pierina Corzo-Valero, ma conservatrice adjointe, et moi – a interprété la question selon des perspectives différentes sur les plans de l’expérience, des origines et de la matérialité.
Je trouve important d’observer comment chaque point de vue est valable et beau. Comment il enrichit notre expérience et s’intègre à nos nouvelles relations et identités. Le processus de renforcement des liens communautaires était plus important à mes yeux que les œuvres finales présentées dans le cadre de l’exposition. Je crois que c’était également le cas des personnes qui ont pris part au projet et de celles qui sont venues voir l’exposition et qui se sont identifiées aux thèmes.
Comment votre démarche artistique a-t-elle évolué au cours de la dernière année, notamment au regard de votre expérience à la galerie?
ME : L’équipe de la Galerie FOFA m’a vraiment fourni l’espace et le soutien dont j’avais besoin pour modeler une pratique de la conservation fondée sur l’intentionnalité, la bienveillance, l’autocompassion et la transparence. Je vois cette expérience comme un phare puissant qui guide ma carrière et m’offre de multiples possibilités et moments d’apprentissage non seulement à titre de conservatrice, d’artiste ou de collègue, mais également à titre de professionnelle plus confiante et mieux préparée. Sous le mentorat de Nicole Burisch, directrice de la Galerie FOFA, et de Geneviève Wallen, mentore du programme Art Volte, j’ai acquis des connaissances sur la communication interpersonnelle, l’administration des arts, la créativité hors studio et la création d’objets, les pratiques de bienveillance et beaucoup d’autres aspects que je n’ai pas envisagés ou qui ne m’ont pas été inculqués durant mes études universitaires.
Ces enseignements ont eu des répercussions décisives sur ma pratique de l’art qui vont au-delà de la planification d’expositions, parfois volontairement (dans le cadre de séances de formation, de réunions ou de projets), parfois involontairement (environnement bienveillant et équipe stimulante). Grâce à cette expérience, je vois déjà mon parcours professionnel comme un fusionnement de la création et de la conservation d’œuvres d’art capable d’évoluer en pratique artistique bienveillante et durable.
En quoi vos fonctions de conservatrice en résidence à la Galerie FOFA ont-elles influé sur votre pratique de l’art et de la conservation?
ME : Dans le cadre de mon travail à la galerie, j’en ai beaucoup appris sur les pratiques durables dans le domaine des arts. J’y vois deux facettes. Grâce au projet de durabilité mené par Jasmine Sihra, j’ai compris qu’il y avait moyen de créer une exposition, un événement ou une œuvre d’art et même d’organiser ses activités professionnelles quotidiennes de manière à ne pas générer de déchets ou d’en générer une quantité moindre. Par exemple, il est possible d’incorporer du matériel pertinent et existant aux affiches, ce que nous avons fait en réutilisant des feuilles de plantain pour A.llegades, afin d’imprimer une quantité moindre de matériel didactique ou d’acheter moins de produits de plastique à usage unique ou de nourriture en vue du vernissage.
La durabilité va au-delà des déchets et du gaspillage. Elle suppose l’adoption de pratiques de bienveillance, de transparence et de pérennité. Par exemple, que faut-il faire pour avoir une carrière saine et équilibrée dans le domaine des arts? De quelles possibilités et ressources les créatrices et créateurs de Montréal, du Québec et du Canada peuvent-ils tirer parti? Quelle incidence les intersections des expériences racisées, genrées et sociales ont-elles sur nos vies et nos professions? Et comment la collaboration, la mise en commun des ressources, la communication ouverte et d’autres mesures semblables aident-elles à contrer les déséquilibres de pouvoir?
Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont le programme Art Volte vous a appuyée dans votre processus de professionnalisation?
ME : Depuis l’obtention de mon baccalauréat ès beaux-arts en fibres et pratiques matérielles en 2022, j’ai eu recours à plusieurs formes de soutien offertes par Art Volte. Par exemple, j’ai participé au programme de mentorat, à l’atelier de rédaction de demandes de subventions à l’automne 2022 et à d’autres ateliers de perfectionnement professionnel et activités culturelles. Dans le contexte du programme de mentorat, Geneviève Wallen a organisé plusieurs rencontres à mon intention et à celle de trois autres personnes mentorées au cours de l’année. Nous avons tous été exposés à un magnifique espace de soutien et de partage de ressources qui a profondément changé ma façon de voir le processus artistique et la communauté artistique.
Dans le cadre de l’atelier de rédaction de demandes de subvention, j’ai eu la chance de participer à un programme intensif et bien structuré qui m’a permis de perfectionner mes habiletés rédactionnelles, mon processus créatif et mes compétences professionnelles. Cette expérience a conduit à une subvention du Conseil des arts et des lettres du Québec qui m’a permis d’élargir la portée de l’exposition A.llegades.
Le vaste éventail d’activités, d’événements, d’ateliers et de rencontres organisés par Art Volte m’a amenée à parfaire mes compétences sociales et pratiques et à en apprendre plus sur la scène artistique montréalaise. Je suis particulièrement reconnaissante envers Marc Wieser, superviseur du portefeuille d’initiatives stratégiques à l’Université Concordia, et Fannie Gadouas, coordonnatrice d’Art Volte et des projets spéciaux à la Faculté des beaux-arts, pour le soutien et l’ouverture dont ils ont fait preuve une fois mes études à l’Université Concordia terminées.
Quels sont vos projets et aspirations en tant qu’artiste et conservatrice?
ME : Mes prochains projets sont tous liés à mon souhait de fusionner ma pratique de la conservation et de l’art. Cet automne, je compte lancer un carnet et une série d’ateliers à la Galerie FOFA. Dans le cadre de ces projets, le public sera invité à participer à une activité d’écriture dans la galerie et à créer des textes qui s’inspireront directement des œuvres d’art. Le calendrier des séances sera bientôt diffusé.
En ce qui concerne l’an prochain, j’entends organiser une deuxième exposition qui se tiendra en juillet à la galerie. Cette exposition explorera de manière générale le thème de la durabilité en tant que geste d’amour. Je suis par ailleurs très heureuse d’annoncer que l’an prochain, j’intégrerai l’équipe de la résidence Céline Bureau, un organisme sans but lucratif qui soutient les artistes, à titre de coordonnatrice du programme de résidence 2024. Dans ma pratique personnelle, j’explorerai la fabrication de papier et de livres comme moyen de collaborer et de trouver de nouveaux espaces pour la conservation.
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