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Aphrodite Salas invite à une remise en question des pratiques journalistiques pour favoriser une couverture éthique des réalités autochtones

Humilité, confiance et respect mutuel constituent les fondements d’un journalisme porteur, selon la professeure agrégée de l’Université Concordia
27 mai 2024
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Une jeune femme souriante aux cheveux longs et foncés, portant une veste d'hiver noire, montre une prise de vue sur son appareil photo à une femme souriante plus âgée aux cheveux blonds, portant une veste d'hiver noire et un bonnet gris.
De gauche à droite : Katelyn Thomas, ancienne étudiante en journalisme et reporter au journal Montreal Gazette, en compagnie d’Aphrodite Salas, sur le territoire de la communauté autochtone Kiashke Zaaging Anishinaabek de Gull Bay. | Photo : Virginie Ann

Aphrodite Salas (M.A. 1999), professeure agrégée de journalisme à l’Université Concordia, veut réécrire les règles régissant les reportages journalistiques dans le cadre de son travail en collaboration avec les communautés autochtones. En se fondant sur les principes d’écoute, de respect et de réciprocité, elle et ses étudiants en journalisme repensent activement les pratiques journalistiques en adoptant une approche narrative constructive.

Avant d’entreprendre ses fonctions de professeure à temps plein à Concordia en 2018, Aphrodite Salas y a enseigné à temps partiel tout en menant une fructueuse carrière en journalisme, notamment au réseau de télévision CTV, où elle a œuvré pendant neuf ans. Elle raconte avoir vécu un moment à la fois troublant et déterminant à Saskatoon, en Saskatchewan, alors qu’elle couvrait les « starlight tours » (« virées sous les étoiles »), euphémisme désignant une pratique consistant, pour des policiers, à conduire des Autochtones hors de la ville puis à les abandonner dans la froideur de la nuit, avec des conséquences souvent fatales.

Ces événements ainsi que la publication, en 2015, du document Commission de vérité et réconciliation (CVR) du Canada : Appels à l’action, ont incité Aphrodite Salas à réévaluer ses recherches et son enseignement en journalisme. En réponse à l’appel de la CVR demandant aux écoles de journalisme de fournir un enseignement sur les peuples autochtones et leur histoire, elle a résolu d’apprendre comment décoloniser son travail.

Aphrodite Salas a établi des partenariats avec des communautés autochtones comme la Première Nation Kiashke Zaaging Anishinaabek de Gull Bay, située à 200 kilomètres au nord de Thunder Bay, en Ontario, ainsi que la communauté d’Inukjuak, au Nunavik.

Avec ses étudiantes et étudiants en journalisme, elle a entrepris de couvrir de façon éthique les réalités de ces communautés. Le groupe s’est tout particulièrement intéressé au processus de transition vers la souveraineté énergétique et l’adoption de sources d’énergie renouvelable entreprise par la communauté dans le but d’abandonner le dangereux et toxique diésel, carburant qui a constitué pendant des générations la principale source d’énergie.

Cover of a PDF guide called, "My relations," or, "Dewemaaganag"

Un guide pour tisser de nouvelles relations

Lors d’un récent atelier d’échanges d’idées sur les efforts entrepris afin de décoloniser son travail journalistique, Aphrodite Salas a expliqué comment elle avait appris l’importance de l’écoute et de l’établissement de relations depuis le début de sa démarche, en 2017. Ces principes sont exposés dans le guide Mes relations, un manuel destiné aux non-Autochtones qui souhaitent apprendre comment transformer leurs relations avec les communautés autochtones. Le guide a été élaboré par le Bureau de l’engagement communautaire de Concordia.

Aphrodite Salas explique comment elle a appris, à petits pas au début, comment faire preuve de patience, écouter et établir progressivement des liens véritables avec les membres des communautés autochtones. Elle en est venue à comprendre que ce travail exigeait avant tout d’acquérir une profonde compréhension des besoins et des préoccupations de ces communautés.

En adoptant une attitude d’humilité et d’ouverture, Aphrodite Salas relate avoir été en mesure d’établir des rapports empreints de confiance et de respect mutuel et, ce faisant, de jeter les bases d’une pratique journalistique significative et porteuse. Cette approche, qui remet en question les règles traditionnelles du métier en ce qui a trait à la relation qui doit exister entre les journalistes et les sujets de leurs reportages, lui a permis d’élaborer conjointement pour un public numérique des articles qui reflètent de manière authentique les expériences des communautés autochtones avec lesquelles elle a collaboré.

Ses 20 années de carrière en journalisme lui conférant une crédibilité, elle a tablé sur ce privilège pour obtenir la collaboration d’un diffuseur national. « Lorsque je suis retournée à CTV pour discuter d’une éventuelle collaboration, ils m’ont fait confiance et se sont montré ouverts à ce que j’adopte une nouvelle approche fondée sur la réconciliation », relate-t-elle.

Une jeune femme portant un bonnet d'hiver, des écouteurs et une écharpe d'hiver, interviewant un homme plus âgé portant une salopette de chantier orange. De gauche à droite : Virginie Ann, ancienne étudiante en journalisme et reporter au réseau CBC, en compagnie de Stanley King, résident du territoire de la Première Nation Kiashke Zaaging Anishinaabek de Gull Bay.

Une préparation qui porte fruit

Aphrodite Salas veille à ce que ses étudiantes et étudiants comprennent comment adopter une approche décoloniale. « Pour le projet d’Inukjuak, chaque étudiant qui travaillait avec moi se préparait pendant trois mois en faisant des lectures, en suivant des formations en compétence culturelle, en prenant part à des groupes de discussion et en suivant une formation avec une ou un journaliste autochtone », explique-t-elle.

« La réaction suscitée par notre travail a été très enthousiasmante. Notre documentaire a été projeté dans la communauté concernée, lors de rencontres nationales et internationales de même que dans le cadre de deux conférences des Nations Unies. »

Le concept de positionnement, c’est-à-dire le fait de prendre conscience de ses privilèges et de ses préjugés, est au centre de la démarche d’Aphrodite Salas. Elle invite ses étudiants à aborder le métier de journaliste avec humilité et une volonté d’être à l’écoute, pour faire en sorte que les enjeux soient traités de manière authentique et respectueuse.

Geneviève Sioui, coordonnatrice de l’engagement communautaire autochtone au Bureau de l’engagement communautaire, est à l’origine du guide Mes relations. « En créant ce guide, nous avons voulu offrir aux chercheuses et chercheurs non autochtones et aux autres personnes une ressource leur permettant d’effectuer une réflexion sur les raisons qui les incitent à solliciter les communautés autochtones; nous voulions aussi fournir des conseils sur les façons de passer de la réflexion à l’action de manière éthique et respectueuse », précise-t-elle.

La collaboration plutôt que l’extraction d’information

À l’avenir, Aphrodite Salas prévoit pousser plus loin ses travaux de recherche sur le journalisme engagé dans la communauté et continuer à former de jeunes journalistes à des pratiques journalistiques éthiques. Pour elle, le journalisme ne consiste pas à extraire des informations, mais constitue plutôt une démarche de collaboration où il importe de donner et de recevoir, selon un principe ancré dans le cadre plus large de la réconciliation.

Par l’entremise du programme de recherche sur l’électrification Volt-Age de Concordia, elle a mis en contact des chercheuses et chercheurs en génie de l’Université avec des partenaires de la Première Nation Kiashke Zaaging Anishinaabek de Gull Bay, pour faciliter l’accession de la communauté à la souveraineté énergétique et l’adoption de sources d’énergie propre.

Aphrodite Salas continue à promouvoir le journalisme ancré dans la communauté et espère que son travail contribuera à rendre le paysage médiatique plus inclusif et éthique, et à ce que les voix autochtones y soient non seulement entendues, mais également valorisées et respectées.

Regardez deux documentaires produits par Aphrodite Salas, professeure agrégée de journalisme, ainsi que ses étudiantes et étudiants :


Apprenez-en davantage sur les façons d’utiliser le
guide Mes relations pour contribuer au processus de décolonisation et de réconciliation.

 



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