Un tiers des personnes ayant survécu à un cancer survenu dans l’enfance redoutent la réapparition de la maladie, selon une nouvelle étude réalisée à l’Université Concordia
Selon une nouvelle étude menée à l’Université Concordia, un tiers des adultes ayant survécu à un cancer survenu dans l’enfance éprouvent une peur si intense de la résurgence de la maladie que leur vie quotidienne peut s’en trouver gravement affectée.
L’étude transversale menée auprès de 229 personnes survivantes d’un cancer infantile, publiée dans la revue JAMA Network Open Oncology, a révélé que 16,6 % des survivants à long terme font état d’une crainte cliniquement significative d’une récidive du cancer et que 15,7 % d’autres rapportent une crainte intense de réapparition de la maladie.
Bien que ces chiffres soient apparemment semblables à ceux observés chez les personnes ayant survécu à un cancer apparu à l’âge adulte, cette étude met en évidence le manque général de données scientifiques sur les survivants adultes d’un cancer infantile, affirme Alex Pizzo, auteur principal de l’étude et doctorant en psychologie clinique au Behavioural Health Innovations Lab de Concordia.
« Dans nos recherches, nous n’avons pas trouvé d’études sur des personnes ayant survécu à un cancer infantile faisant état de l’utilisation de mesures d’évaluation fiables et validées de la peur d’une récidive, c’est pourquoi il nous a été difficile d’établir des estimations de la prévalence de ce sentiment. »
« Bien entendu, il est tout à fait normal et justifié d’éprouver un certain degré de crainte ou d’anxiété face à une éventuelle récidive de la maladie », ajoute Nicole Alberts, professeure agrégée au Département de psychologie et auteure source de l’article.
« Mais nous ne disposions pas de beaucoup de données pouvant indiquer que cette peur atteint un degré si élevé qu’elle cause une détresse réelle aux survivants et en vient à perturber leurs études, leur travail ou leurs relations sociales. »
Une crainte qui subsiste des années après le traitement
L’équipe de recherche a procédé à une analyse détaillée des données recueillies auprès de participants à la Childhood Cancer Survivor Study, une étude de cohorte rétrospective portant sur des personnes survivantes traitées entre 1970 et 1999 dans différentes régions d’Amérique du Nord. La plupart de ces personnes avaient reçu leur dernier traitement anticancéreux des dizaines d’années auparavant.
Les degrés de peur éprouvés par les répondants ont été évalués en fonction de leurs réponses à plusieurs questionnaires remplis au moyen d’une application d’études. On leur demandait d’évaluer leurs symptômes de crainte d’une récidive, d’anxiété et de dépression, la perception qu’ils avaient de leur propre santé, leurs douleurs chroniques et autres. Les scores totaux indiquaient si leur sentiment de peur d’une récidive de cancer était minimal, élevé ou cliniquement significatif.
Au chapitre des variables démographiques, ce sont les personnes survivantes qui étaient au chômage, avaient suivi des études universitaires ou obtenu un diplôme de premier cycle qui étaient les plus susceptibles d’éprouver les niveaux les plus élevés de peur d’une récidive. En outre, les personnes souffrant d’une affection neurologique ou ayant subi une radiothérapie pelvienne, l’amputation d’un membre ou une intervention visant à sauver un membre étaient les plus susceptibles d’éprouver la crainte d’une récidive de cancer.
Les personnes présentant des niveaux élevés de dépression, d’anxiété ou les deux, et qui considéraient leur état de santé comme mauvais ou moyen, étaient également plus susceptibles d’éprouver une peur de la récidive cliniquement significative.
Nicole Alberts, titulaire d’une chaire de recherche du Canada de niveau 2 sur les interventions en santé comportementale, souligne que la nature transversale de l’étude ne permet pas de conclure à une relation bidirectionnelle entre l’anxiété, la dépression et la peur d’une récidive de cancer, ce qui signifie que l’on ignore si l’anxiété, la dépression et la mauvaise santé entraînent la peur d’une récidive ou si l’inverse est vrai.
Les chercheurs espèrent que l’étude déclenchera une impulsion menant vers une amélioration du traitement des adultes ayant survécu à un cancer infantile, en commençant par un bref dépistage des symptômes possibles lors des consultations médicales.
« On pourrait commencer par quelques questions simples visant à déterminer si une évaluation plus poussée est nécessaire », estime la Pre Alberts.
« En cas de survie à long terme, les types de soins psychologiques que les survivants reçoivent peuvent varier. Un dépistage plus poussé serait utile, mais cette mesure nécessite des ressources qu’il est toujours difficile d’obtenir. »
Les membres de l’équipe de recherche concluent que des interventions telles que la thérapie cognitivo-comportementale combinée à des thérapies fondées sur la pleine conscience pourraient contribuer à atténuer la peur d’une récidive chez les adultes ayant survécu à un cancer survenu durant l’enfance.
« Ce groupe de personnes est unique parce que leur traitement remonte à très loin, explique le Pr Pizzo. Nous ne savons pas vraiment de quel ordre sont les inquiétudes qu’elles éprouvent. S’inquiètent-elles de la résurgence du cancer initial, de l’apparition de tumeurs malignes subséquentes ou d’effets secondaires tardifs? Il serait très utile de le savoir pour pouvoir planifier leur traitement. »
La présente étude a bénéficié du soutien de la bourse Childhood Cancer Survivor Career Development Award et de l’Institut national du cancer, ainsi que de fonds versés à N.M. Alberts dans le cadre du Programme des chaires de recherche du Canada.
Lisez l’article cité : Fear of Cancer Recurrence in Adult Survivors of Childhood Cancer (“la crainte d’une récidive chez les adultes ayant survécu à un cancer survenu dans l’enfance »).