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John Lee Clark se voit octroyer la bourse d’études supérieures et de recherche Miriam-Aaron-Roland, d’une valeur de 100 000 $

Ce soutien financier permettra au doctorant de poursuivre ses recherches avant-gardistes sur la langue Protactile et l’esthétique tactile
14 novembre 2024
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Diptyque : à gauche, photo en noir et blanc d'un jeune homme aux cheveux courts et bruns, portant un T-shirt. À droite, une couverture de livre avec le titre « How to Communicate ».
« Je ne peux pas séparer ma vie de mes études – toutes deux forment ensemble une seule et même exploration continue », affirme John Lee Clark. | Portrait par Andrean Clark

John Lee Clark, étudiant au programme de doctorat interdisciplinaire en lettres et sciences humaines de l’Université Concordia, est le lauréat de la bourse d’études supérieures et de recherche Miriam-Aaron-Roland pour l’année 2024. Poète et chercheur sourd-aveugle de renom, John Lee Clark effectue des recherches sur la langue Protactile, qui a récemment émergé au sein de la communauté sourde-aveugle. Le parcours scolaire peu conventionnel du doctorant repose sur un profond engagement à trouver des façons de transmettre les savoirs et l’expérience sans passer par la communication visuelle.

« L’approche de John Lee Clark en matière d’apprentissage et de recherche transforme profondément notre façon de penser l’éducation, la connaissance et le langage », estime Pascale Sicotte, doyenne de la Faculté des arts et des sciences.

« Avec le soutien de la bourse d’études supérieures et de recherche Miriam-Aaron-Roland, les travaux innovants de John Lee Clark sur la langue Protactile ne manqueront pas de repousser les limites de la communication et d’apporter de nouvelles perspectives au monde universitaire. »

Chaque année, deux personnes doctorantes se voient remettre cette bourse d’un montant de 100 000 $, la somme étant répartie sur quatre ans, soit la durée du programme de doctorat. La bourse vise à récompenser les personnes étudiantes de Concordia dont les travaux interdisciplinaires rehaussent le profil de recherche de l’Université.

John Lee Clark nous fait part de ses réflexions sur son parcours universitaire, ses travaux de recherche et les retombées transformatrices de la langue Protactile.

« Chaque détail tactile est une expérience qui mérite d’être savourée, tout comme chaque étape de mon parcours de recherche. »

D’où venez-vous? Parlez-nous de votre parcours universitaire.

John Lee Clark : Je suis né à St. Paul, au Minnesota, et j’y ai vécu jusqu’à ce que je vienne m’installer à Montréal. Mon parcours scolaire n’est pas très conventionnel. J’ai acquis ma véritable éducation auprès de ma communauté, qui n’a jamais été présente au sein des milieux universitaires traditionnels. Les études ont joué un rôle plutôt secondaire dans mon processus d’apprentissage. Or, il est intéressant de noter que plus j’avance dans mes études, plus il m’est facile d’aligner mes activités de recherche sur ma façon naturelle d’apprendre.

Pour ce qui est de mes qualifications, je suis titulaire d’un baccalauréat en études sur la surdicécité et d’une maîtrise en création littéraire. J’ai pris part à des projets de recherche financés par la National Science Foundation, le ministère de l’Éducation des États-Unis et le National Endowment for the Arts. Tous ces projets portaient sur la méthode de communication Protactile, notre langue, et sur les nombreuses façons dont celle-ci nous incite à repenser la communication et les arts.

Pourquoi avez-vous choisi Concordia?

JLC : Je ne cherchais pas activement à faire des études doctorales, mais j’ai pris ma décision quand j’ai découvert les travaux d’Erin Manning, professeure à Concordia. Elle se pose les mêmes questions que moi, même si je n’avais pas été en mesure de les formuler clairement jusque-là. Les travaux d’Erin Manning sur le toucher, la communication tactile et la relationnalité ainsi que les possibilités d’études interdisciplinaires offertes par Concordia m’ont convaincu que c’était la direction à prendre.

Sur quoi portent vos recherches?

JLC : En un mot : sur tout. Plus précisément, la question devrait plutôt être comment je fais mes recherches. La langue Protactile ne ressemble à aucune autre. Tactile, elle s’appuie sur des interactions dynamiques et deux types de perception fondés sur le toucher. Nous vivons un moment révolutionnaire pour notre communauté.

Depuis toujours, nous sommes contraints d’appréhender les choses en faisant intervenir la vision. Par exemple, si une personne sourde-aveugle veut étudier la botanique, elle a besoin d’une personne voyante pour lui décrire ce qui se trouve sous le microscope. La langue Protactile change la donne. Elle explore comment il est possible de mener des recherches dans des domaines tels que la botanique sans dépendre de la vision, grâce à des méthodes faisant appel aux expériences tactiles.

Il ne s’agit pas seulement d’apprendre ce qui existe, mais il nous faut remettre fondamentalement en question la manière dont les connaissances sont générées, perçues et transmises. La langue Protactile ouvre de nouvelles avenues de découverte dans un large éventail de domaines.

Que signifie pour vous le fait d’avoir obtenu cette bourse?

JLC : Cette bourse a une grande signification pour moi, et me fait me sentir chaleureusement accueilli par Concordia. D’un point de vue pratique, ce soutien me permet de me concentrer pleinement sur mes recherches, qui sont intimement liées à tous les aspects de ma vie. Je ne peux pas séparer ma vie de mes études – toutes deux forment ensemble une seule et même exploration continue.

Quels sont vos projets pour les prochaines années?

JLC : Ma démarche est davantage axée sur la découverte que sur la poursuite d’un objectif précis. En ce moment, je dirige un projet d’histoire vivante sur la surdicécité – le premier du genre – dans le cadre duquel nous explorons comment les expériences tactiles peuvent évoquer l’histoire. Par exemple, nous constatons que le polyester, malgré son apparence, ne procure pas une sensation d’exactitude historique.

Au prochain trimestre, je compte explorer plus profondément l’esthétique tactile, en particulier la manière dont les objets sont contextualisés. Les piédestaux, par exemple, isolent et stérilisent les objets. Je souhaite les réécologiser par la création d’environnements tactiles.

De nombreux livres seront écrits au sujet de ces processus, et l’un d’entre eux deviendra un jour ma thèse doctorale, quoique je ne sache pas encore lequel.

Aimeriez-vous dire quelque chose à Miriam Aaron Roland?

JLC : Plutôt que lui dire quoi que ce soit, je l’emmènerais faire une visite guidée en langue Protactile. J’attirerais son attention sur toutes les petites choses, souvent négligées, qui sont riches en détails tactiles, comme le craquement d’une latte de plancher ou la qualité artisanale d’une charnière de porte que vous ne trouverez jamais chez Home Depot.

Je lui montrerais une branche de cerisier – pas n’importe laquelle, mais une en particulier – et l’inviterais à en toucher les rainures, qui ne sont ni trop larges ni trop minces. Chaque détail tactile est une expérience qu’il faut savourer, tout comme chaque étape de mon parcours de recherche.


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