La musique nous fait bouger même si nous y sommes indifférents, selon une nouvelle étude de l’Université Concordia
![Un homme en pull gris et lunettes sourit en tenant une guitare.](/fr/actualites/nouvelles/2025/02/11/la-musique-nous-fait-bouger-meme-si-nous-y-sommes-indifferents-selon-une-nouvelle-etude-de-luniversite-concordia/_jcr_content/top-image.img.768.medium.jpg/1739216559418.jpg)
L’envie irrésistible de bouger au son d’une musique dotée d’une qualité rythmique particulière – le groove – semble être une réponse physiologique indépendante de notre appréciation générale de la musique, selon une nouvelle étude dirigée par une équipe de recherche de l’Université Concordia.
Cette réaction est si forte qu’on la retrouve même chez les personnes présentant une anhédonie musicale, qui sont peu sensibles – voire indifférentes – au plaisir que procure la musique.
Isaac Romkey, auteur principal de l’étude et doctorant au Département de psychologie, affirme dans la revue PLOS One que selon de récentes recherches, les deux aspects du groove, soit le plaisir et l’envie de bouger – souvent étroitement corrélés – sont en réalité dissociables.
Pour tester cette hypothèse, M. Romkey et son équipe ont fait écouter plus de 50 courts extraits musicaux à des personnes présentant une anhédonie musicale et ainsi qu’à des témoins non anhédoniques afin de comparer leurs réactions au groove. Les sujets atteints d’anhédonie musicale n’ont été inclus dans l’étude que s’ils tiraient plaisir d’autres aspects de la vie, comme les aliments et la sexualité, et si leurs réponses à la récompense étaient appropriées selon d’autres indicateurs. L’équipe s’est également assurée que les personnes participantes n’étaient pas dépressives et qu’elles avaient une perception intacte du rythme et de l’intensité sonore. Aux fins de l’étude, les chercheurs leur ont fait entendre de courts morceaux de musique d’une complexité rythmique variable, conçus pour susciter une réaction de groove. Après chaque morceau, les personnes participantes ont été invitées à évaluer le plaisir qu’elles avaient ressenti et l’envie de bouger qu’elles avaient éprouvée.
« Normalement, nous devrions observer une réaction de type U inversé au regard de la complexité rythmique, ce qui signifie que nous préférons bouger au son d’une musique aux rythmes moyennement complexes plutôt qu’au son d’une musique très simple ou très complexe », illustre M. Romkey.
S’appuyant sur ce principe, les auteurs ont émis l’hypothèse que les personnes présentant une anhédonie montreraient un degré de plaisir plus faible, mais que leur envie de bouger serait intacte lorsqu’il s’agirait de musique groovy.
Or, les chercheurs n’ont observé aucune différence entre les anhédoniques et les témoins en ce qui concerne le plaisir ou l’envie de bouger. Plus important encore, ils ont découvert que chez les personnes anhédoniques, l’envie de bouger semble être le moteur de leur expérience du plaisir. Ce constat semble indiquer que la sensation de plaisir émoussée observée chez les personnes présentant une anhédonie musicale est compensée par l’envie de bouger. Pour ces personnes, c’est le mouvement qui génère le plaisir.
« Chez les personnes atteintes d’anhédonie musicale, nous nous attendions à un aplanissement de la courbe en U, mais ce n’est pas ce que nous avons observé. Cela signifie que les personnes souffrant d’anhédonie musicale tirent du plaisir de l’envie de bouger. Plus généralement, ce constat donne à penser que l’envie de bouger peut constituer en soi une source de plaisir. »
Mêmes réactions, différentes sources
Les causes de l’anhédonie musicale demeurent peu étudiées, mais selon Isaac Romkey, il semble qu’elle soit héréditaire. Le chercheur note que l’envie de bouger est associée au striatum dorsal, une partie du cerveau liée aux fonctions motrices, tandis que le plaisir est plutôt associé au striatum ventral, qui régule le système de récompense, la motivation et les comportements orientés vers un but.
« Dans nos prochaines recherches, nous étudierons la façon dont la connectivité fonctionnelle et structurelle du cerveau diffère entre les personnes anhédoniques et les témoins en examinant le striatum dorsal et ventral à l’aide de techniques d’imagerie, notamment l’IRM et la magnétoencéphalographie », ajoute-t-il.
Parmi les coauteurs de l’étude figurent Nicholas Foster, Simone Dalla Bella et Virginia Penhune, de l’Université Concordia, ainsi que Tomas Matthews (Ph. D. 2021), de l’Université d’Aarhus.
Lisez l’article cité : « The pleasurable urge to move to music is unchanged in people with musical anhedonia »