Les microbulles guidées par ultrasons pourraient stimuler la réponse immunitaire contre les tumeurs, selon une nouvelle recherche menée à l’Université Concordia
Un article rédigé récemment par une équipe de recherche des départements de biologie et de physique de l’Université Concordia propose une nouvelle méthode de traitement des tumeurs cancéreuses fondée sur l’utilisation de microbulles guidées par ultrasons – une technologie déjà largement utilisée en imagerie médicale et pour l’administration de médicaments.
Dans un article publié dans la revue Frontiers in Immunology, les chercheurs décrivent un procédé consistant à utiliser des ultrasons pour modifier le comportement des lymphocytes T anticancéreux et augmenter leur perméabilité cellulaire. Ils ont examiné les mécanismes selon lesquels ce processus peut favoriser la libération de plus de 90 types de cytokines – un type de molécule de signalisation qui joue un rôle crucial dans la réponse immunitaire.
Les chercheurs ont ciblé des cellules immunitaires humaines fraîchement isolées à l’aide de faisceaux d’ultrasons très concentrés et des microbulles, un produit de contraste cliniquement approuvé. Lorsqu’elles sont touchées par les ultrasons, les bulles vibrent à une fréquence extrêmement élevée, exerçant une poussée sur les parois des membranes des lymphocytes T. Ce phénomène imite la réponse naturelle des lymphocytes T à la présence d’un antigène. Le lymphocyte T commence alors à sécréter des molécules de signalisation vitales qui seraient autrement entravées par le microenvironnement hostile de la tumeur. Ce processus n’endommage pas la cellule elle-même.
« Nous combinons l’utilisation des ultrasons et des microbulles pour moduler la neuro-immunologie au domaine émergent de l’immunothérapie du cancer, qui consiste à miser sur nos propres cellules immunitaires pour lutter contre cette maladie », explique Brandon Helfield, professeur agrégé de biologie et de physique et auteur responsable de la supervision de l’article.
Réactivation des cellules
Cette approche permet de s’attaquer directement à l’un des principaux obstacles à la réponse naturelle de l’organisme face au cancer : la capacité de la tumeur à empêcher les lymphocytes T de produire des cytokines et d’autres protéines utiles une fois qu’elles pénètrent dans la tumeur elle-même.
« Les microbulles peuvent réactiver les cellules qui ont été neutralisées à l’intérieur de la tumeur », explique la doctorante Ana Baez, auteure principale de l’article. « Ce processus les aide à libérer les protéines nécessaires à la croissance de nouvelles cellules immunitaires et sanguines, ce qui engendre une boucle de rétroaction positive. »
On a constaté que les modifications de la sécrétion de cytokines variaient en fonction du temps. Sur une période de 48 heures, la quantité de cytokines a été multipliée par un facteur de 0,1 à 3,6 par rapport aux cellules non traitées. En outre, les chercheurs ont remarqué que lorsque les ultrasons rendaient la membrane cellulaire plus perméable, la quantité de cytokines libérées avait tendance à diminuer.
Bien que la recherche n’en soit qu’à un stade préliminaire et que ces résultats n’aient été obtenus qu’en laboratoire, les auteurs espèrent que ces travaux permettront d’approfondir leur compréhension des différentes voies empruntées par les substances chimiques du système immunitaire pour lutter contre le cancer. De plus, ils croient que cette avenue de recherche viendra améliorer et compléter les traitements anticancéreux et les thérapies cellulaires existants.
« Les microbulles sont déjà utilisées comme outils cliniques pour les interventions guidées par l’image », souligne Brandon Helfield, titulaire de la chaire de recherche du Canada de niveau II en biophysique moléculaire appliquée à la santé humaine. « À l’avenir, nous pourrions manipuler le faisceau pour passer de l’imagerie à une séquence thérapeutique, et concentrer le faisceau sur les lymphocytes T de manière à n’activer que ceux qui se trouvent à l’endroit atteint par la maladie. »
« Nous pourrions également inclure dans le traitement certains médicaments anticancéreux qui ciblent la tumeur, ajoute Ana Baez. La technique n’étant pas du tout invasive, il serait possible de répéter l’intervention. »
Davindra Singh, Stephanie He, Mehri Hajiaghayi, Fatemeh Gholizadeh et Peter Darlington ont contribué à la réalisation de l’étude.
Cette étude a obtenu un soutien financier du Programme des chaires de recherche du Canada, de la Société canadienne du cancer et des Instituts de recherche en santé du Canada.
Lisez l’article cité : Immunomodulation of human T cells by microbubble-mediated focused ultrasound.