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Un nouveau programme de recherche mené à l’Université Concordia vise l’autochtonisation de l’intelligence artificielle

Abundant Intelligences est un programme international qui réunit plusieurs intervenants et propose une façon éthique et différente d’inclure les communautés autochtones dans l’innovation liée à l’IA
14 janvier 2025
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Illustration d'une puce d'IA

Un nouveau projet mené par des chercheuses et chercheurs de l’Université Concordia vient remettre en question l’orientation de la conversation sur l’intelligence artificielle (IA). Selon ces chercheurs, la trajectoire actuelle entretient un préjugé intrinsèque contre les conceptions non occidentales de l’intelligence, en particulier celles issues des cultures autochtones.

Pour décoloniser l’avenir de l’IA, ils ont mis sur pied Abundant Intelligences, un programme de recherche international et interdisciplinaire auquel participent plusieurs intervenants et qui a pour but de repenser la façon dont nous concevons cette technologie. L’idée maîtresse de ce programme est la prise en compte des systèmes de savoirs autochtones pour en arriver à une conception inclusive et solide de l’intelligence et de l’action intelligente; le programme vise également à explorer de quelles façons cette nouvelle conception pourrait s’intégrer aux technologies existantes et futures.

Les fondements conceptuels du projet sont décrits en détail dans un article publié récemment dans la revue AI & Society.

« L’intelligence artificielle a hérité d’idées conceptuelles et intellectuelles issues d’anciennes conceptions de l’intelligence qui se sont imposées dans un contexte colonial, ce qui se manifeste aujourd’hui par la prédominance d’une vision industrielle ou productiviste dans le domaine », fait valoir Ceyda Yolgörmez, boursière postdoctorale dans le cadre du programme Abundant Intelligences et l’une des auteures de l’article.

Les auteurs avancent que cet état d’esprit de pénurie s’est concrétisé par des pratiques axées sur l’exploitation et l’extraction des ressources et a contribué à un effacement des cultures autochtones qui influe encore aujourd’hui sur les discussions entourant l’IA, ajoute Jason Edward Lewis, auteur principal de l’article. Professeur au Département de design et d’arts numériques, Jason Edward Lewis est titulaire de la chaire de recherche de l’Université Concordia en médias informatiques et en imaginaire de l’avenir autochtone.

« Le programme de recherche Abundant Intelligences vise à déconstruire l’état d’esprit de pénurie et à faire de la place à de nombreux types d’intelligence et de façons d’envisager celle-ci. »

Les chercheurs croient que cette approche différente peut donner lieu à une IA orientée vers l’épanouissement humain qui contribue à la préservation et au soutien des langues autochtones et permet d’aborder les enjeux urgents liés à l’environnement et au développement durable, de réimaginer des solutions en santé publique et bien plus encore.

Un homme avec un bouc, une chemise et une veste noires « Le programme de recherche Abundant Intelligences vise à déconstruire l’état d’esprit de pénurie et à faire de la place à de nombreux types d’intelligence et de façons d’envisager celle-ci », indique Jason Edward Lewis.

Miser sur l’intelligence locale

Le programme de recherche communautaire est dirigé depuis l’Université Concordia, à Montréal, mais à l’échelle locale, une grande partie du travail est effectuée par des groupes de recherche autonomes (appelés « modules ») exerçant leurs activités dans différentes régions du Canada, des États-Unis et de la Nouvelle-Zélande.

Les modules seront rattachés à des laboratoires de recherche et d’étude des médias centrés sur les Autochtones situés à l’Université Western, en Ontario, à l’Université de Lethbridge, en Alberta, à l’Université Hawai’i-West Oahu, au Bard College, à New York, et à l’Université Massey, en Nouvelle-Zélande.

Ils comprennent des gardiens du savoir autochtone, des praticiens de la culture, des gardiens de la langue, des établissements d’enseignement et des organismes communautaires ainsi que des chercheurs, des ingénieurs, des artistes et des spécialistes des sciences sociales, qui travaillent ensemble dans le but d’élaborer de nouvelles pratiques informatiques qui intègrent une vision du monde centrée sur les Autochtones.

Les chercheuses et chercheurs travaillent également en partenariat avec des professionnels de l’IA et des chercheurs de l’industrie, convaincus que le programme ouvrira des avenues de recherche novatrices et posera de nouvelles questions au domaine de la recherche en IA.

« Par exemple, comment construire un système rigoureux à partir d’une petite quantité de données telles que les différentes langues autochtones? demande Ceyda Yolgörmez. Comment créer des systèmes multiagents robustes, qui reconnaissent et soutiennent les acteurs non humains et qui intègrent différents types d’activités dans le corps d’un seul système? »

Jason Edward Lewis affirme que cette approche est à la fois complémentaire à la recherche dominante en matière d’IA et différente de celle-ci, en particulier en ce qui concerne les ensembles de données tels que les langues autochtones, qui sont beaucoup plus petits que ceux utilisés actuellement par les leaders de l’industrie.

« Nous avons pris l’engagement de travailler de manière éthique à partir de données issues des communautés autochtones, plutôt que de nous contenter de faire de l’extraction sur Internet, explique-t-il. Nous obtenons ainsi des données dont la quantité est très inférieure à celles utilisées dans les grandes entreprises, mais le fait de travailler avec des langues utilisées par un petit nombre de locuteurs offre la possibilité d’innover et de sortir des sentiers battus. Cela peut être utile aux chercheurs qui souhaitent adopter une approche différente de celle du courant dominant. »

« C’est là l’une des forces de l’approche décoloniale : elle permet de s’éloigner de cette vision étroite selon laquelle il n’y a qu’une seule façon de faire les choses. »

Hēmi Whaanga, professeur à l’Université Massey, en Nouvelle-Zélande, a également contribué à la rédaction de l’article.

Lisez l’article cité : Abundant intelligences: placing AI within Indigenous knowledge frameworks (« intelligences fondées sur l’abondance : envisager l’IA dans le cadre des savoirs autochtones).



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