« De l’amour, des compromis et un miracle. » C’est la recette pour un mariage heureux que la Dre Herta Guttman, aujourd’hui décédée, a confiée à sa fille, la diplômée de Concordia Naomi Guttman, B. Bx-arts 1985, alors que celle-ci faisait un film sur les 64 ans d’union conjugale de ses parents.
« Le mystère qui fait en sorte qu’on arrive à trouver une personne si attirante et si satisfaisante, malgré tous ses défauts, tient du miracle », explique Herta dans ce documentaire primé de 30 minutes.
Née à Montréal, Guttman est professeure de littérature et de création littéraire au Hamilton College à Clinton, dans l’État de New York. Elle a aussi publié trois recueils de poésie primés.
More Than You Can Know: A Marriage Story est son premier film. Faisant partie de la sélection officielle de 11 festivals de films nord-américains, dont le Festival international du film de Toronto, le LA Sun Film Fest et le Boston Indie Film Festival, il a été nommé « meilleur documentaire » au Toronto Indie Shorts Festival en 2024.
« Une grande institution »
Le temps que Guttman a passé à Concordia s’est avéré essentiel puisqu’il a ouvert la voie à sa carrière d’écrivaine et de cinéaste. « Je crois en Concordia et je pense qu’elle est devenue une grande institution », indique-t-elle. Bien que la principale intéressée ait fait une majeure en musique, c’est sa mineure en création littéraire et un cours de cinéma inoubliable qui ont mené à son succès actuel.
Des professeurs comme Terence Byrnes, du programme de création littéraire, et Thomas Waugh, du programme d’études cinématographiques, ont laissé une impression durable sur la cinéaste qui affirme se souvenir de leurs cours et de leurs ateliers 44 ans plus tard.
Revenons au présent et à son film primé. L’idée de More Than You Can Know: A Marriage Story lui est venue lorsque ses parents ont fêté leur 60e anniversaire de mariage, en 2013.
« À l’âge adulte, on réalise tôt ou tard que nos parents ne sont pas éternels, affirme la réalisatrice. J’ai toujours voulu faire un film sur le mariage ou sur mes parents et leur cercle d’amis. Ils faisaient partie d’une minuscule communauté anglo-juive de Montréal très bien circonscrite. En raison de leur anniversaire et parce que je savais ma mère malade, j’ai commencé à les filmer. »
Un amour irrépressible
Herta et Frank ont commencé à se fréquenter au printemps 1952, alors qu’ils avaient respectivement 18 et 21 ans, pour se marier l’année suivante.
Au cours d’une série d’entretiens de Guttman avec ses parents, des détails surprenants sur leur relation de plusieurs décennies ont refait surface, notamment une boîte contenant les lettres qu’ils avaient échangées durant la période où ils se courtisaient à distance.
Cette correspondance transatlantique entre Montréal et Genève, en Suisse, où Frank étudiait la médecine, a jeté les bases de ce qui allait devenir un chemin sinueux qui, malgré les revers, ramenait toujours les époux l’un vers l’autre.
« C’était émouvant de lire leurs échanges épistolaires de jeunesse, teintés de bravade et de séduction, déclare la cinéaste. Ils avaient une foi inébranlable dans le monde. »
Fidélité, féminisme et parentalité
Guttman a enregistré des conversations avec ses parents, qui révèlent parfois des aspects délicats de leur mariage, abordant au détour la question de la fidélité, du féminisme et de la parentalité.
À l’époque du mouvement de libération des femmes, dans les années 1960 et 1970, Herta travaillait à temps plein comme psychiatre et était en avance sur son temps à bien des égards. « Mes parents ont dû lutter, en tant que couple, contre les contraintes de temps et les pressions exercées par la carrière de ma mère, explique la documentariste. Je considère leur mariage comme un long voyage, forcément jalonné de moments plus heureux que d’autres, mais qui s’est plutôt bien terminé, à mon avis.
« Le film est également devenu un projet d’archivistique, ajoute-t-elle. J’avais en main plein de photographies et de films familiaux, que j’ai pu intégrer au récit, à ma plus grande satisfaction. Mon père aimait être derrière la caméra et il adorait faire des films de famille; c’est donc un bel hommage que je lui rends. »
Les parents de Guttman ont depuis rendu leur dernier souffle, à commencer par Herta en 2018, puis Frank en 2020. L’histoire inédite de leur amour de longue haleine n’aurait jamais vu le jour n’eût été leur fille qui, grâce à son film, la fait non seulement découvrir à sa famille immédiate, mais aussi aux spectateurs nord-américains d’un bout à l’autre du pays.